Dynatrace a une histoire aussi complexe que ses produits sont à part. Elle démarre en 2005 en Autriche, à Linz, lorsque Bernd Greifeneder, aujourd'hui CTO, co-fonde, avec quelques collègues DynaTrace Software GmbH. "Nous avons estimé que nous avions de bons produits. Alors nous avons créé la société", déclare-t-il en toute simplicité. Rapidement, l'entreprise est rachetée par Compuware, qui la rebaptise Compuware APM en 2011. En 2014, la société de capital-investissement Thoma Bravo en prend le contrôle et la rebaptise Dynatrace.
À la même époque, le visionnaire Bernd Greifeneder estime qu'il est nécessaire de réinventer l'APM (Application Performance Monitoring) et d'aller au-delà. En 2014, avec une équipe de collaborateurs de la R&D triés sur le volet, il crée une "task force" qui va s'isoler pendant trois mois pour anticiper le future des architectures logicielles. Il en est sorti de tout nouveaux concepts, qui ont mené à la création de la filiale Ruxit et du produit éponyme. C'est là qu'il invente notamment la notion de NoOps, qui s'appuie sur DevOps mais va plus loin encore dans l'automatisation. En 2016 Ruxit a changé de nom pour devenir simplement Dynatrace.
Aujourd'hui, l'entreprise compte plus de 1 700 collaborateurs dont près de 700 en R&D (400 en Autriche, 190 en Pologne, 60 en Espagne et une équipe à Detroit, Michigan. Ses 50 représentations dans le monde servent quelque 1 400 clients, essentiellement des grosses organisations, dont les trois quarts des entreprises du CAC 40 en France et 72 du classement Fortune 100.

De quoi parle-t-on ?
À la base, de monitoring d'applications. Autrement dit de détecter les éventuelles erreurs à l'exécution de programmes et goulets d'étranglement grevant le bon fonctionnement du SI d'une entreprise. Les outils conçus pour cela, ou outils d'APM, collectent des données telles que l'utilisation des UC, les demandes de mémoire, le débit des données et la consommation de la bande passante réseau. Ils communiquent ensuite ces données aux administrateurs pour que ceux-ci isolent et résolvent les problèmes de performance rapidement. Ils suivent (d'où la notion de monitoring) la performance des applications et aident les informaticiens à comprendre les conséquences des diverses dépendances applicatives et à les améliorer.
Mais Dynatrace veut aller bien plus loin... "Avant tout le monde, nous avons parié que le cloud allait tout changer pour toujours et qu'il n'y aurait plus de code. Et en 2016, nous avons réinventé la performance applicative", déclare John Van Siclen, CEO, lors de sa plénière. Aujourd'hui "nous avons 1 400 clients dans le monde et notre chiffre d'affaires a augmentée au-delà de nos espérances. Et nos systèmes mappent 2,43 milliers de milliards de dépendances par minute sur les 1 350 clusters que nous gérons pour nos 1 400 instances SaaS. Nous proposons une plate-forme ouverte et automatisée pour rendre votre écosystème plus efficace".
Des chiffres qui donnent le vertige et qui croissent eux-mêmes à une vitesse exponentielle : à l'heure où vous lirez ces lignes, ils seront déjà bien plus importants et l'étaient 10 fois moins il y a six mois à peine Jusqu'où pourra aller cette escalade ? Dynatrace se positionne en pionnier et John van Siclen de citer le professeur Clayton Christensen de la Harvard Business School, dans "The Innovator's Dilemma" : "les marchés qui n'existent pas ne peuvent pas être analysés. Les fournisseurs et les clients doivent les découvrir par eux-mêmes". Dynatrace se fait fort d'apporter l'intelligence logicielle nécessaire à la réduction de la complexité des écosystèmes multicloud.
