Benoît Darde, directeur associé de Wavestone, a assuré que dans l'ensemble du secteur, "le moral est bon, porté par les excellents chiffres de 2017 : la croissance 2017 a été au final de 3,9 %, soit 0,5 % de plus qu'annoncé fin 2017." Le marché a donc atteint 54,1 milliards d'euros. Pour 2018, l'étude de conjoncture Syntec Numérique / IDC réalisée en avril 2018 confirme cette forte confiance des acteurs : 81 % envisagent une croissance de leur chiffre d'affaires en 2018 (+4 % par rapport à 2017).
Benoît Darde, Wavestone
La croissance 2018 est ainsi anticipée à 4,2 %. Entre 2013 à 2018, une progression globale de 7 milliards d'euros du secteur devrait être observée, ce qui correspond à "une croissance deux fois plus rapide que pour le reste du PIB", a souligné Godefroy de Bentzmann, président de Syntec Numérique. Les secteurs les plus porteurs devraient être l'industrie (autour de 20 % du marché) et le secteur banque assurance finance (autour de 25 % du marché).
Deux moteurs pour 2018 : transformation numérique et RGPD
Le premier levier de croissance pour 2018 est bien sûr la transformation numérique, priorité des investissement pour 80 % des entreprises utilisatrices : les investissements technologiques (cloud, Big Data et analytique, mobilité et IoT, réseaux sociaux et sécurité) devraient croître de 16 % en 2018, soit 1,6 milliard de croissance nette (163 millions pour les environnements traditionnels), pour atteindre 11,8 milliards d'euros et représenteront 25,3 % du marché des logiciels et services.
Les SMACS en 2018
Pour Benoît Darde, "les leviers d'investissement des entreprises utilisatrices évoluent de l'innovation technologique ou des premières implémentations à des réflexions sur l'impact de la transformation numérique sur le modèle d'entreprise et la relation client". L'étude IDC a mesuré à 89 % la part des entreprises utilisatrices investissant dans les SMACS (Social Mobilité Analytique Cloud et Sécurité) pour "accompagner l'évolution du modèle économique" (76 % mesurés en 2017).
Le 2ème levier de croissance en 2018 est la mise en conformité vis-à-vis du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), qui devrait représenter un budget 2018 de 958 millions d'euros. Ce marché proche du milliard devrait être reconduit en 2019, entamer une décrue en 2020, avec des opportunités jusqu'en 2021. En effet, si la maturité des entreprises s'est renforcée avec 84 % des organisations prêtes ou quasi prêtes à l'entrée en vigueur du RGPD en février 2018 (contre 58 % en juin 2017), Benoît Darde a souligné qu' "il reste encore des TPE qui doivent réaliser des mises en conformité, qui représentent un investissement important pour elle". 23 % des entreprises consomment ainsi plus de 10 % de leur budget IT pour les mener à bien.
Éditeurs de logiciels, toujours portés par les SaaS
Gilles Mezari, PDG de Saaswedo, s'est félicité du moral au beau fixe des éditeurs de logiciels, qui sont 80 % à miser sur une croissance de leur activité en 2018, les autres anticipant une stabilité. La croissance du secteur de l'édition de logiciels a été de 5,2 % en 2017 et devrait atteindre 5,5 % en 2018.
Le SaaS est le moteur principal de cette croissance : la part des affaires signées en SaaS sur le 1er trimestre 2018 est de 45 %. Parmi celles-ci, 15 % sont des migrations d'un mode traditionnel vers le SaaS, 23 % des améliorations de solutions SaaS existantes et 62 % des nouveaux clients. Le revenu SaaS global a ainsi été de 2,8 milliards d'euros en 2017 : 35 % de ce revenu est récurrent, avec une durée d'engagement supérieure à 36 mois pour 66 % des sondés par IDC.
