Public resserré, aussi, mais très ciblé et sponsors hyper-spécialisés, lors de cet événement "linéaire", c'est-à-dire que toutes les sessions étaient des plénières. Teknowlogy group (ex-CXP) a supprimé les sessions en parallèle et les démonstrations des sponsors mais instauré une nouveauté : les sondages interactifs. La même question était posée au public en début et en fin de session, afin de mesurer l'évolution de son opinion.
Une enquête sur l'optimisation de l'efficience de la DSI a été réalisée en amont de ce Know Jury et menée auprès de 200 DSI et de 100 directions métiers. Elle montre que globalement les utilisateurs ont une vision plus critique de la DSI que la DSI elle-même. Si 80 % des DSI estiment que le niveau de maturité de leur organisation sur la maîtrise des coûts IT est satisfaisant, les utilisateurs ne sont que 64 % à le penser. Il en va de même de l'aptitude de la DSI à collaborer avec les métiers, pour laquelle la vision métier est plus sévère que celle de la DSI, tout comme pour la capacité à remonter l’information ou la facilité à se conformer aux réglementations.
Impact des outils pour la DSI sur la performance
Cette session a notamment vu intervenir deux utilisateurs : Marc Boullier, COO de MobilityWork et ancien DSI de Carambar, et Laurent Coquard, responsable catalogue de services et SLA du groupe SEB. Ils étaient accompagnés de Bruno Richoux, directeur de BU ServiceNav, Coservit, et de Erwan Taloc, cofondateur et chef produit de Combodo.
Selon l'enquête Know Jury, une DSI sur deux est outillée : 52 % des DSI possèdent un outil de support IT, 52 % une plateforme de gestion de l'IT, 37 % un outil de gestion de suivi de licences, 37 % un outil de gestion de portefeuille de projets et 34 % un outil de gestion de la conformité règlementaire. Les DSI équipées sont aussi bien mieux notées que les autres (voir schéma 1).
Une DSI sur deux est outillée (cliquez pour agrandir)
Marc Boullier explique que chez Carambar, suite à la vente par Mondelez de 5 usines à un fond d'investissement, il a disposé de 12 mois pour créer un système IT à partir de rien. "Nous étions 10 personnes au départ et, le 2 mai, jour du démarrage, nous devions être 1 000 collaborateurs. Nous ne connaissions donc pas nos interlocuteurs en début et en cours de projet. Et nous savions qu'il y allait avoir une crise. Que nous avons heureusement pu anticiper. Comme les hommes n'étaient pas là en cours de projet, nous avons adopté un outil d'ITSM (IT Service Management) pour gérer le parc de machines, les tickets d'alerte etc. Nous avons ainsi progicialisé les processus. Et le démarrage a été fantastique, avec un taux de service de 90 %".
Laurent Coquard fait état de son "challenge sur la satisfaction des utilisateurs, que nous mesurons environ tous les deux ans. Nous avons enregistré 76 % de satisfaction exprimée lors de la dernière mesure, avec de vrais points durs sur certains systèmes hérités". Bruno Richoux estime l'ITSM "capital pour nous car nous faisons du support clients. Il nous faut mesurer la disponibilité du service que nous offrons". Pour Erwan Taloc, "la DSI ne vend plus de la technologie, mais un service. L'informatique est devenue une commodité comme l'électricité. Et les outils d'ITSM permettent entre autres de parler un langage commun avec les utilisateurs".
Sur le ROI des outils d'ITSM, les intervenants ont été assez évasifs sur les aspects espèces sonnantes et trébuchantes, mais prolixes sur les autres points : Laurent Coquard cherche juste à adopter les meilleures pratiques sans freiner les initiatives locales. "Et donc on cherche à créer de la valeur plus que du ROI", déclare-t-il. "Ces outils structurent un process de manière normalisée ce qui fait qu'on entre dans les processus avec plus de sérénité, en réduisant le stress", détaille Marc Boullier. "C'est avant tout un outil d'amélioration du service. Après, le ROI...".
Et les intervenants d'insister sur la dimension humaine : Erwan Taloc pense que "la technique représente 20 % du travail. Les processus, c'est de l'humain. Le ticketing est un processus. Et dès qu'on touche à l'humain, c'est sensible. Chacun a un regard différent. Le gros du travail, c'est la gestion du changement. Et ce n'est pas simple d'être agile, même avec ITIL".
Le cloud : vraie ou fausse économie ?
