En 2019, Gartner avait prévu 3 740 milliards de dollars de dépenses IT dans le monde, en augmentation de 0,6 % par rapport à 2018, mais en chute par rapport aux précédentes prévisions, à 1,1 %. Sur la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) en 2020, après trois années de récession, le cabinet prévoit un retour à la croissance, à 3,4 % (pour 798 milliards de dollars de dépenses IT). "2020 sera une année de reprise des dépenses IT dans la zone EMEA, après trois années consécutives de déclin", explique John Lovelock, research vice president chez Gartner. "2019 a décliné dans la zone euro et livre anglaise par rapport au dollar américain, en partie au moins à cause des préoccupations liées au Brexit, qui ont freiné certaines dépenses IT et provoqué une augmentation de certains tarifs locaux de matériel technologique. Mais 2020 sera une année de rebond, le Brexit devant devenir effectif et la pression sur les taux de change allégée".

La conformité réglementaire dope les dépenses

Pour Gartner, l'environnement géopolitique complexe de la zone EMEA a placé la conformité réglementaire en tête de la liste des priorités de nombreuses organisations. Les dépenses en sécurité devraient avoir cru de 9,3 % en 2019 et augmenter encore de 8,9 % en 2020. "Globalement, les dépenses dans la sécurité croissent et sont poussées par la nécessité d'être en conformité en matière de tarifs, de politiques commerciales et de propriété intellectuelle. En zone EMEA, les préoccupations concernant le respect de la vie privée et la conformité, exacerbées par le RGPD, ont la préséance", poursuit John Lovelock.

Les États-Unis dominent en matière d'adoption du cloud et entrent pour plus de la moitié dans les dépenses mondiales relatives au cloud, ce qui se montera à 140,4 milliards de dollars en 2020, en hausse de 15,5 % par rapport à 2019. C'est le Royaume-Uni qui se place en seconde position en matière de dépenses cloud. Celui-ci passe 8 % de ses dépenses IT en services de cloud public, qui se monteront à 16,6 milliards de dollars en 2020, en hausse de 13,2 % par rapport à 2019. Dans la zone EMEA, les dépenses totales dans les services de cloud public atteindront 57,7 milliards de dollars en 2020 (contre 50 milliards en 2019).

John Lovelock, research vice president chez Gartner

Gartner prédit que les organisations ayant un ratio de dépenses IT dans le cloud élevé deviendront les leaders numériques à l'avenir. "Les organisations européennes, quel que soit leur secteur d'activité, sont en train de passer de traditionnelles à digitales, se rapprochant de leur "techquilibrium" (voir Bien négocier les virages), un point d'équilibre technologique qui définit à quel point une entreprise a besoin d'être numérique pour rester dans la course ou mener cette course en tête", affirme John Lovelock. "Toutes les entreprises n'ont pas besoin d'être numériques de la même manière ou jusqu'au même point. Ce mouvement de rééquilibrage entre traditionnel et numérique est clairement visible parmi les entreprises de la zone EMEA".

Des dépenses en matériel en chute, des dépenses en logiciels en hausse

En 2019, les dépenses en matériel (y compris les PC, tablettes et téléphones mobiles) dans la zone EMEA ont décliné de 10,7 %. Des prix plus élevés (en partie à cause des taux de change et de l'absence de nouvelles fonctionnalités majeures dans les téléphones mobiles) ont permis aux consommateurs de différer leur changement d'unité d'un an. Pour Gartner, ces dépenses ne vont pas reprendre en 2020, mais plutôt décliner de 1,3 %, car à la fois les entreprises et les consommateurs dépensent moins en PC et tablettes.

Après 2019, le segment des services de communications va entrer dans une croissance sur le long terme, malgré le déclin des services de lignes fixes, tant en entreprises que chez les particuliers, que Gartner prévoit jusqu'en 2023. Si les dépenses dans la voix sur mobile restent les mêmes, surtout du fait de la baisse des prix, les services de données mobiles augmentent de 3 à 4 % par an, ce qui permettra au segment des services de communications de croître en 2020.

Les logiciels d'entreprise vont demeurer le segment de marché à la croissance la plus rapide en 2020. Les dépenses sur ce segment dans la zone EMEA ont cru de 3,4 % en 2019 et vont croître de 9,2 % en 2020. Le SaaS (Software as a Service) a connu une croissance de 14,1 % en 2019 et sera de 17,7 % en 2020.

