Il y a plus d'un an déjà, nous intitulions un article Et si demain votre ERP tenait sur une clé USB ?. Si la tendance évoquée par le Gartner, selon laquelle la virtualisation atteindrait son pic d'influence maximum dans les infrastructures IT en 2011 semble se confirmer, la virtualisation applicative tente de suivre le mouvement.
De quoi parlons-nous ?
La virtualisation d'applications n'est pas le SaaS, un mode d'utilisation de logiciel nécessairement externalisé, accessibles uniquement à distance, généralement via l'Internet. La virtualisation d'applications permet au contraire de conserver ses logiciels chez soi, sur ses propres serveurs et ses propres supports, en faisant abstraction de leurs particularités techniques et en les faisant tourner dans des machines virtuelles, finalement hébergées sur des machines physiques, évidemment. À ce propos, selon un récent rapport d'IDC, les entreprises devraient en 2009 s'équiper de plus de machines virtuelles (10 %) que de machines physiques. Si cela se confirme, ce sera une première. Notons que, toujours selon IDC, en 2008, le nombre de serveurs destinés à servir de plates-formes de virtualisation a augmenté de 26,5 %, pour représenter 18 % du total.
Lorsqu'on parle de virtualisation applicative, cela ne recouvre pas non plus l'informatique centralisée de type mainframe, avec des écrans passifs en guise d'interface homme/machine.
En fait, la virtualisation applicative répond à une problématique essentiellement liée au monde Windows, qui est celle des conflits de versions du système d'exploitation et entre composants tels que DLL, fichiers de configuration et autres bases de registre. Dans le principe, la virtualisation applicative consiste à isoler son application dans un espace disque dédié et à générer un ensemble d'exécutables autonomes dans cet espace, qui est bien souvent hébergé sur une clé USB ou un CD.
Pour ce faire, un logiciel de virtualisation est nécessaire : celui-ci va encapsuler l'application et assurer l'interface entre elle et le système. À aucun moment l'application n'a accès au système réel et après utilisation, aucune trace ne subsiste sur la machine physique. En outre, l'installation de l'application est extrêmement simple. Parmi les éditeurs de solutions de ce type, citons Thinapp de VMware (ex-Thinstall), App-V (ex-Softgrid) de Microsoft ou Endpoint Virtualization Suite de Symantec. On peut également évoquer les solutions XenApp de Citrix, InstallFree ou encore LanDesk.
On voit immédiatement poindre les avantages connexes de ce système, notamment en termes de mobilité, avec la possibilité d'utiliser l'application de manière ubiquitaire et sans avoir nécessairement besoin d'un accès réseau et/ou Internet. En revanche, si l'application ainsi isolée est hébergée sur un serveur, le concept se rapproche fortement de celui d'ASP et de SaaS et du déport d'affichage (cf. infra).
Maturité de cette technologie
Les technologies de virtualisation continuent sur leur lancée : l'ERP sur clé USB est-il pour autant devenu une réalité ?
La virtualisation est indéniablement portée par celle des serveurs, un marché très actif, comme en atteste le dernier avatar en date, à savoir le rachat il y a quelques jours par Oracle de Virtual Iron Software. Arrive ensuite la virtualisation des données, c'est-à-dire du stockage : dans ce domaine, les fournisseurs de solutions redoublent véritablement d'ingéniosité. Suivent celle des postes de travail et des réseaux. La virtualisation applicative, en revanche, manque sans doute encore de maturité : le rachat des leaders de ce marché par les géants que sont Microsoft, VMWare et autres Symantec étant relativement récent, la stratégie globale reste encore mal définie. Peut-être qu'InstallFree, le petit nouveau, viendra jouer les trouble-fête...
Certains des éditeurs cités intègrent (ou intégraient) des applications courantes telles que OpenOffice dans le package applicatif qu'ils proposent avec leurs outils. Mais qu'en est-il de votre ERP sur une clé USB ? Vos commerciaux sont-ils prêts à sortir leur clé chez leur client pour l'utiliser et saisir la commande directement dans la base de données centrale ? Vos techniciens d'après-vente se connecteront-ils à l'ERP via le poste sur lequel ils se trouvent, connecté à leur clé magique ? Vos collaborateurs en déplacement vont-ils consulter leur environnement ERP depuis leur chambre d'hôtel ou un cybercafé grâce à leur clé ? Sauf cas particulier, on préférera sans doute d'autres solutions, a priori plus simples et plus répandues.
En revanche l'hébergement centralisé d'applications virtuelles, en particulier dans le monde Windows, a de gros avantages, notamment en termes de coûts de mise à jour et d'administration, d'allégement de la complexité, de suppression des conflits, de portabilité, de productivité.
Un autre aspect de la virtualisation ayant aujourd'hui le vent en poupe est la virtualisation du poste de travail : elle permet notamment, au travers de fermes de serveurs virtualisés, de centraliser les environnements serveurs et postes de travail sur le même site.
Retour de balancier
Administration centralisée, suivi et visibilité à travers toute l'entreprise, ASP, SaaS, poste de travail virtuel... tous ces termes fleurent bon l'informatique centralisée. D'ailleurs, le concept même de virtualisation, de machine virtuelle, ne date-t-il pas de l'apparition, il y a plus de quarante ans, des mainframes ?
Certes, la virtualisation a été mise au goût du jour Windows et ses possibilités comme ses contraintes ne sont plus les mêmes, mais c'est le fameux mouvement de balancier qui resurgit ici, celui que l'on retrouve souvent dans les rapports des analystes, témoin de la guerre ancestrale que se livrent l'informatique centralisée (entendez mainframe, fermes de serveurs, clusters, cloud...) et les tenants d'une informatique décentralisée constituée d'une myriade de postes clients aussi hétéroclites que personnalisés,.
On l'aura compris, l'ERP installé sur une clé USB, s'il est techniquement envisageable, ne répond pas ? ou pas encore ? à la majorité des besoins des entreprises. En revanche, la technologie de virtualisation applicative fait partie d'un ensemble de techniques ayant le vent en poupe, surfant qui plus est sur la vague du "green IT". Elle fait donc partie du paysage pour un moment.
Benoît Herr