Tous les six mois, Syntec Numérique publie les résultats de son étude de conjoncture, menée en partenariat avec IDC auprès des 2 000 entreprises membres du syndicat professionnel, qui représente 80 % du chiffre d'affaires total du secteur. Un secteur qui, d'après cette étude, pesait 56,3 milliards d'euros en 2018 et qui devrait, selon les prévisions, atteindre les 58,7 milliards en 2019. Les prévisions de croissance ont d'ailleurs été revues à la hausse par rapport à celles faites fin 2018 : 4,2 % (contre 3,9% fin 2018). cette croissance est, selon IDC, soutenue par les projets de transformation numérique, notamment les SMACS (Social, Mobilité, Analytique, Cloud et Sécurité), qui ont progressé de 14,5 % en 2018. En 2019, les SMACS atteindront 29,8 % du marché des logiciels et services et une croissance de 15,7 % (voir schéma 1).

Le syndicat en lui-même se porte bien aussi, puisqu'il affiche quelque 300 nouveaux membres en 2018 et atteint les 2 000 membres. Benoît Darde, administrateur de Syntec Numérique, explique que "les sociétés du secteur se projettent positivement en 2019 : 79 % d'entre elles envisagent une croissance de leur chiffre d'affaires. La prise de conscience de la transformation est là et les offres évoluent".
Déclinaison métiers
Comme toujours, Syntec divise le marché en trois grands secteurs : l'édition de logiciels, le conseil et les services (ESN) et le conseil en technologies (ICT).
C'est l'édition de logiciels qui devrait progresser le plus en 2019, avec 5,8 % de croissance (contre 5,3 % en 2018 – voir schéma 2). 76 % des éditeurs de logiciels envisagent une augmentation de leur chiffre d'affaires cette année, grâce notamment à de nouvelles offres logicielles, au développement du modèle SaaS, proposé par 78 % des éditeurs fin 2018. Le SaaS devrait croître de 21 % en 2019 (contre 1 % pour les activités traditionnelles) et représenter 25 % du marché de l'édition, soit 3,4 milliards d'euros. Les moteurs de cette croissance sont par ailleurs le logiciel applicatif (surtout le CRM et le collaboratif) et les outils d'intégration.
Côté ESN (Entreprises de Services du Numérique), 76 % d'entre elles envisagent une croissance de leur chiffre d'affaires en 2019, une croissance que IDC et Syntec évaluent à 3,3 %, tout comme en 2018. Le développement des nouvelles offres de services à forte valeur ajoutée, comme la cybersécurité, l'intelligence artificielle et les systèmes cognitifs, alimente leur marché. Par ailleurs, le développement des offres cloud s'intensifie, avec une croissance prévue de 25 %, pour atteindre 22 % du chiffre d'affaires des ESN sur l'intégration et le conseil en 2019. Pour Thierry Siouffi, co-président du collège ESN, "les activités sont bien orientées et l'impact du jour de facturation en moins en 2019 par rapport à 2018 (251 jours facturables contre 252 l'an passé) devrait être limité, de l'ordre de 0,3%".

Avec + 5,5 % en 2018 et + 5,2 % prévus pour 2019, le secteur du conseil en technologies affiche aussi une très bonne santé ; 95 % des sociétés du secteur prévoient une augmentation de leur chiffre d'affaires en 2019. Les moteurs de cette croissance sont l'accélération des prestations dans le domaine de l'ingénierie de process, l'accompagnement de la transformation des modèles d'affaires des clients industriels vers la vente de solutions et le développement de prestations dans le domaine des objets connectés (développement, sécurisation, gestion des objets, gestion des données...). Les principaux secteurs clients qui participent au développement des activités du conseil en technologies sont l'aéronautique, l'énergie et l'automobile.
Lors de la présentation des résultats de cette étude à la Presse, Syntec Numérique a fait en zoom sur ce dernier secteur et ses besoins en invitant Tony Jaux, responsable du programme véhicule connecté de la PFA (Plateforme Filière Automobile). La PFA fédère la filière automobile en France et est chargée d'assurer de missions stratégiques, notamment en matière d'innovation. Le véhicule autonome en fait bien sûr partie : cette perspective engendre, avec le passage à des énergies non-fossiles, des transformations majeures du secteur et des nouveaux besoins.
À l'heure actuelle, nous en sommes au niveau 2 d'autonomie des véhicules, sachant qu'on en compte 5 et que plus le niveau d'autonomie est élevé, plus le véhicule va générer consommer de données. Selon McKinsey, le marché de la donnée générées par l'automobile pourra représenter de 450 à 750 milliards de dollars à horizon 2030. Les données sont issues de l'ensemble de capteurs ceinturant la voiture, de la nécessaire cartographie haute définition, de la connectivité permanente avec l'environnement, mais aussi de la sécurité gérée par le système. Elles transitent le plus souvent par un réseau mobile, d'où le rapprochement des constructeurs et des entreprises de télécommunications, et l'importance du développement de la 5G. Au total, ces données représentent plusieurs teraoctets par an et par véhicule.