Étude DSI

Pour sa plus récente étude "CIO Agenda Survey 2020", Gartner a recueilli des données émanant de plus de 1 000 DSI, dont 383 dans plus de 40 pays de la zone EMEA et ce dans tous les secteurs d'activité. L'échantillon de la zone EMEA représente près de 1 700 milliards de dollars de chiffre d'affaires et 23 milliards de en dépenses IT. Cette étude met en lumière une certaine vulnérabilité des organisations de la zone EMEA lors des changements de conditions, que Gartner appelle "virages" (voir Bien négocier les virages) : alors même que la numérisation devient omniprésente au sein des organisations de la zone EMEA, celles-ci demeurent vulnérables aux "virages", ces forces qui créent de l'incertitude et de la pression sur les DSI. 90 % des organisations de la zone ont eu à faire face à un tel virage au cours des quatre dernières années, d'après l'étude. 2020 sera sans doute plus volatile que 2019, un contexte dans lequel les DSI devront aider leurs organisations à acquérir les capacités nécessaires pour gagner lorsque le prochain virage se présentera. "Le simple fait de devenir numérique ne suffit plus, désormais. 41 % des DSI de la zone EMEA ont déjà pris le virage du digital (contre 35 % l'an passé). Ce sont les changements à venir qui créent un problème, non plus la transformation numérique", explique Andy Rowsell-Jones, vice president et distinguished analyst chez Gartner. "Personne n'est à l'abri des changements économiques, géopolitiques, techniques ou sociétaux, qui selon toute vraisemblance deviendront communs en 2020 et au-delà. Ces changements peuvent prendre diverses formes et sont de nature à 'disrupter' les capacités d'une organisation de bien des manières".

Andy Rowsell-Jones, vice president et distinguished analyst chez Gartner

Les virages fragilisent les aptitudes des organisations

La nature et la sévérité des virages dont font état les DSI varient largement. Dans la zone EMEA, ce sont par exemple, pour 41 % des répondants, des réglementations défavorables, des disruptions organisationnelles (40 %) ou des pressions sévères sur les coûts de fonctionnement (40 %). "Ces éléments et d'autres avatars majeurs, comme un défaut de service IT ou des catastrophes naturelles, ont affecté la manière dont les organisations gèrent leur activité et, dans la plupart des cas, rendent les choses plus difficiles, surtout les nouveaux projets", poursuit Andy Rowsell-Jones. "Le tout est de savoir comment des organisations ont relevé ces défis". Il ajoute que "le problème avec un virage est qu'une fois qu'on s'y trouve, cela affecte les capacités à le négocier. 36 % des DSI de la zone EMEA indiquent que les virages les ont handicapés dans leur faculté à porter de nouvelles initiatives métier sur le marché, les forçant à revoir le planning et au final à limiter le succès de l'opération".

Les virages fragilisent aussi la capacité d'une organisation à "construire sa musculature". 34 % des DSI de la zone EMEA ont déclaré se trouver en retrait dans la course à l'attraction des bons talents, 30 % d'entre eux souffrent d'une réduction voire d'une régression des budgets IT et 32 % déclarent que le financement de nouvelles initiatives métier s'est tari. "Peu importe de quoi il s'agit, préparez vous à négocier un virage avant de tenter de le contourner", déclare Andy Rowsell-Jones.

Cybersécurité, RPA et IA en priorité en 2020

Les leaders IT compétents utilisent la technologie pour gagner un avantage concurrentiel et aider les organisations à anticiper les changements. Une grosse partie des DSI de la zone EMEA a d'ores et déjà déployé ou est en passe de déployer la cybersecurité, la RPA (Robotic Process Automation) ou encore l'IA (Intelligence artificielle) dans les 12 prochains mois.

L'adaptabilité reste la principale responsabilité des DSI. "Dans une organisation compétente, les leaders IT font évoluer l'organisation vers un outil de changement", poursuit Andy Rowsell-Jones. "60 % des organisations leaders placent la clarté et l'efficacité de la gouvernance IT très haut. De même, 51 % des DSI de la zone EMEA évaluent la gouvernance de leur organisation IT comme efficace ou très efficace. La gouvernance IT peut coordonner l'allocation des ressources en temps de disruption, ce qui apporte des bénéfices de survie à une organisation IT".

"Le numérique n'est plus la voie vers un avantage concurrentiel", conclut Andy Rowsell-Jones. "La souplesse et la manière dont les organisations s'adaptent lorsque leur environnement change et comment les DSI s'organisent pour négocier les virages va dicter leur succès à l'avenir, en particulier en 2020". Une solide relation avec le dirigeant de l'entreprise est également un différentiateur fort. Une telle relation permet au DSI de rester au fait des changements dans la stratégie métier. Dans la zone EMEA, 43 % des DSI rapportent directement au PDG. Ce qui montre que les DSI alignent leurs objectifs avec l'équipe dirigeante.

Benoît Herr