Jean-Christophe Pernet, associé EY en charge de l'étude, commente : "cette année encore, le secteur de l'édition de logiciels s'illustre par son dynamisme. La croissance enregistrée en 2018 sur le panel de notre panorama, bien que plus modérée que l'année précédente, positionne la filière parmi les plus performantes, capable de faire émerger des pépites rivalisant sur la scène internationale et de réaliser des levées de fonds significatives. En retirant la contribution des gros acteurs (du top 10), la croissance 2018 est même en progression par rapport à l'année dernière (18 %)".
Une filière en croissance constante
L'étude montre une décennie de croissance ininterrompue pour le secteur et une performance remarquable : le chiffre d'affaires réalisé en 2018 par les 319 éditeurs inclus dans le panorama atteint 16 milliards d'euros (contre 15 milliards dans l'édition précédente avec 341 entreprises listées). Un chiffre d'affaires conséquent, même si on observe un léger fléchissement après des années de croissance marquée. L'ensemble des éditeurs de logiciels français participe à la croissance du secteur, mais ce sont surtout les plus petits éditeurs (moins de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2018), qui enregistrent la plus forte croissance du secteur, de 42 % sur les deux dernières années.
La majorité des éditeurs français sont rentables : 78 % des éditeurs du panel ont ainsi enregistré un bénéfice d'exploitation en 2018, ce qui est stable par rapport à 2017. Les éditeurs dont le chiffre d'affaires est inférieur à 5 millions sont 73 % à déclarer un profit. Ce chiffre atteint 94 % chez les éditeurs de plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. Le modèle économique des éditeurs de logiciels est rentable dès lors que les éditeurs atteignent un niveau de chiffre d'affaires qui leur permet de couvrir leurs coûts de recherche et développement et leurs coûts commerciaux et de marketing.
L'international reste un enjeu stratégique difficile à relever pour les éditeurs de logiciels français : la part du chiffre d'affaires réalisée hors de nos frontières est de 54 %, une proportion proche de celle de l'année dernière. Cette stabilité marque la fin de plusieurs années de croissance constante du chiffre d'affaires à l'international. Elle est principalement liée à une moindre performance d'une partie de nos champions nationaux. Mais même si l'analyse du mix international sur 3 ans montre une légère progression (de 1 à 3 points par an selon les catégories par taille), l'essentiel du chiffre d'affaires à l'international reste porté par les acteurs de plus de 100 millions d'euros.
Le développement à l'international passe toujours d'abord par la zone EMEA, qui draine la majorité du chiffre d'affaires enregistré par les éditeurs hors de France. L'Europe occidentale, plus particulièrement, concentre l'essentiel des efforts commerciaux des éditeurs français. C'est la zone qui connaît la plus forte augmentation de revenus avec une progression de plus d'un point par rapport à l'année 2017. Les zones Amériques et Asie-Pacifique sont, en revanche, en léger retrait par rapport à 2017, ces marchés étant aujourd'hui peu adressés par l'ensemble des éditeurs français (voir Schéma 1).

Parmi les principaux pays contributeurs au chiffre d'affaires total des éditeurs, se retrouvent essentiellement, en 2018, les pays européens limitrophes, au premier rang desquels, la Belgique, le Royaume-Uni et la Suisse tiennent la corde. L'Allemagne est quelque peu en retrait, puisque ce pays constitue le deuxième contributeur en termes de chiffre d'affaires pour 10 % de l'échantillon et le troisième pour seulement 7 % des éditeurs.
L'intérêt des éditeurs de logiciels pour la croissance externe reste toujours marqué en 2018 ; la moitié du panel se déclare prête à envisager une opération de ce type dans les mois à venir. De plus, si les éditeurs sont conscients de l'importance de leur marché domestique (33 % d'entre eux se focalisent sur la France pour l'identification d'opportunités), ils ne ferment aucune porte. Ils sont ainsi 50 % à étudier des dossiers à la fois en France et à l'étranger, soit 7 points de plus qu'en 2017. Le financement est un véritable enjeu : la quasi-totalité des éditeurs a recours à l'autofinancement (91 %) pour financer leur développement. 62 % d'entre eux ont aussi recours à l'endettement bancaire et 31 % au capital-investissement en France. Seuls 12 % vont trouver du capital à l'étranger. Ils sont donc fortement ancrés dans le territoire et auprès des écosystèmes de financement locaux.
