L'ERP a ses propres processus qui ne coincident généralement pas avec ceux en vigueur dans l'entreprise. Or les PME cherchent le plus souvent à acolleré le plus possible aux standards, et éviter en particulier les développements spécifiques. Ce qui implique d'adapter sa façon de travailler à l'outil, et non l'inverse. Ainsi, quel que soit le type d'entreprise qu'elle vienne du monde de l'informatique, comme l'éditeur de logiciel Knowing, ou de l'industrie, comme LPG Systems, ou que la mise en place de l'ERP se fasse en mode big bang, comme chez le premier, ou en plusieurs mois (9 mois chez LPG), la prise en compte de la conduite du changement est essentielle.
Avant d'installer un ERP, il faut s'assurer des ressources présentes pour mener le projet et pour s'adapter au nouveau système d'information, préconise Sara Lucet, directeur du conseil de RH Compétences et Business (*). Le problème est particulièrement important dans une PME. D'une part, parce que ses ressources sont en nombre limité. Si le projet ERP mobilise trop de ressources, la production risque d'en souffrir, ce qui mettrait en péril l'entreprise. D'autre part, du fait de la résistance des individus au changement : Cette résistance au changement existe dans les entreprises de toute taille, mais les grandes entreprises se sont déjà lancées dans de nouveaux processus, alors que c'est moins souvent le cas des PME, souligne Sara Lucet. De plus, les PME sont souvent animées d'un esprit familial, et équipées d'outils maison, ce qui rend plus difficile l'adaptation à un progiciel plus ou moins standard, voire structurant.
Analyser les impacts pour une meilleure compatibilité
Le conseil en échange management et l'accompagnement des entreprises doivent intervenir bien en amont de la mise en place de l'ERP, le plus tôt possible dans le projet. A commencer par un bilan, photo de départ ou analyse d'impact, à partir de laquelle sera défini le plan de changement. Ce premier travail se fait généralement avec le chef de projet, avec lequel sera définie la cartographie des populations impactées. Nous interviewons les managers concernés, ainsi qu'un échantillon de population, avec le chef de projet, afin d'identifier les impacts sur les personnes, les métiers, explique Pascal Christin, directeur associé de Latitude Conseil. Cette première phase aboutit à une ébauche du plan de conduite du changement, qui va évoluer et s'éclaircir au fur et à mesure de l'avancement du projet. Pour ce qui concerne l'organisation, on redistribue le jeu de cartes, c'est-à-dire les rôles dans l'entreprise, commente Sara Lucet.
Il y a un gros travail à faire en amont sur les pratiques de l'entreprise, afin que la solution livrée soit compatible avec l'entreprise, reconnaît Philippe Angotta, précédemment directeur informatique et désormais responsable relation clients chez LPG.
Le travail consiste aussi à bien choisir les utilisateurs-clés à au moins un par domaine fonctionnel chez LPG , qui vont être associés au projet et intervenir en tant qu'expert de leur domaine.
Accompagner et préparer, communiquer
L'accompagnement peut prendre différentes formes : communication, accompagnement, travail en ateliers, formation, questions organisationnelles. Il faut communiquer, répéter les messages par tous les moyens, martèle Pascal Christin. L'accompagnement doit aider les individus à passer à de nouveaux modes de fonctionnement. Nous commençons par lever les freins à l'achat d'un ERP avant d'aider les entreprises à la mise en place, indique Sara Lucet. En ce qui concerne l'organisation, le jour de la bascule, il ne faut pas avoir de questions organisationnelles à se poser, commente Pascal Christin. Il faut prendre conscience avant de la nécessité d'adapter la façon de travailler à l'outil, ajoute Philippe Angotta.
L'intervention d'un cabinet de conseil n'a pas vocation à perdurer dans la PME. Il peut rester plusieurs mois à raison de quelques jours par semaine, mais l'important est de réussir le transfert de compétences. Ainsi, Latitude Conseil propose la formation de référents, des personnes de l'entreprise qui seront des supports de proximité. Une formation courte pour aider les entreprises à apprendre à faire elles-mêmes : l'idée est de passer deux jours pour montrer les enjeux, les freins, les risques, complète Sara Lucet. La formation s'adresse à trois types de populations : l'équipe de changement qui va mettre en place les nouveaux processus et sera garante de l'évolution ; les managers, responsables de son déploiement ; les opérationnels.
Philippe Angotta insiste sur la nécessité de proposer des sessions de formation de bonne qualité, appuyées sur des cas concrets, avec de bons supports, et sur la communication tout au long du projet. Celle-ci peut prendre la forme de lettres d'information, d'un portail intranet, sans oublier les réunions informelles (autour de la machine à café, par exemple).
Impliquer pour faire adhérer
Chez Knowings, c'est un super-utilisateur, plus formé et plus impliqué que les autres, qui est chargé de relayer le changement dans son équipe. Il a dû veiller à ce qu'il n'y ait pas d'utilisateur égaré, explique Patrick Michels, PDG de Knowings. Il a su imposer habilement un nouveau mode de fonctionnement. Chez LPG, la formation en interne a également été assurée par des utilisateurs-clés, avec l'aide des consultants (Aegis Consultants).
Parfois, il faut traiter à part le cas de quelques utilisateurs particulièrement réticents. Ainsi, chez Knowings, un seul utilisateur n'a pas encore entièrement intégré le nouveau système 9 mois après sa mise en service. Il faut faire prendre conscience qu'il y a l'intérêt individuel et l'intérêt collectif, souligne Patrick Michels, qui recommande la persuasion d'abord, puis la contrainte ensuite. Chez LPG, les individus réticents au départ ont été étroitement associés au projet : Quelques-uns d'entre eux ont été choisis comme utilisateurs-clés : étant bien encadrés et sécurisés en amont, ils ont adhéré de façon spontanée, explique Philippe Angotta.
Tous les spécialistes de la gestion du changement insistent sur l'importance d'impliquer la direction générale. Le sponsor du projet doit obligatoirement appartenir au comité de direction de l'entreprise. C'est lui qui donne légitimité et puissance à ce changement, insiste Sara Lucet. Il faut qu'il y ait un porteur du projet, émanant de la direction, renchérit Pascal Christin.
Le temps du changement
Si le délai de mise en place de l'ERP peut être très court (6 à 8 semaines, par exemple), le délai de changement n'est pas compressible. Il faut compter au moins 3 mois, estime Sara Lucet. Plus tôt on s'y prend, mieux on est préparé. Une fois le système opérationnel, il ne suffit pas de retrouver l'efficacité que l'on avait auparavant. Le projet et l'investissement en argent, en efforts et en temps ne sera réussi que si l'entreprise peut gagner de la valeur ajoutée grâce au nouvel outil.
Chez Knowings, le nouveau système apporte un avantage aux utilisateurs dans la mesure où ils peuvent suivre leurs propres projets, leurs budgets. Chez LPG, le premier souci était d'apporter une plus grande évolutivité à l'entreprise, tout en évitant des sensations de régression lors de la bascule.
Lorsque tout fonctionne techniquement au moment de la bascule et qu'il n'y a pas de rejet, le projet peut être considéré comme une réussite. La vraie clé du succès du projet réside dans le fait qu'il ne s'agit pas d'un projet informatique mais d'un projet d'entreprise, conclut Philippe Angotta.
Rédaction : Claire Rémy
(*) Un white paper très didactique et complet, rédigé par RH Compétences et Business, est en libre téléchargement sur le site www.erp-pour-pme.fr (rubrique : livres blancs), ou en cliquant ici