L'étude du Panorama Consulting Group (PCG) commence vraiment à faire référence en matière d'ERP, à tel point que Jim Schaper, CEO d'Infor, récemment de passage à Paris, a cité quelques extraits de cette étude pour illustrer son propos. Il faut dire que ce travail est réalisé avec beaucoup de sérieux et sans privilégier les États-Unis : l'étude a porté sur près de 1600 organisations ayant mis en ?uvre un ERP au cours des quatre dernières années (de 2005 à 2009). Les entreprises interrogées vont de la petite start-up à la multinationale. Géographiquement, avec 14% des répondants, l'Europe reste malgré tout sous-représentée au profit de l'Amérique du Nord (31%) et de l'Asie/Pacifique (31%). Mais les résultats demeurent transposables. Les ERP mis en ?uvre par les répondants sont très divers. Parmi les plus connus en Europe, citons, par ordre alphabétique, Compiere, IFS, Infor, JD Edwards, Lawson, Microsoft Dynamics, Netsuite, Openbravo, Open ERP, Oracle eBusiness Suite, Peoplesoft, QAD, SAP et Sage.
Cinq enseignements majeurs ressortent de l'étude 2010. Pour la plupart, ceux-ci ne sont pas nouveaux et confirment les enseignements du millésime 2008 de la même étude (publiée en 2009). Mais on note tout de même quelques signes et évolutions positives.
Les projets ERP prennent plus de temps que prévu
En cause selon le PCG, les attentes irréalistes de nombreuses entreprises par rapport aux délais de mise en ?uvre d'un ERP, mais aussi quant aux investissements nécessaires. L'étude montre que 57% des projets ERP prennent plus de temps que prévu. L'un des travers fréquemment observés est la non prise en compte des activités liées au projet ERP dans le planning général de l'entreprise.
Bonne nouvelle : la durée moyenne de ces projets a légèrement régressé depuis la précédente étude, à 18,4 mois contre 19,8 en 2008. Cette évolution est à rapprocher au moins en partie du contexte économique, qui a contraint les entreprises à suivre de plus près les processus d'implémentation. Mais Panorama observe également un certain nombre d'entreprises ayant revu à la baisse le périmètre de leur projet ERP. Dernier phénomène observé : la décroissance du délai moyen de mise en ?uvre est également à mettre au crédit de la taille des projets, qui touche actuellement des organisations plus petites et prennent donc, en toute logique, moins de temps.
"Nous continuons à affirmer que la principale raison pour laquelle la majorité des projets ERP prennent plus de temps que prévu est la carence des éditeurs d'ERP à gérer correctement les attentes de leurs clients", explique Eric Kimberling, Président fondateur du Panorama Consulting Group. "Notre étude et notre expérience montrent que les projets ERP les mieux réussis sont menés par des entreprises ayant des attentes réalistes. S'il est possible de mettre en ?uvre un ERP dans des délais très courts, ce n'est pas conseillé, surtout si les ressources internes et externes allouées au projet sont insuffisantes."
Les projets ERP coûtent plus cher que prévu
Cela ne surprendra personne : l'étude montre que 54% des projets ERP coûtent plus cher que prévu. Là aussi on note toutefois un léger mieux depuis l'étude de 2008 (qui donnait un chiffre de 59%). Ce constat est à rapprocher de l'incapacité dont font preuve de nombreuses organisations interrogées à identifier et à budgéter des charges non liées à l'éditeur. Il en va ainsi de la gestion du projet, de la conduite du changement, des nécessaires acquisitions de matériels, etc. Le PCG souligne également la volonté farouche qui pousse certains DSI à vouloir à tout prix mettre en place un ERP, sans se soucier ni des coûts engendrés, ni du ROI généré. Il pointe enfin du doigt certains commerciaux peu scrupuleux, qui n'ont de cesse de minimiser les coûts d'implémentation de l'ERP qu'ils proposent dans le seul but de finaliser la vente.
L'investissement moyen lié à un projet ERP tourne autour de 6,2 millions de $, à rapprocher des 8,5 millions de $ de l'étude PCG de 2008. Cela représente en moyenne 6,9% du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise (à comparer aux 9,0% de l'étude de 2008). Cette chute importante, de plus de 20% peut être reliée aux restrictions budgétaires et aux limitations de périmètre liées à la situation économique. Il en résulte une diminution du taux de satisfaction des entreprises, comme nous le verrons plus loin.
L'installation d'un ERP peine à apporter des bénéfices mesurables
L'étude 2010 du PCG montre que 41% des entreprises interrogées estiment recueillir moins de la moitié des bénéfices qu'elles escomptaient de leur ERP. En outre, 22% des installations n'arrivent pas même à fournir un bénéfice tangible, quel qu'il soit.
Par ailleurs, 40% des répondants ont eu à faire face à des perturbations majeures de leur exploitation quotidienne à la suite de la mise en production de leur ERP : impossibilité de livrer des produits, de clôturer la comptabilité, etc. Enfin, près du tiers (32%) des membres de la direction et 39% des collaborateurs se déclarent insatisfaits de leur solution ERP.
