Pas de trêve estivale pour les affaires : quelques semaines à peine avant cet événement californien, VMware réalisait l'une des plus grosses opérations de croissance externe de son existence en rachetant Pivotal (qui était déjà, en 2012, une émanation de VMware) et Carbon Black pour 4,8 milliards de dollars le tout (2,7 milliards pour Pivotal et 2,1 milliards pour Carbon Black). Pivotal fournit des services de transformation numérique, des environnements de conception d'applications, des conteneurs et des micro-services, le tout dans le cloud. Quant à la société de cybersécurité Carbon Black, elle développe grâce à la technologie Predictive Security Cloud (PSC) des solutions de sécurité conçues pour détecter les comportements et les fichiers frauduleux. Les deux transactions devraient être conclues avant le 31 janvier 2020.
C'est donc dans un contexte de conquête que s'est tenue la conférence VMworld, où "les orientations stratégiques définies il y a 5 à 6 ans n'ont pas changé et restent 'any device, any application, any cloud'", rassure Eric Marin, directeur technique de VMware France. "Il y a eu de nombreuses annonces lors de cette conférence, dont deux ou trois majeures, qui marquent le positionnement pour les années à venir". Pour lui, l'addition de Pivotal et Carbon Black à VMware fournit tout les logiciels nécessaires pour construire exécuter, gérer, connecter et protéger n'importe quelle application dans n'importe quel cloud et sur n'importe quelle unité (voir schéma).
Des applications modernes
À terme, le projet baptisé "Pacific" consiste rien moins qu'à ré-architecturer vSphere avec Kubernetes en natif. "Les organisations en France vont sur Kubernetes de façon importante. Mais on n'en est encore qu'au début et nous voulons aider les organisations à passer ce cap", constate Eric Marin. "Concrètement, cette ré-architecture consiste à faire coexister sur la même plate-forme vSphere, des VM (machines virtuelles), des conteneurs et des "pods" natifs, ce qui apportera une grande souplesse aux développeurs et aux administrateurs".

En attendant, l'annonce qui a été faite se nomme Tanzu (qui signifie "branche" en Swahili), un framework composé d'une multitudes de technologies de l'éditeur et permettant de gérer de nombreux clusters, par de nombreuses équipes. "C'est une plate-forme de plate-formes", estime Eric Marin. Tanzu est étroitement lié au projet Pacific, dont il représente les prémisses. Les produits et services inclus dans Tanzu sont destinés à permettre aux entreprises de construire des applications modernes, à exécuter Kubernetes de manière cohérente entre tous les environnements et à gérer les clusters Kubernetes depuis un point de contrôle unique.
Un cloud hybride
Là encore, Eric Marin constate que "la réalité des clients, c'est l'adoption du cloud hybride. On observe à nouveau un mouvement de balancier vers la décentralisation : le cloud, centralisé, ne répond pas à tout. Mais si le cloud hybride est une tendance forte, les entreprises n'y sont pas encore toutes". Et de déclarer que "l'on est passé à la phase d'après le SDDC (Software Defined Data Center) pour la gestion des plate-formes de cloud hybride".
La vraie nouveauté annoncée à VMworld dans le domaine, c'est "VMware Cloud on Dell EMC". Il s'agit d'une offre de services de bout en bout dont le principe est un stack SDDC vendu et opéré par VMware et hébergé sur du hardware Dell. Cette offre de services devrait connaître d'autres déclinaisons à l'avenir, y compris sur AWS et sur le Edge.
Espaces de travail numériques
Selon une étude réalisée par Vanson Bourne pour le compte de VMware auprès de 600 professionnels en France (responsables informatiques et responsables RH) et 3 600 dans la zone EMEA, 64 % des salariés français déclarent ne pas avoir leur mot à dire concernant le choix des outils qu'ils peuvent utiliser au travail et 64 % également affirment que la flexibilité des outils professionnels en entreprise est susceptible d'influencer leur décision de se porter candidat. Dans le même temps, 80 % des responsables informatiques pensent le contraire.
"Il y a donc un décalage entre la réalité et la perception que les DSI peuvent avoir", constate Stéphane Padique, Digital Workspace Solutions Engineering Manager chez VMware France. En outre, 71 % des répondants estiment que leur employeur actuel devrait accorder davantage d'importance à cet aspect et ils sont 8 sur 10 à même estimer que leur département RH devrait être plus responsabilisé quant à l'optimisation de leurs expériences numériques. Les obstacles à une expérience numérique optimale sont variés et vont de l'incompréhension des besoins des employés pour près d'un tiers des répondants (32 %) au manque de compétences techniques (24 %) ou encore au refus d'en faire une priorité stratégique (22 %).
La réponse de VMware se nomme Workspace One et se propose d'innover en matière d'expérience employés. De nombreux process de cette solution reposent sur l'IA. Elle se compose de services de conciergerie (comme des assistants), de possibilités de gestion unifiée étendue des unités (ex-device, qu'il faut désormais appeller "end-point") et du support multi-cloud des VDI (Virtual Device Interface) et des applications. L'annonce a porté sur la capacité pour les administrateurs de gérer les unités de manière transverse. Enfin, Workspace One permet une vérification continue des scores de risques utilisateurs et unités.
Réseaux et sécurité
Une autre enquête réalisée pour le compte de VMware, par Forbes Insights, celle-ci, met en lumière un certain archaïsme technologique et un manque de réactivité des entreprises en matière de cybersécurité, et ce malgré des investissements en hausse (650 entreprises de la région EMEA interrogées). En France, 78 % des dirigeants d'entreprises et professionnels de l'informatique estiment que les solutions de sécurité de leur organisation sont dépassées. Pourtant, 52 % d'entre eux affirment s'être procuré de nouveaux outils au cours des 12 derniers mois pour faire face à de potentiels problèmes. Plus de la moitié (57 %) des personnes interrogées prévoient d'investir davantage dans la détection et l'identification des attaques et un tiers des répondants (32 %) disposeraient d'au moins 26 produits de sécurité (vingt-six!) dans leur entreprise. 83 % des personnes auraient prévu d'augmenter leurs investissements ou d'installer de nouveaux produits de sécurité dans les trois prochaines années.

L'enquête met en évidence une tendance préoccupante à l'adoption de pratiques lentes et inefficaces pour lutter contre les cyber-menaces, alors même que l'impact économique de la cybercriminalité a été multiplié par cinq depuis 2013 (selon les données de l'Union européenne). Conséquence de cette approche : les entreprises françaises sont de moins en moins sereines en ce qui concerne leurs stratégies de cybersécurité. Seuls 42 % des répondants sont extrêmement confiants dans la sécurité de leurs déploiements cloud, et 22 % pensent que leurs salariés sont prêts à faire face à des problématiques de sécurité.
Là encore, VMware a la solution : NSX, un produit qui n'est pas nouveau. Mais la nouveauté annoncée lors de VMworld, c'est le lancement de NSX Intelligence, un module censé faire face à l'empilement des solutions de sécurité évoqué plus haut, dû le plus souvent à un manque de visibilité suffisante. "NSX Intelligence permet d'avoir cette visibilité de manière très visuelle, une vision hyper-fine de n'importe quel type de flux", assure Eric Marin.
De nombreuses nouveautés, une croissance externe importante : ça bouge beaucoup, chez VMware et ça bougera encore beaucoup, notamment avec le projet Pacific. Un mouvement qui se fait un peu au détriment de la lisibilité de l'offre. Qui ne saurait que se clarifier à l'avenir. Mais heureusement que la stratégie globale demeure.
Benoît Herr