teknowlogy Group change quelque peu le format de ses événements en les rendant plus interactifs : baptisé Know ERP, l'événement a fait une large place aux questions du public, les présentations "magistrales" ayant disparu ou presque, au profit de débats à plusieurs intervenants, sans slides à l'appui. "Nous cherchons à bâtir une communauté d'utilisateurs", a indiqué Olivier Rafal, vice-président - digital business innovations de teknowlogy Group, en évoquant cette nouvelle formule. À noter également que vous ne pourrez pas assister au classique "Forum CXP" du mois de juin : celui-ci sera remplacé par, là encore, une nouvelle formule, le 15 octobre. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés.
En introduction, Patrick Rahali, director and market leader ERP, a planté le décor : avec un Taux de Croissance Annuel Moyen (TCAM) de 5,2 %, le marché des logiciels et services se porte plutôt bien ; le mouvement vers le SaaS, qui connaît un fulgurant TCAM de 17,7 %, entraîne par rebond un recul des installations on-premise, de - 3,5 % annuels en moyenne.
Pour Patrick Rahali, "les catalyseurs de ce mouvement sont essentiellement les projets de front-office et le cloud sous toutes ses déclinaisons, SaaS, IaaS et PaaS, pas uniquement le SaaS. Ce qui dope les projets ERP dans le cloud, c'est la fin annoncée du support des solutions on-premise par les grands éditeurs, mais aussi l'arrivée de nouveaux entrants, acteurs cloud, sur le marché, comme Workday, Acumatica (via la nouvelle solution de Cegid – voir Un nouvel ERP dans le paysage hexagonal), Rootstock ou encore Netsuite (voir Toute la puissance d'Oracle et articles associés). Toujours à la recherche de bénéfices fonctionnels, financiers et d'agilité, les entreprises sont amenées à prendre en compte les enjeux humains et les nouveaux usages. Enfin, les problématiques autour des API les conduisent à envisager un SI plus hétérogène et hybride, dans un contexte de transformation numérique".
Stratégies d'optimisation des investissements dans l'ERP
Le premier de ces débats a fait intervenir le même Patrick Rahali et Jérôme Bricout, directeur du consulting end-user, sur les aspects financiers des ERP.
Le choix entre CAPEX (CAPital EXpenditure) et OPEX (OPerational Expenditure) n'a pas fini d'alimenter les discussions, les réunions et les hésitations, comme l'explique Jérôme Bricout, qui développe divers cas de figure dans lesquels l'entreprise privilégiera tantôt l'un, tantôt l'autre. "Il n'y a pas vraiment de règle, mais c'est l'intérêt de l'actionnariat de l'entreprise qui va primer. L'OPEX a plutôt le vent en poupe actuellement, mais si c'est le haut de bilan qui est privilégié, le CAPEX devient intéressant". Partick Rahali explique que "l'entreprise qui a déjà investi en CAPEX continue en général dans cette voie. L'OPEX est intéressant pour libérer des lignes de crédit au profit d'autres investissements (machines de production notamment) et l'accès aux solutions se fait à moindre coût".
De G. à D : Jérôme Bricout et Patrick Rahali
Autre élément à prendre en compte : la durée de vie de l'installation (qui peut être courte, pour certains types de solutions, de l'ordre de 4 à 5 ans, mais bien plus souvent beaucoup plus longue, 7, 8, 10, voire 15 ans, dans le cas d'un ERP). Or, le point d'équilibre entre dépenses SaaS et dépenses on-premise "se situe entre 5 et 7 ans. Au début, le cloud est donc beaucoup plus accessible, mais la situation s'inverse sur le long terme", note Jérôme Bricout. "La durée de vie d'un ERP est fonction des secteurs. Dans certains elle est relativement courte, mais dans le négoce, par exemple, elle est beaucoup plus longue". Patrick Rahali rappelle que l'ERP Survey 2018 (voir Etude CXP 2018 : les ERP progressent dans le cloud et ERP Survey 2018 : CXP donne des noms) a montré que 53 % des installations en France ont plus de huit ans et que "l'ERP est parfois en place pendant 15 ans, alors même qu'un métier a besoin d'un système qui évolue".
Autre possibilité : le "on-premise financé" : "parfois, certains organismes spécialisés peuvent financer de manière plus intéressante que les banques. Il existe aussi des banques internes aux éditeurs, qui proposent parfois des prêts à taux zéro", indique Patrick Rahali. "Cela permet de lisser les dépenses sur des durées de l'ordre de 60 mois", précise Jérôme Bricout, qui note par ailleurs que "Le financement du cloud n'est pas encore optimisé. Si certains acteurs, comme AWS, sont déjà sur une tarification à l'usage (à la seconde, s'agissant d'AWS) et non plus à l'utilisateur, la plupart restent sur des schémas anciens. Il ne faut pas hésiter à négocier avec son fournisseur".
