Pour le professeur Janusz Filipiak, fondateur, président et CEO de Comarch, qui avait fait le déplacement pour cette inauguration, "à horizon 2021, toute l'informatique sera dans le cloud". Et Arkadiusz Ilgowski, country manager France, d'ajouter que "aujourd'hui déjà, la plupart de nos clients sont dans le cloud ou hébergés d'une manière ou d'une autre dans nos infrastructures". C'est ce qui a motivé la construction de ce datacenter de Lézennes (Nord), car jusqu'ici les clients étaient forcément hébergés à l'étranger, dans l'un des trois datacenter polonais ou dans celui de Dresde. Comarch met l'accent depuis de nombreuses années sur le développement de services d'hébergement à forte valeur ajoutée. Pour pérenniser ce développement, d'importants investissements sont consentis dans la construction de ses propres infrastructures, tout en coopérant avec les meilleurs fournisseurs de services ailleurs qu'en Europe. Le data center de Lézennes est le cinquième établissement en nom propre sur les 15 que compte son réseau en Europe, en Amérique du Nord et en Asie.
D'une superficie de 840 m2 de salles blanches, le centre de calcul est construit dans un ancien entrepôt de la banlieue de Lille. Il permettra à terme d'accueillir 300 racks de 47 unités dans trois salles différentes pour 2,7 mégawatts de puissance maximale. Pour l'heure, seule la première salle – soit 100 racks – est opérationnelle et sera mise en fonctionnement d'ici deux semaines avec les premiers clients français rapatriés d'autres datacenter. L'idée est de rapatrier progressivement tous les clients français hébergés dans les autres datacenter et d'installer les nouveaux dans celui de Lézennes, garantissant du même coup un hébergement des données sur le sol français. "Nous avons construit un datacenter sans 'single point of failure'", s'enorgueillit Maxim Lea, le responsable du centre de calcul, qui explique que tous les équipements sont redondés, depuis l'alimentation électrique en "coupure d'artère" jusqu'aux climatiseurs en passant par les groupes électrogènes de 1 600 kVA chacun ou les transformateurs haute tension et physiquement éloignés les uns des autres. Sans compter la sécurité, qui commence avec une barrière infra-rouge tout autour du bâtiment et se poursuit par de la vidéosurveillance et un contrôle d'accès renforcé.
La première salle blanche du datacenter de Lézennes, qui en comptera trois à terme
Essentiellement destiné à porter les offres logicielles de Comarch, ce datacenter lui permet également de proposer des offres PaaS et IaaS. Comarch SaaS inclut à la fois l'applicatif et l'infrastructure serveurs ainsi qu'un support technique sur la gestion des applications et de l'infrastructure. L'hébergeur garantit une disponibilité des systèmes critiques de l'ordre de 99,95 % par an.
Comarch propose par ailleurs une plateforme PaaS avec une gamme complète de services compatibles avec les services gérés, ainsi que des applications professionnelles localisées au sein de son datacenter. Le IaaS fait aussi partie de l'offre, ainsi que le DRC (Disaster Recovery Center), de manière indépendante ou comme un service optionnel à l'un des autres services proposés. Il implique l'ajout d'un datacenter de secours pour les entreprises souscriptrices ; le temps de transition entre le datacenter principal et celui de secours ainsi que le délai après lequel les systèmes sont à nouveau disponibles sont préalablement définis par SLA (Service Level Agreement).
Initié il y a quelque 6 ans, le projet aura couté de l'ordre de 8 millions d'euros. Le ROI est attendu en 7 à 8 ans. Pour Arkadiusz Ilgowski, il "marque une étape importante dans notre développement sur le marché français. Il nous permet non seulement de fournir des services d'hébergement pour nos clients, mais aussi de fournir des solutions complètes, end to end, en France. C'est un message clair pour nos clients actuels et futurs sur l'importance que nous apportons au marché français, à la fois en termes de satisfaction client mais également d'ambitions pour les années à venir". Mais ce datacenter peut éventuellement aussi desservir les clients anglais, espagnols ou italiens. À terme, il devrait générer entre 20 et 30 emplois locaux, affectées au fonctionnement du centre et au déploiement de l'offre, même si l'essentiel du pilotage de l'installation se fait à distance depuis la Pologne.