SaaS et cloud en passe de devenir des standards
Les éditeurs français continuent leur transition vers le modèle SaaS et sont toujours plus nombreux (49 %) à le placer en tête de leurs priorités technologiques. Quelle que soit la taille des sociétés, le chiffre d'affaires SaaS représente aujourd'hui 37 % de l'activité de l'édition française, contre 32 % en 2017 et contre 17 % en 2014. Une tendance de fond qui s'illustre principalement par la domination actuelle et à venir de l'abonnement parmi les modes de contractualisation. Abonnement qui est le mode de contractualisation privilégié des éditeurs : 57 % l'ont choisi comme premier choix et 91 % le classent dans leurs deux premiers choix. Malgré un léger recul par rapport à l'année dernière, les licences perpétuelles restent appréciées : elles sont le premier choix de 31 % des éditeurs et le second choix de 40 % (contre 32 % et 45 % respectivement en 2017). La licence à durée de vie finie gagne faiblement en importance : 7 % des éditeurs la considèrent comme leur premier choix, ils sont autant que l'année dernière. Néanmoins 73 % des professionnels du secteur la considèrent en 2ème et 3ème choix, contre 66 % l'année dernière.
La protection des données étant au cœur de l'actualité, les éditeurs ont été interrogés sur leurs solutions d'hébergement. L'hébergement externe reste l'approche privilégiée par les éditeurs : 36 % d'entre eux hébergent leurs données dans un datacenter partenaire et 33 % chez un fournisseur cloud, tandis que 26 % le font en propre et 5 % chez le client. En matière de cyberattaque, 52 % des éditeurs déclarent avoir déjà fait face à des tentatives d'intrusion dans leur système, dont 24 % sur la seule année 2018, illustrant l'importance de la sécurisation des réseaux.
Le recrutement reste une pierre d'achoppement
Le recrutement de nouveaux talents reste un impératif pour soutenir la croissance : en 2018, les effectifs des éditeurs de logiciels français ont fortement crû. Près de 14 800 emplois ont été créés, soit une croissance de 8 % pour l'ensemble du panel et de 7 % chez les pure players. Depuis 2016, le nombre de salariés des éditeurs de logiciels français a augmenté de 16 %, soutenant leurs objectifs de croissance, et de 50 % dans les entreprises créées il y a moins de 8 ans. Toutefois, les difficultés de recrutement, signalées depuis plusieurs années, perdurent et ce en particulier sur les profils de développeurs. Pour les trois quarts des éditeurs, cette pénurie de talents constitue un frein à leur développement, quand bien même divers outils de fidélisation sont utilisés (salaires, primes, positionnement...).

61 % des entreprises du panel indiquent recourir en tout premier lieu au levier "salaires et primes" afin de fidéliser leurs salariés (voir schéma 2). Dans un contexte d'augmentation des salaires en France, notamment pour les profils R&D, les éditeurs n'hésitent pas à prendre des risques et continuent à offrir des salaires et primes compétitifs leur permettant de fidéliser leurs effectifs. Seuls 8 % d'entre eux indiquent l'intéressement et la participation comme vecteur de rétention des salariés. Bien que les éditeurs les plus matures soient largement bénéficiaires, ce levier reste secondaire. La rémunération directe est donc largement favorisée dans l'optique de conserver les salariés en poste. En deuxième position, le levier "positionnement social et sociétal" de l'entreprise est toujours plus mis en avant par la profession, avec un quart des répondants indiquant privilégier cet axe pour fidéliser leurs salariés. L'accès au capital se situe quant à lui à la dernière place des moyens privilégiés, avec seulement 5 % des éditeurs le plaçant en première position.
L'innovation, facteur clé de succès
Les éditeurs interrogés investissent fortement en R&D et cette tendance s'accentue depuis deux ans. 14 % du chiffre d'affaires généré par le secteur est investi en recherche et développement contre seulement 10 % il y a deux ans. Chez les pure players, cette part monte à 18 %. Pour autant, les effectifs associés stagnent et représentent 17,7 % des salariés sur l'ensemble du panel (33 % chez les pure players).
La rédaction