Les projets évoluent
Les projets ERP ne se font plus "en tunnel", comme cela a longtemps été le cas. "Nous ne sommes plus sur des systèmes monolithiques, mais sur des solutions plus flexibles, fonctionnant sur un principe d'itérations", constate Jérôme Bricout. Le SaaS y est pour beaucoup car il ne permet pas toujours de personnaliser son ERP, surtout dans un environnement multi-tenant, car "Les solutions SaaS d'aujourd'hui sont justement standard. C'est un facteur de réduction du ratio service/licence. En outre, si l'intégrateur possède une bonne connaissance du métier de l'entreprise, tout va plus vite". Le ratio entre dépenses en licences et en service est un indicateur précieux : "en général, nous constatons qu'il est de 3 euros de service pour 1 euro de licence", indique Jérôme Bricout. "Dans les années 90, il était plutôt de 5 à 6 pour 1". Il cite aussi les nouvelles méthodologies de projets et l'effet de l'agilité dans ce rééquilibrage, même s'il déplore que le service reste conséquent. "Quoi qu'il en soit, le TCO (Total Cost of Ownership) du projet reste un sujet et chaque projet est unique".
Enfin, il existe des forfaits de mise en place. Mais Patrick Rahali n'y croit pas vraiment. "Sur le papier, c'est bien. Néanmoins, si le partenaire s'engage, il peut arriver que le client pêche et manque à ses engagements en ne mettant pas à disposition les ressources nécessaires. Au bilan, ce système est difficile à mettre en œuvre dans un projet global".
Innovation et cloud
Les deux débats suivants ont porté sur le cloud et sur l'innovation en matière d'ERP. "Le cloud public fait encore souvent peur aux entreprises. Mais c'est fonction des domaines : CRM, SRM et RH ne posent plus de problème. En revanche, lorsqu'il s'agit de finances, on reste bien souvent on-premise", constate Jérôme Bricout en préambule. Pour Hubert Ouizille, de Limpit IT, un intégrateur EBP, "le nombre de serveurs que nous vendons est en baisse, ce qui est un indicateur du mouvement vers le SaaS. Aujourd'hui, tout le monde va vers le cloud, même les TPE de 3 personnes".
Parmi les freins à l'adoption du cloud, "l'accès au réseau reste le plus important", estime François Berlier, d'EBP. "Il y a aussi le frein psychologique : à nous de travailler sur le marketing". Hubert Ouizille cite encore le budget, et Jérôme Bricout le cadre contractuel tripartite entre client, intégrateur et éditeur, "dans lequel il peut y avoir une dilution des responsabilités, ce qui est aussi un frein". Mais curieusement, aucun des intervenants n'évoque la sécurité et les aspects localisation des données ; il faudra attendre la session de questions/réponses avec l'auditoire pour cela.
"Le rôle de l'intégrateur n'est pas du tout effacé par le cloud. Même s'il y a une certaine économie avec le cloud, la prestation de configuration du système demeure entière", déclare de son côté Jérôme Bricout, qui pense par ailleurs que "l'aspect standard du SaaS freine un peu les entreprises, qui se tournent alors vers un cloud privé".
De G. à D. : Jérôme Bricout, Céline Bayle et Pierre Besnet
Quant à l'innovation dans l'ERP, pour Pierrick Besnet, de 4CAD, un intégrateur très orienté industrie (CAO, PLM et IoT), "elle passe obligatoirement par le cloud pour pouvoir bénéficier des nouvelles technologies". Sans surprise, les intervenants ont évoqué l'IA, l'analytique, l'IoT ou encore la servicisation : "on ne vend plus de la chaudière mais du chauffage, par exemple", résume Jérôme Bricout. La blockchain a aussi été évoquée, nombreux exemples à l'appui, suivi des produits agroalimentaires notamment. "Aujourd'hui, ça débute ; ça fait partie des domaines d'exploration", constate Olivier Rafal. Concernant l'IA, "nous l'utilisons beaucoup pour la reconnaissance de formes, en connexion avec les données de l'ERP, mais aussi dans le recrutement et la formation", raconte Pierrick Besnet. Céline Bayle, directrice des solutions enterprise market pour la région Europe du Sud chez Sage, estime "qu'il y a beaucoup d'évangélisation à faire. On ne fait pas un projet d'IA parce que c'est tendance. La transformation numérique passe par de nouveaux business models et par l'évolution des processus. Et il faut que l'ERP s'adapte aux besoins de demain".
L'un des aspects de l'innovation, parfois sous-estimé, est l'ergonomie, qui, pour Jérôme Bricout "est importante. Il y a eu beaucoup d'efforts de faits dans ce domaine". Céline Bayle insiste : "l'ERP doit aussi être plus accessible et 'funky'. Il doit participer au bonheur au travail et contribuer à retenir les talents en répondant aux attentes notamment des millenials, qui veulent le même 'look & feel' et la même ergonomie que les outils qu'ils utilisent chez eux. Il faut que l'ERP permette une collaboration transverse et simple d'utilisation. En effet, dans un monde en perpétuel changement, on ne peut pas se permettre de former les intérimaires et/ou des saisonniers, qui par définition ne sont présents dans l'entreprise que pour un temps limité, pendant trois semaines à l'ERP".
"Pour moi, depuis 10 ans, la plus grande évolution, c'est l'ouverture de toutes ces solutions autrefois propriétaires, au travers notamment des API", conclut Pierre Besnet.
Benoît Herr