Cloud privé, public, hybride, omniprésence du SaaS, montée en puissance du PaaS, autant de sujets incontournables pour une DSI. Pour les évoquer, Junaid Ansari, cloud Ops manager chez Trace One, et Vincent Malka, principal consultant chez teknowlogy. D'après l'enquête Know Jury, 2/3 des répondants ont un cloud privé interne (67 %), qui est aussi la solution la plus ancienne. Mais 54 % ont adopté le cloud public (25 % depuis moins d'un an, 27 % depuis plus de deux ans et 47 % depuis entre 1 et 2 ans). "Il y a donc un mouvement vers le cloud public, même si d'après l'enquête le cloud privé externe et le cloud public se montrent un peu déceptifs", constate Olivier Rafal, directeur éditorial des événements know et animateur de cette journée. "Les bénéfices du cloud ont peut-être été un peu surfaits".
L'enquête montre aussi un fort besoin d'accompagnement des organisations : 93 % des interrogés sont soit intéressés, soit très intéressés (40 %) par un accompagnement dans leur démarche cloud. Ils sont 31 % à rechercher un revendeur/intégrateur, 54 % un fournisseur de cloud, 41 % un fournisseur de services autour du cloud (voir schéma 2).
Le besoin d'accompagnement dans une démarche cloud (cliquez pour agrandir)
Trace One est une plateforme collaborative en mode SaaS dédiée à la gestion de la qualité des produits à marque de distributeur. "Nous voulions basculer nos datacenters situés aux États-Unis et au Royaume-Uni vers la France", se souvient Junaid Ansari. "Nous avons voulu commencer par le IaaS, mais nous nous somme vite rendu compte que nous pouvions fournir plus de services et nous avons alors adopté le PaaS". Sur le plan économique, si les coûts sont optimisés en phase opérationnelle, "la migration de nos datacenters vers la France n'a pas été économiquement intéressante et nous allons chercher la valeur ailleurs que dans les coûts", précise-t-il.
D'un point de vue méthodologie, le "lift and shift" (approche consistant à migrer une activité ou une application d'un environnement à un autre sans procéder à une refonte) "ne fonctionne pas vraiment", selon Junaid Ansari. "On est toujours obligé de faire du factoring et il arrive même qu'on ait une régression". Pour Vincent Malka, "l'accompagnement est indispensable : une stratégie cloud réussie doit prendre en compte tous les aspects de cette transition, y compris humains".
Quant à la localisation des données, "la question s'est posée. Nos clients ont opposé de la résistance quand nous avons annoncé que nous allions dans le cloud public et nous ont interdit d'aller chez AWS, parce que ce sont leurs concurrents", développe Junaid Ansari. "Et Google Cloud voulait analyser les données qu'il héberge. Nous faisons en partie confiance à Google Cloud. Mais pas pour tout. Nous nous sommes aperçus que les données dans le cloud sont soit en transit, soit elles y restent. Et celles qui y transitent, il faut avoir de la visibilité dessus, ce qui n'est pas toujours le cas".
Pilotage par la donnée, méthode agile, DevOps, Open Source, PaaS...
Tous les "buzzwords" du moment – ou presque – ont fait l'objet de deux autres sessions au cours de la journée. Concernant la BI, l'enquête montre qu'une DSI sur deux en est équipée. Les mesures le plus souvent réalisées avec ces outis sont (top 4) la satisfaction des utilisateurs (43 %), la rapidité pour délivrer de nouveaux produits ou services (43 %), la maîtrise des coûts de l'IT (42 %) et la productivité des développements (40 %). À noter que la satisfaction des utilisateurs est meilleure quand les DSI sont équipées d'outils de BI.
Quant à une méthode agile, elle est mise en œuvre dans 1/3 des DSI. 59 % mettent en œuvre de l'Open Source, 42 % du DevOps, 27 % le PaaS, 26 % l'intégration continue et 21 % le design thinking. Les répondants à l'étude plébiscitent le PaaS (64 % chez ceux qui en sont équipés, 44 % chez les non-équipés) mais l'agile est un peu décevant (47 % des équipés sont satisfaits, 50 % des non-équipés). Pourtant, quand on lui demande s'il faut absolument faire de l'agile aujourd'hui, Didier Girard, VP engineering chez Sfeir, répond que "en tout cas, c'est difficile de s'en passer. Jusqu'ici, l'IT connaissait une alternance d'états stables et de mutations. À partir d'un état assez stable qu'on cherchait à faire évoluer on entrait dans une phase de mutation pour atteindre un nouvel état stable. Dans l'économie numérique, la mutation est permanente et l'agilité est là pour accompagner ce mouvement.
L'agilité n'est pas indispensable dans tous les cas, mais elle a toujours des apports positifs. Dans la mise en place d'un ERP ou d'un CRM, son apport est faible car il n'y a pas beaucoup d'inconnues. Par contre, dans un écosystème qu'on découvre, comme le commerce en ligne par exemple, l'apport des méthodes agiles est important".
Benoît Herr