Si la transformation numérique des entreprises est en marche, elle passe le plus souvent par des processus de dématérialisation et de numérisation. Toutes les études le confirment : la dématérialisation des documents, en particulier entrants et notamment des factures, reste, en 2018, l'une des premières priorités des DSI comme pour les directions administratives et financières, eu égard aux gains de productivité qu'elle engendre.
De quoi parle-t-on ?
En fait, dématérialisation et numérisation ne recouvrent pas les mêmes réalités, alors même qu'on a souvent tendance à les assimiler l'une à l'autre. La numérisation est tout simplement la conversion des informations d'un support physique vers un support numérique. Elle peut aller du simple scanner de document à la reconnaissance de caractères (OCR : Optical Character Recognition) et d'images.
La dématérialisation, en revanche, recouvre une réalité plus large et consiste à remplacer les supports matériels par des supports numériques. On peut donc parler de numériser un document, mais aussi de remplacer, dans un processus d'entreprise, un support physique de communication comme une fiche produit, par exemple, par la même fiche, enregistrée sur un disque dur.
Mise au point : ajoutons à cela l'utilisation largement répandue de l'anglicisme "digitalisation" qui, dans la langue de Shakespeare fait référence au nom "digit", c'est-à-dire chiffre. En français en revanche, "digital" signifie "relatif au doigt", ce qui n'a pas vraiment de sens s'agissant de numérisation. Mais l'anglicisme "digitalisation" est désormais passé dans l'usage courant, même si chez erp-infos.com on s'évertue à ne pas l'utiliser, ce qui n'est pas toujours possible d'ailleurs. Le vocable anglais recouvre aussi bien la notion de numérisation que celle de dématérialisation, ce qui ajoute encore à la confusion.
Un marché conséquent
Le marché des solutions de dématérialisation pesait, selon le cabinet d'analyse Markess, 6 milliards d'euros en France en 2016 et devrait progresser pour atteindre 6,8 milliards cette année. Dans ce chiffre, les licences de logiciels interviennent pour 22 %, les abonnements cloud pour 17 % et les services pour 61 %. Il progresse en moyenne de 6 % par an.
Les solutions sont là et pléthoriques. Cependant, dans bien des domaines de la dématérialisation on note encore un décalage entre les possibilités techniques et l'adoption par les entreprises. Il en va ainsi par exemple de la dématérialisation fiscale et du purchase to pay, mais aussi de la transformation et de l'automatisation des processus métier. Du reste, les besoins des entreprises ne sont pas toujours ni clairement identifiés ni clairement exprimés. Force est de constater que la plupart des organisations sont encore à l'amorce de leur transformation et ont une vision par métier et non pas encore globale de la dématérialisation de leurs activités.
D'autres aspects de la dématérialisation, comme la signature électronique ou les usages mobiles ont un impact positif. Selon Markess, 47 % des décideurs interrogés évoquent des besoins en matière de signature électronique et 40 % en matière d'authentification des documents entrants. À ce sujet, rappelons qu'un document numérisé n'a pas de valeur juridique car on ne peut pas prouver son authenticité ou qu'il s'agit bien du document original. La loi impose pour donner une valeur juridique à un document numérisé de respecter les recommandations de la norme AFNOR NF Z42-013 et qu'il respecte l'article 1316-1 du Code civil, qui indique qu'un "écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité".
En ce qui concerne les usages mobiles, 44 % des décideurs interrogés par Markess estiment que les usages mobiles impactent fortement les processus et 42 % des prestataires interrogés estiment que le mobile et ses usages associés auront une incidence majeure sur le marché.
Autre enjeu de la dématérialisation : la protection de l'environnement. Les économies potentielles liées à la dématérialisation des factures à l'échelle européenne se chiffrent en milliards d'arbres, de litres d'eau et de kWh. Enfin, la dématérialisation offre de nombreux autres avantages, comme une économie de mètres carrés grâce à un stockage sur supports électroniques à l'encombrement réduit, une sécurité renforcée grâce à des coffres-forts numériques et des sécurités d'accès, une traçabilité et une centralisation de la gestion, sans oublier des coûts largement diminués.
L'administration motrice
La dématérialisation des factures reste une fonctionnalité phare de la dématérialisation, car elle permet de réduire de façon drastique les temps de traitement et donc les coûts, toutes choses qui expliquent qu'elle soit toujours l'une des priorités des DSI. Depuis que le cœur de Chorus, le projet interministériel de pilotage des dépenses de l'État piloté par l'AIFE (Agence pour l'Informatique Financière de l'État) est opérationnel, c'est-à-dire 2012, l'agence s'est attelée à la dématérialisation des factures des administrations. Plutôt poussif au départ, ce projet appelé Chorus Pro connait une accélération depuis quelques années, c'est-à-dire depuis que l'approche a été réorientée vers les usages et est devenue moins technique (voir Satisfecit général autour de Chorus Pro) et un calendrier précis a été établi. En 2020, toutes les entreprises travaillant avec une administration, quelle qu'elle soit, devront dématérialiser leur facturation. Cette obligation s'applique aux grands comptes depuis le 1er janvier 2017 et aux ETI depuis le 1er janvier 2018. Les PME seront concernées dans quelques mois, le 1er janvier 2019 et les TPE et microentreprises le 1er janvier 2020. Rien n'interdit cependant de dématérialiser ses factures dès aujourd'hui, même si ce n'est pas obligatoire. Trois canaux sont mis à disposition pour cela : le portail Chorus, de l'EDI (Echange de Données Informatisé) ou des API. Rares sont cependant les PME qui s'y sont lancées, alors même que les bénéfices sont intéressants et se traduisent par une baisse du coût des factures et une amélioration des délais de paiement.
Les voies de la dématérialisation sont nombreuses et parfois complexes. Et même si l'État, au travers de ses actions et de ses obligations, pousse les organisations à dématérialiser, certains freins demaurent. Au-delà des problèmes budgétaires, on constate encore souvent une méconnaissance des outils et une crainte de perdre des données. La dématérialisation fait pourtant partie intégrante de la nécessaire transformation numérique des entreprises. Un autre aspect majeur de cette transformation est la résistance au changement et son remède, l'accompagnement, trop souvent encore négligés.
Benoît Herr
Le salon Documation
Malgré la grève du jeudi 22 mars, plus de 3 400 visiteurs professionnels uniques et plus de 4 200 auditeurs aux conférences et ateliers exposants ont été comptabilisés lors de cette 24ème édition. Ce salon permet de se tenir au courant de tous les enjeux de la transformation numérique, de la gouvernance de l'information et de la valorisation de la donnée des entreprises pour tous les professionnels qui gèrent des documents, des contenus et des données. Les nombreuses conférences et tables-rondes ont déroulé les tendances de fond indispensables à l'orientation des organisations dans leur mutation numérique.