Parmi les nouveaux besoins, la mise en place d'une stratégie de protection multi barrières contre la cybercriminalité, que ce soit à la liaison cloud-véhicule, au niveau architecture, au niveau sous système ou au niveau du ou des calculateurs. À ceci s'ajoute le respect des réglementations sur les données, comme la non-discrimination et le respect de la vie privée (RGPD). Aujourd'hui déjà, un certain nombre d'acteurs du secteur automobile interviennent autour de la chaîne de valeur des données issues des véhicules, des prestataires de services et de mobilité aux assureurs en passant par les instances de régulation ou les services d'assistance. Mais Tony Jaux insiste surtout sur les besoins en compétences qu'engendre une telle transformation, des compétences adaptées aux nouvelles méthodes de développement et de mise au point. "Nous aurons besoin de beaucoup de data scientists et énormément de développements logiciels".
Emplois
En attendant le véhicule autonome, le secteur du numérique demeure le premier créateur d'emplois cadres en France : selon le baromètre du marché de l'emploi cadre APEC/Syntec de juin 2019, un cadre sur cinq a été recruté dans les activités informatiques en 2018. Les recrutements et les promotions internes au statut de cadre ont progressé respectivement de 11 % et 12 % entre 2017 et 2018 et le secteur a généré plus de 17 000 créations nettes d'emplois cadres, soit 23 % de l'ensemble des créations d'emplois cadres au niveau national. Au total en 2018, 266 400 cadres ont été recrutés, tous secteurs confondus, soit une hausse de 11 % par rapport à 2017. Le secteur du numérique a fortement contribué à cette dynamique, avec 55 980 embauches de cadres, soit 21 % de l'ensemble du marché, ce qui en fait, et de loin, le premier secteur recruteur de cadres. Principal moteur de l'emploi cadre, les activités informatiques s'appuient depuis plusieurs années sur une dynamique structurelle en lien avec la transformation numérique qui concerne l'ensemble de l'économie hexagonale.
En 2019, les recrutements sont au plus haut : leur volume pourrait osciller entre 58 790 et 63 260 recrutements, soit une progression comprise entre 5 % et 13 % par rapport à 2018. Ces prévisions sont plus optimistes que celles enregistrées pour l'ensemble du marché, qui pourraient varier de + 2 % à + 10 %. Le secteur du numérique pourrait ainsi représenter 22 % des embauches de cadres prévues pour l'année, soit encore un point de plus que l'an passé.
Mais paradoxalement, malgré ces chiffres au plus haut, la pénurie de talents continue de sévir dans le secteur du numérique et les recrutements représentent la première des difficultés des entreprises du secteur. Du côté de Syntec Numérique, ce n'est pourtant pas faute d'avoir des initiatives et de mettre en place des dispositifs pour la formation, l'inclusion et la reconversion. De "Talents du numérique" (ex-Pascaline) à l'événement annuel Déclic en passant par le "Programme Handicap", "Femmes du numérique", la POE (Préparation Opérationnelle à l'Emploi) ou encore la grande école du numérique, le syndicat multiplie les actions. Et Godefroy de Bentzmann de conclure que "si cette année la croissance soutenue se confirme, que la confiance globale des entreprises est là pour poursuivre et accélérer la transformation numérique de l'économie française, il faut agir sur la pénurie de talents".
Benoît Herr