Au-delà de l'APM
Autre citation que Dynatrace fait sienne : "les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements" - Charles Darwin (même si la paternité de cette citation est controversée). Et toute sa stratégie en découle, car c'est la recherche d'adaptabilité au changement qui guide ses pas.
Cette recherche passe par l'automatisation à outrance et le chemin vers ce que l'éditeur appelle "Autonomous Cloud Management" (ACM). Au-delà de DevOps, au-delà de ce qu'il avait lancé en 2014 et baptisé NoOps (pour No Operations, c'est-à-dire sans opérations d'exploitation), le cloud autonome est un cloud qui se gère lui-même. Aujourd'hui, la plupart des opérations sont encore manuelles et 70 % des incidents sont également gérés manuellement, une situation qui ne pourra pas perdurer avec la croissance des volumes. Grâce à l'intelligence artificielle et une entière automatisation, Dynatrace propose une solution qui va au-delà des données et fournit des réponses sur la performance des applications, l'infrastructure et l'expérience de tous les utilisateurs. Classée dans le Magic Quadrant 2019 de Gartner pour les APM (voir schéma 1), la solution est la mieux positionnée pour sa capacité d'exécution et pour la complétude de sa vision.

Pour Bernd Greifeneder, "l'APM est un outil qui permet de gagner en visibilité sur ses applications pour résoudre les problèmes. En discutant avec nos clients, nous avons établi que le degré d'automatisation de nos solutions était déjà très élevé, la plate-forme ouverte et l'information partagée. C'est ainsi qu'il y a 3 ans, nous avons réalisé que nous avions plus que de l'APM et aidions nos clients à mener leur transformation numérique".
Il explique que le challenge, c'est d'aider les entreprises avec les produits, méthodologies et services proposés pour qu'elles prennent conscience que les technologies ne représentent que 20 % de la transformation. "Le reste, c'est de l'organisation et de la culture. Mais il faut aussi casser les silos en définissant des KPI horizontaux. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place DevOps d'abord (NoOps vient ensuite). Il s'agit d'un changement culturel majeur, puisque tout va plus vite. Mais en offrant de la visibilité à tout le monde, on amène l'automatisation à un niveau supérieur. La vraie valeur du cloud, ce sont les API, qui permettent d'être agile et de créer un service non pas en six mois, mais en six jours".
Le rôle de l'IA
"L'IA (Intelligence Artificielle fait partie intégrante du nouveau Dynatrace", affirme Bernd Greifeneder. "car nous voulons fournir des réponses, pas des données".
Il existe différentes approches de l'IA : on distingue schématiquement l'approche de type "deep learning" ou machine learning, l'approche de type statistique et l'approche déterministe, qui fonctionne avec les dépendances des éléments les uns avec les autres. "Dans notre cas, l'approche deep learning ne fonctionne pas parce qu'il faut à chaque fois apprendre à nouveau. Et l'approche statistique ne fonctionne pas non plus", assure le CTO. " C'est pourquoi nous avons choisi le troisième modèle, déterministe. Un graphe de corrélation capture des informations contextuelles et interconnecte les éléments pour créer un modèle multidimensionnel appelé Smartscape. Il établit une représentation de l'intégralité de l'écosystème IT et l'IA utilise ce graphe pour prendre des décisions. Cette approche déterministe est précise et temps réel".
Dynatrace n'entend pas en rester là et prépare déjà l'étape suivante, qui consiste à automatiser les métiers. "Toujours en temps réel, nous voulons exécuter des applications au dessus de Dynatrace", déclare Bernd Greifeneder. Toutes les données collectées via les différentes sources n'ont pas besoin d'être exportées. Une approche intelligente consiste à intégrer la logique applicative dans l'outil Dynatrace : les applications vont insi tourner "au dessus" de la plate-forme. Ces applications pourront être crées par des partenaires ou des clients et s'appliquer aux divers métiers. Des annonces devraient être faites entre la fin de l'année et le début de la prochaine.
Benoît Herr
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