Si la Pologne demeure le principal marché de l'éditeur et intervient pour 40 % dans son chiffre d'affaires, suivie de l'Allemagne, avec 24 %, la France, qui compte aujourd'hui environ 50 clients, essentiellement dans la grande distribution, reste un marché important en Europe. "Mais nous avons passé toute l'année dernière à nous développer en Asie (Malaisie, Singapour, Japon, Chine, Thaïlande...)", précise Janusz Filipiak. "La vitesse à laquelle les choses bougent et changent en Asie est étonnante. De même que la facilité à mener les projets. Et comme ils savent faire de l'électronique, mais pas de l'informatique, cela constitue une opportunité pour Comarch".
L'importance du retail
Comarch s'est implantée en France en 2006 après y avoir trouvé son premier client, le groupe Auchan, avec lequel la société a tissé des liens étroits qui expliquent son implantation dans le Nord. Nord dans lequel se trouvent justement de nombreux acteurs de la grande distribution. Aujourd'hui, le retail pèse 80 % de son chiffre d'affaires en France (de l'ordre d'une dizaine de millions annuels dans l'Hexagone pour 68 collaborateurs répartis entre Lézennes et Grenoble – 260 M€ en tout dans le monde, pour un peu plus de 5 500 collaborateurs). Parmi ses clients dans le secteur, on peut citer les Galeries Lafayette, le PMU, Eram, Bic ou encore Bureau Valley.
Le professeur Janusz Filipiak, fondateur, président et CEO de Comarch (à G) et Arkadiusz Ilgowski, country manager France, lors de la conférence de Presse, le jour de l'inauguration
"J'ai connu tous les cycles de l'informatique depuis quelques décennies", se souvient Janusz Filipiak. "Au départ, l'emphase était mise sur l'industrie, puis ce fut au tour de la banque et de l'assurance. Et aujourd'hui c'est le retail, qui opère sa mutation vers plus de digital et moins de magasins physiques, vers l'omnicanalité et l'expérience client. Nous sommes à la recherche de nouveaux modèles de business avec nos clients".
Et le reste
Comarch n'intervient pas uniquement dans le domaine de la gestion, mais dans de nombreux autres domaines, comme la télé-santé, par exemple, et ce depuis longtemps déjà (voir Comarch, les Polonais touche-à-tout). "En développement depuis quelques années dans notre clinique de Cracovie, notre offre de télé-santé va être lancée officiellement cette année", annonce Janusz Filipiak. Baptisée e-Care cette offre est déjà installée et utilisée dans plusieurs cliniques en Italie "Nous avons aussi deux projets en Allemagne et des contacts avancés avec les chinois", précise le CEO. "Au total, le domaine de la télé-médecine occupe 500 personnes de l'entreprise, pour un budget global de 12 M€ annuels et la télé-consultation permet de nourrir de grands espoirs pour lutter contre les déserts médicaux".
Maxim Lea, responsable du datacenter, qui a aussi piloté le projet
Comarch s'était aussi lancée dans les smart cities, avec des projets à Milan et à Malaga, notamment, "mais nous avons suspendu cette activité, car il n'y a pas de budget dans les grandes villes. Nous avons cependant démontré que c'était possible", note le professeur Filipiak. "Aujourd'hui, nous nous tournons plutôt vers l'équipement de centres commerciaux et vers le magasin intelligent". Au total, Comarch compte 1 200 personnes en R&D pour un budget annuel de 50 millions d'euros.
Pour l'anecdote, Comarch finance également une équipe de première division de football à Cracovie, pour un budget de 5 millions d'euros et une centaine de personnes gravitant autour.
Benoît Herr