À l'heure de la mondialisation et de la sous-traitance quasi généralisée, la qualité revient à l'ordre du jour pour les organisations. Et avec ce mouvement de complexification de l'environnement, les logiciels de gestion de la qualité. L'étude a été menée parce que l'éditeur Veeva souhaitait connaître les préoccupations des directeurs qualité, tous secteurs confondus, afin de mettre en avant sa solution logicielle. En effet, depuis 2016, cet éditeur jusqu'alors spécialisé dans l'industrie pharmaceutique a étendu ses activités et lancé QualityOne, une solution qui associe management de la qualité et gestion de contenus dans le cloud et qui s'adresse à tous les secteurs d'activité.
L'étude repose sur l'analyse lexicale et sémantique – méthode innovante – d'un corpus de 55 interviews de directeurs qualité, en anglais et en français, couvrant la période 2016-2018, dans les secteurs agroalimentaire, chimie, cosmétique, aéronautique, bancaire, de l'habillement, des transports, de l'automobile, médical et informatique. Une fois nettoyé, le corpus a été analysé au moyen de la technologie Data Observer, qui se fonde sur un algorithme de nature lexicale n'introduisant pas de biais et se basant sur l'analyse de la structure grammaticale de la phrase. L'outil cherche à extraire les expressions susceptibles d'être des mots-clés.
L'étude a été présentée à l'occasion d'une conférence en présence de Pierre Maillard, conférencier, spécialiste qualité et auteur de l'ouvrage "L'innovation réussie par la qualité" (STE Éditions), de Thomas Lejeune, responsable qualité client chez Air France et par ailleurs secrétaire général de l'association France Qualité, de Mohamed Chittach, directeur de la stratégie Europe chez Veeva et auditeur de certification pour l'AFNOR et de Romain Marcel, directeur général France et Europe de Veeva.
Un métier discret et relativement récent
Pour Thomas Lejeune, arrivé à ce poste il y a sept ans pour tout construire, "dans certaines entreprises, la mot qualité est encore un peu tabou et le responsable qualité est un peu l'empêcheur de tourner en rond". De son côté, Romain Marcel estime que "faire de la qualité devient un avantage compétitif, surtout quand on voit l'impact de la non-qualité". Et de faire référence au récent scandale qui a touché la marque Dolce & Gabbana en Chine : suite à la diffusion d'une publicité jugée raciste, les principales plate-formes de e-commerce du pays ont toutes boycotté la marque. Thomas Lejeune estime que les entreprises ne s'occupent véritablement de qualité que depuis quelques années et que "ça fait un an que c'est en train de bouillir".
Enseignements de l'étude
De manière assez surprenante, 82 % des responsables qualité évoquent l'importance du facteur humain dans leur quête de l'excellence. C'est leur premier sujet d'intérêt. Cela s'explique car dans leur activité, ils sont amenés à collaborer au sein de l'entreprise avec des personnes d'autres services et/ou sous leur management. Ils délèguent des tâches, mais doivent aussi veiller à maintenir le dialogue avec les employés, notamment dans le but d'améliorer les différents processus. C'est donc une valeur importante. "Par nature, un individu préfère bien faire que mal faire et s'il ne s'implique pas, c'est qu'on ne lui donne pas les moyens de bien faire", explique Pierre Maillard. " C'est l'homme qui est au cœur de la production de la qualité. Il faut donc impliquer le personnel".

Mohamed Chittach ne s'étonne pas outre mesure de cette prééminence de l'implication du personne et rappelle que le chapitre 5 de la norme ISO 9001 (qui établit les exigences relatives à un système de management de la qualité) s'intitule "leadership". "Quand on s'intéresse à l'évolution de cette norme 9001, on comprend qu'un responsable qualité est nécessaire dans l'entreprise", commente-t-il. Et Pierre Maillard de souligner l'importance d'un système de gestion de la qualité : "on constate un fort turnover au niveau des cadres. Autrement dit, le savoir-faire s'en va avec eux. C'est pourquoi il faut un système d'information suffisamment rapide et adaptable pour conserver ce savoir-faire".
Beaucoup moins surprenant : le deuxième sujet d'intérêt qui ressort, avec 76 % des interviewés qui le citent, est la certification qualité. Les directeurs qualité réalisent des audits internes pour poursuivre l'amélioration des services et des produits, demeurent vigilants vis-à-vis des normes internationales et des certifications liées à leur secteur de métier. Le respect des standards constitue pour eux une préoccupation permanente.
Avec 73 % des interviewés indiquant privilégier la qualité finale du produit, le contrôle des produits constitue le troisième sujet auquel les directeurs qualité prêtent attention. Obtenir des produits conformes aux règlementations en vigueur est fondamental pour les professionnels. Rester exigeant à chaque étape de la fabrication, prendre des mesures correctives, écarter les produits de mauvaise qualité, etc. : autant de missions visant à garantir des produits de qualité aux clients et aux consommateurs. "Dans les trois secteurs (qui ont fait l'objet d'un étude sectorielle au sein de l'étude NdlR) des cosmétiques, de la chimie et de l'agroalimentaire, on remarque sans grand étonnement un écart de près de 20 % dans le souci porté au contrôle des produits", remarque Romain Marcel.
Autre sujet d'étonnement : seuls 27 % des interviewés mettent en exergue la vulnérabilité des processus lorsqu'ils s'expriment sur leur activité au sein de l'entreprise. La gestion des risques est le sujet le moins partagé par les directeurs qualité. Dans leur activité, ceux-ci ont à détecter les signaux faibles et percevoir les vulnérabilités dans les processus, etc. Mais seulement un peu plus du quart porte attention à ce domaine d'action.
Terrain vs. corporate
L'étude descend aussi dans le détail et compare les préoccupations des directeurs qualité ayant des responsabilités au niveau du groupe à celles des directeurs qualité d'un site, d'une usine du groupe. La première différence se situe au niveau de la gestion des risques : cet enjeu est surtout pris en compte par les directeurs qualité groupe. Ils sont en effet 45 % à prendre acte de cette thématique professionnelle contre 17 % pour les directeurs qualité usine. Deuxième différence notable : ils sont plus impliqués dans la certification qualité (85 %) que les directeurs qualité usine (71 %), alors que c'est l'inverse pour l'implication du personnel et le contrôle des produits.
"La différence encore notable de préoccupations selon que l'on parle de qualité usine ou groupe est étonnante. Pourtant, à l'heure où la qualité revient doucement sous le feu des projecteurs, il faut en finir avec ce schisme contre-productif. Un seul objectif doit primer : la qualité du produit ou du service rendu au client. Et pour cela la recette est la même à toutes les étapes : de l'exigence, du savoir-faire et surtout du partage transverse entre les professionnels impliqués", conclut Thomas Lejeune.
Benoît Herr