Méthodologie
L'enquête a comme toujours été réalisée en ligne, entre avril et octobre 2018, via un questionnaire électronique. Ce questionnaire, qui nécessitait 12 minutes, était constitué de 25 questions fermées et d'une question ouverte. 537 réponses ont été retenues, qui représentent une trentaine d'ERP différents présents sur le marché français.
La répartition de l'échantillon reste homogène en termes de tailles d'entreprises, avec 37 % d'entreprises de moins de 100 salariés (contre 39 % en 2017), 31 % d'entreprises de 100 à 500 salariés (contre 28 % l'an passé) et 22 % d'entreprises de 500 à 5 000 collaborateurs (à comparer à 24 % en 2017). Les grands comptes représentent 11 % des réponses (10 % en 2017). Les secteurs d'activité sont très diversifiés, avec 33 % des répondants venant de celui des services, secteur le plus représenté dans l'échantillon. Suivent l'industrie (31 %), le négoce et la distribution (24 %) puis tous les autres secteurs (12 %). La fonction des répondants diffère quelque peu de celles des études précédentes : dans 30 % des cas, ils sont membres de la DSI (contre 58 % en 2017) et dans 8 % des dirigeants (contre 19 % l'an passé). 30 % des répondants appartiennent au département finance ou au contrôle de gestion.
Premiers enseignements
Plus d'une entreprise sur deux a entamé une démarche de transformation numérique : à la question "où en est votre entreprise dans sa transformation numérique ?", ils sont 18 % à répondre que toute l'entreprise est mobilisée dans ce sens, 33 % à déclarer qu'ils ont réalisé des PoC/tests et avoir déjà une stratégie et 18 % se préparent à travailler sur le sujet. Seuls 8 % des répondants disent n'avoir ni projet, ni stratégie. À pondérer toutefois par le fait que 22 % des répondants ont déclaré ne pas savoir si leur entreprise a mis en place une démarche de transformation numérique.

Quant aux principaux enjeux de cette transformation numérique en cours dans les entreprises, c'est avant tout, pour 55 % des répondants, le partage d'informations en temps réel. Puis viennent l'intégration de nouveaux processus (48 %), la capacité à supporter de nouveaux modèles de gestion
(35 %), l'intégration des systemes IT des partenaires (30 %) et le déploiement dans le cloud (17 %).

S'agissant de cloud, six ERP sur dix sont encore toujours hébergés on-premise et un sur quatre l'est dans un cloud privé. Autrement dit, ce sont désormais 40 % des ERP qui sont hébergés à l'extérieur de l'entreprise, dans un cloud public, privé ou en mode hybride (cf schéma 1). C'est un bond en avant par rapport à l'étude de 2017, où le ratio des systèmes externalisés était à 17 %, en légère progression par rapport à 2016, où ils étaient 15 % et aux 12 % de 2015. Cette progression importante demeure toutefois moins fulgurante que les chiffres annoncés dans le rapport annuel du cabinet de consulting américain spécialisé dans les ERP Panorama Consulting Solutions (PCS) : le rapport 2018 fait apparaître un ratio de 85 % d'installations en SaaS ou en cloud (cf schéma 2). Seuls 15 % des ERP demeurent on-premise. S'il s'agit là aussi d'un bond en avant car le rapport de 2017 de PCS faisait encore apparaître que plus des deux tiers (67 %) des installations se faisaient on-premise, la différence s'explique d'une part par le caractère essentiellement américain de cette étude (91 % des 237 répondants venant d'Amérique du Nord), mais aussi et surtout par le fait que cette étude ne porte que sur de nouvelles installations.
Or, l'ERP Survey de CXP Group prend en compte l'avis de tous les utilisateurs, y compris ceux des installations les plus anciennes. Plus de la moitié des ERP en France ont en effet été installés avant 2010 et 15 % d'entre eux l'ont même été avant 2000, à une époque où l'on comptait encore en francs. Cette ancienneté est stable par rapport aux éditions précédentes de l'étude, même si le renouvellement se fait lentement sentir : en 2017, les installations datant du siècle dernier étaient en effet encore 18 %. Mais 53 % du parc installé demeure âgé de 8 ans ou plus, voire beaucoup plus.