Ces chiffres globaux dissimulent une forte disparité de maturité chez les éditeurs. Si Microsoft, qui représente 15 % du marché du logiciel en France, a vu passer sa part d'activité en mode SaaS de 7 % à 12 %, la proportion des entreprises proposant une offre SaaS devrait passer de 60 % en 2017 à 63 % en 2018. Cette faible croissance s'explique par "une forte présence de TPE sur le marché des éditeurs, pour lesquelles le développement d'une offre en mode SaaS est une marche difficile à franchir", a expliqué Gilles Mezari.
Seule ombre au tableau : le recrutement
Le taux d'occupation des collaborateurs était "déjà très bon en 2017 et devrait encore grimper en 2018" : 51 % des sondés anticipent son augmentation en 2018 contre 33 % en 2017. Autre bonne nouvelle selon l'APEC (Association Pour l'Emploi des Cadres) : le secteur numérique est le 1er secteur à la fois en termes de création d'emplois que de recrutement de cadres. 55 000 à 60 000 recrutements de cadres sont ainsi attendus en 2018, dont 30 % pour des postes de débutants.
Revers de la médaille : la part des entreprises constatant des difficultés de recrutement est de 81 % au 1er trimestre 2018, contre 61 % mi-2017. De plus, 52 % des acteurs ont des difficultés à fidéliser leurs équipes. Pour Benoît Darde, "les difficultés de recrutement freinent la croissance". Afin de faire face à ces enjeux cruciaux, Soumia Belaidi Malinbaum, directrice du développement de Keyrus, a expliqué que "Syntec Numérique est de plus en plus présent dans le monde académique", pour tenter d'assurer l'adéquation entre la formation initiale des diplômés et les besoins des acteurs, et "investit dans les dispositifs de formation continue des collaborateurs".
14 550 personnes ont ainsi été formées en 2017 dans le secteur numérique dans le cadre des actions collectives de la branche professionnelle. Par ailleurs, 8 070 salariés du secteur ont mobilisé leur compte professionnel de formation en 2017 (contre 7 460 en 2016). 9 180 personnes ont été recrutées en contrats de professionnalisation en 2017 (contre 8 040 en 2016). Les POE (Préparation Opérationnelle à l'Emploi) ont enfin permis à 13 500 demandeurs d'emploi de trouver un CDI dans le secteur entre 2014 et 2017 (4 860 en 2017), la plupart venant d'un autre secteur d'activité.
S'attaquer à la faible féminisation du secteur numérique (14 % des collaborateurs) est également une piste évidente pour résoudre en partie les problèmes de recrutement et constitue "un fort enjeu en termes d'image et de communication pour donner plus d'attractivité à nos métiers" a reconnu Soumia Belaidi Malinbaum.
Godefroy de Bentzmann a enfin estimé qu'un travail de réflexion devait être mené sur la convention collective du secteur "pour offrir aux jeunes la souplesse et la liberté qu'ils recherchent dans leur carrière professionnelle : Syntec numérique pourrait être une illustration des nouveaux modes de travail".
Intelligence artificielle : petit marché, forte croissance
Selon IDC, le marché de l'Intelligence Artificielle (IA) passera de 125 millions d'euros en 2017 à 186 millions en 2018, soit 49 % de croissance. Pour Benoît Darde, "les premières initiatives sont très pragmatiques et donnent confiance sur l'intérêt du marché. Il est cependant difficile de bien le délimiter : un logiciel RH incluant des module d'IA pour mesurer la fidélité des collaborateurs ne sera pas par exemple pris en compte".
Budget alloué à l’Intelligence Artificielle par les entreprises utilisatrices
Aujourd‘hui, seulement 27 % des entreprises utilisatrices ont des projets ou des initiatives dans le domaine de l'IA, les plus matures montrant un intérêt pour les chatbots et le machine learning. Comme pour les autres activités, l'un des freins au développement de l'IA est le recrutement difficile : 27 % des entreprises matures manquent par exemple de compétences de Data Scientist.
Hervé Baconnet