Malgré l'investissement très important réalisé, il n'y a aucune garantie de bénéfice. "Lorsque nous avons comparé les résultats de l'étude de cette année à ceux de 2008, nous avons noté une corrélation directe entre la réduction des dépenses et la baisse du niveau de satisfaction", commente Eric Kimberling. "Bien que les entreprises maîtrisent mieux leurs budgets en ces temps de crise, elles font leurs coupes sombres au mauvais endroit, en particulier dans les budgets de conduite du changement ou de formation. Ces facteurs ont un impact direct sur le ROI de l'ERP."
Plus rapides, les implémentations SaaS apportent aussi moins de bénéfices
En moyenne, les solutions SaaS (Software as a service) et hébergées nécessitent moins de temps (11,6 mois contre 18,4) et sont moins chères (6,2% du chiffre d'affaires annuel contre 6,9%) que les installations traditionnelles, pour un niveau de satisfaction de la direction légèrement meilleur (52,6% contre 50%). Mais les installations SaaS apportent encore moins de bénéfices que les installations traditionnelles (seules 23,5% des organisations, contre 42,9% pour les installations traditionnelles, estiment accéder à la moitié ou plus des bénéfices escomptés). De plus, les installations SaaS ont beaucoup plus de chances de dépasser les budgets (70,6% contre 59%).
Là encore, le PCG attribue ces travers à des attentes irréalistes de la part des entreprises, qui peuvent là aussi tomber sous le charme des sirènes commerciales de leurs fournisseurs et sous-estimer les délais et les ressources nécessaires au succès de la mise en place du logiciel.
Par ailleurs, s'il est vrai que la tendance générale du SaaS est à la croissance, l'étude indépendante du PCG montre qu'il y a un décalage entre le tapage qu'on fait autour et les résultats réels. Le SaaS convient bien aux petites et moyennes organisations et à des domaines fonctionnels assez pointus, comme le CRM, les ressources humaines ou les achats. Mais il n'est pas adapté à des organisations ni à des domaines plus importants et plus complexes.
Les entreprises n'accompagnent pas correctement le changement
Les carences dans la conduite du changement constituent, selon le PCG, un obstacle majeur à la mise en ?uvre d'un ERP dans des délais et avec un budget raisonnables. Si cela a toujours été vrai, la tendance s'est plutôt accentuée au cours de l'année passée du fait des remous et des incertitudes qu'ont connus la plupart des entreprises. Selon l'étude, plus de 40% des organisations connaissent des changements importants, comme la nomination d'un nouveau DG, un déménagement ou la fusion/acquisition d'une autre entreprise, au moment même du démarrage de leur ERP. Or, à lui seul, le démarrage d'un ERP est assez perturbant et déstabilisant pour nécessiter de mobiliser toutes les ressources disponibles. Si l'on y ajoute un élément perturbateur extérieur, cela peut constituer le grain de sable qui va gripper toute la machine.
Plus de 53% des répondants évaluent leur capacité à s'adapter au changement comme faible ou plutôt faible. En outre, 47% estiment que la communication entre la direction et les employés est médiocre. "Ce type de terrain ne constitue pas un terreau propice à l'implémentation efficace d'un ERP", estime Eric Kimberling. "Le recours à des outils de conduite du changement paraît incontournable dans de tels cas".
Par ailleurs, 60% des organisations se plaignent de l'insuffisance de la visibilité sur leurs données et de l'intégration de leur système hérité. Ce chiffre signe, selon le PCG, une résistance importante au changement et la faible pente des courbes d'apprentissage des utilisateurs d'un nouveau système ERP.
Malgré toutes les carences en matière de gestion du changement, dont les entreprises ont souvent elles-mêmes conscience, elles attendent bien entendu des bénéfices de leur ERP. 69% d'entre elles s'attendent à ce que leur système améliore leur performance. 39% attendent du nouveau système qu'il apporte une certaine standardisation de leur exploitation au quotidien et 39% attendent qu'il facilite le travail des employés. "Notre expérience en la matière et nos études montrent à chaque fois que ces objectifs ne peuvent tout simplement pas être atteints sans une conduite efficace du changement", conclut Eric Kimberling.
Au final, les entreprises ont à faire face à trois problématiques majeures : terminer leur projet ERP dans les délais, respecter le budget et en tirer un ROI. L'étude PCG montre que 72,4% des organisations connaissent au moins l'un de ces trois problèmes et que 31% en connaissent deux ou plus. Ces chiffres ne sont pas surprenants même s'ils sont durs à entendre. Mais ils signifient aussi et a contrario que 27,6% des projets ERP ne connaissent aucun de ces trois problèmes majeurs. Dans un prochain article, nous allons nous intéresser à ce gros quart de projets réussis pour tenter d'en tirer les enseignements.
Benoît Herr, d'après l'étude "2010 ERP report" du Panorama Consulting Group