Si elles sont le plus souvent attentistes, les entreprises ne sont cependant pas opposées au changement et au passage au mode SaaS en particulier. Lorsqu'on leur demande à quel horizon elles seraient prêtes à déployer la totalité de leur ERP en mode SaaS, près des trois quarts (74 %) déclarent la chose possible dans les 12 à 24 mois ou à un horizon plus éloigné. Seules 26 % y sont a priori réfractaires.
Une satisfaction modérée
C'est un peu là que le bât blesse : les utilisateurs sont moyennement convaincus de l'adéquation de leur ERP à leurs enjeux de transformation digitale. C'est particulièrement vrai pour les utilisateurs d'installations anciennes : seuls 50 % des logiciels installés entre 2000 et 2010 sont jugés adaptés à cette transformation. Et d'une façon générale, ils sont 42 % à estimer que leur ERP n'est plutôt pas adapté (28 %) voire pas adapté du tout (14 %) à la transformation numérique de leur entreprise. Antoine Delabre, responsable des études de marché, et Patrick Rahali, directeur et market leader ERP, les concepteurs de l'ERP Survey de CXP Group, ont établi une corrélation entre la perception de l'adaptation de la solution utilisée et le niveau d'avancement de la transformation numérique au sein de l'entreprise (voir schéma 4). Ainsi, ils sont 61 % à estimer leur solution adaptée parmi la population ayant déclaré que toute l'entreprise était mobilisée et avançait sur la transformation numérique, 58 % parmi ceux qui ont déjà défini une stratégie ou élaboré des PoC (Proof of Concept) et 41 % parmi ceux qui se préparent à travailler sur le sujet. En revanche, la population qui déclare n'avoir encore rien fait n'est satisfaite qu'à 30 % de sa solution en place.
La faiblesse de la satisfaction des utilisateurs s'étend à l'éditeur et aux relations avec celui-ci. Cette relation est souvent rapportée comme très faible voire inexistante. Ce déficit de relation a trois principaux impacts : la sensation d'une relation à sens unique et uniquement marchande, une prise en main de la solution pas toujours simple et des résolutions d'incidents souvent compliquées. Les utilisateurs sont sévères avec leur éditeur ; voici quelques citations (qui restent anonymes) : "nous sommes trop souvent pris en otage par l'éditeur, qui ne nous contacte que pour nous faire payer des évolutions qui ne nous apportent rien", "l'éditeur ne connait pas ses clients et ne veut pas les connaître", ou encore "notre intégrateur ne reçoit presque jamais de retour de l'éditeur après ouverture de ticket pour signalement anomalies et quand il les reçoit c'est plusieurs mois après la demande". Plus grave : "mise en place longue et douloureuse (plus de 8 ans et ce n'est pas terminé). Manque de formation des consultants, accompagnement pauvre". On notera que les aspects fonctionnels des solutions ne sont pas forcément remis en cause ; ce sont surtout les aspects relationnels qui sont faiblement évalués.

L'évaluation des solutions en elles-mêmes reste néanmoins moyenne, tout comme dans les éditions précédentes de cette étude. Si l'on note quelques bonnes pratiques sur les aspects fiabilité et richesse fonctionnelle, les dimensions évolutivité, simplicité de migration et mobilité sont vraiment à retravailler pour l'ensemble du marché. Dans le dernier cas – la mobilité – le moins bon score attribué par les répondants est de 1,8/10 et le meilleur de 5,4, la moyenne s'établissant à 4,9. Dans l'ensemble, qu'il s'agisse de la satisfaction globale, de la fiabilité, de la richesse fonctionnelle de l'adéquation aux besoins ou encore du rapport qualité/prix, les notes moyennes n'excèdent pas 6,7/10 et se situent plutôt en général (12 critères ont ainsi été évalués) entre 5 et 6, soit à peine au dessus de la note moyenne.
Il en va de même de la satisfaction autour des aspects d'utilisation, globalement améliorables. Ainsi les notes moyennes attribuées oscillent-elles entre 5,0 et 6,4 quand on en vient à la facilité d'utilisation au quotidien (6,4), aux temps de réponse (6,1) ou à l'ergonomie globale (5,9). Dans le bas du tableau, la possibilité d'intégrer les nouveaux usages, avec une moyenne à 5,0, un meilleur score à 5,5 et un très sévère moins bon score à 1,7. Les dimensions liées à la personnalisation et à l'adoption de nouveaux usages sont là encore à retravailler.
Au bilan, l'externalisation des ERP se poursuit, tirée par l'essor du cloud, lui-même tiré par le SaaS. Mais, eu égard notamment à l'ancienneté de leurs installations, les utilisateurs ne semblent que moyennement convaincus de l'adéquation de leur ERP à leurs enjeux de transformation numérique. Cette perception est très différente en fonction de la situation de l'entreprise : plus celle-ci est engagée dans la transformation numérique, plus son ERP serait en adéquation. Preuve s'il en est que l'ERP occupe une place importante dans le processus de transformation numérique des entreprises.
Benoît Herr