Les progiciels de gestion sont traditionnellement destinés ... aux gestionnaires. Ceux-ci les utilisent quotidiennement et ils sont au cœur de leur travail. Basés sur une architecture client-serveur, ils répondent bien aux besoins de cette catégorie d'utilisateurs. Mais d'autres salariés de l'entreprise ont besoin d'informations contenues dans les systèmes de gestion, alors qu'ils n'y ont pas directement accès. Pour les obtenir, ils demandent des extraits ou des copies aux gestionnaires. Ce qui induit des pertes de temps et d'efficacité.
Les logiciels hybrides : une appellation ambitieuse pour une évolution prudente
Pour permettre à un plus large éventail d'utilisateurs d'accéder aux progiciels de gestion, il faut trouver de nouvelles solutions. En effet, ces utilisateurs n'ont qu'un besoin ponctuel de fonctions spécifiques adaptées à leur métier. Le déploiement de nouveaux postes en client-serveur ne se justifie donc pas. En outre, le mode client-serveur lui-même n'est pas adapté à ces nouveaux usages, plus rapides et plus simples. L'accès aux informations pertinentes en mode Web grâce à des écrans adaptés est une solution de bon sens.
Architecture étendue de Sage 100
Sage a donc imaginé de faire évoluer ses progiciels traditionnels : à côté de l'accès en client-serveur destinés aux gestionnaires s'ajoute un accès en mode Web pour des profils choisis. En pratique, aux bases de données traditionnelles, s'ajoute une base étendue et une installation étendue s'appuyant sur un serveur Web IIS. C'est la version étendue de ses offres d'entreprise, par exemple Sage 100 Entreprise étendue. Ainsi, en plus des utilisateurs « gestionnaires » toujours en mode client-serveur, les autres collaborateurs de l'entreprise accèdent à des fonctions adaptées en mode Web. La version étendue propose des profils prédéfinis : responsable commercial, assistante, acheteur, magasinier, responsable financier. Elle permet de modifier et d'adapter ces profils et d'en créer d'autres.
On peut se poser la question de cette évolution en douceur, pour ne pas dire timide, vers une version Web des progiciels. De nombreux éditeurs ont fait évoluer leurs progiciels vers le mode Web depuis longtemps, et pour certains dès la fin des années 90. Cette prudence provient-elle de la réticence de Sage à trop bousculer son importante base installée ? Du refus de révolutionner l'architecture de ses progiciels. Ou des problèmes que susciterait une refonte complète de l'approche commerciale ?
On peut aussi imaginer que cette version étendue n'est qu'un premier pas vers une évolution plus fondamentale de toute la gamme des progiciels de Sage, évolution qui prendra nécessairement des années. En particulier, on peut se demander comment vont réagir les utilisateurs traditionnels, habitués au mode client-serveur, quand ils verront leurs collègues interagir avec souplesse et rapidité avec des écrans Web conviviaux ? Sage prétend que le mode Web ne convient que pour des interactions et des informations simples. Il est étonnant de ne voir aucune mention du Web 2.0 et des clients riches dans les annonces de l'éditeur.
Innovation et prudence ou l'art de manier les concepts
Sage est bien conscient des avantages à tirer des dernières avancées technologiques. Par exemple, lors de l'annonce de ces logiciels hybrides, il était fait mention du mode SaaS. Mais dans la présentation de Sage 100 Entreprise étendue, Pascal Houillon, Président de Sage en France, compare ce mode à la voiture électrique et le réserve à des usages spécifiques avec des fonctionnalités limitées. Pour lui, ce mode ne rencontre un réel succès que dans quelques domaines identifiés, relativement simples.
Quant au mode client-serveur, il le compare à la voiture thermique car, dit-il, il offre la richesse fonctionnelle et les performances. Comme on peut s'y attendre, la comparaison se poursuit avec celle des voitures hybrides, ce qui lui permet d'introduire la notion de logiciels hybrides. Mais là où on s'attendait à voir une offre intégrant le mode SaaS, on ne voit apparaître qu'un mode Web limité. D'où une interrogation légitime sur la portée de l'annonce. L'annonce du mode SaaS n'était-elle qu'une erreur de communication, un habile camouflage, ou le signe d'une évolution future ?
Écarter d'un revers de la main les progrès des modes hébergés de type SaaS ou cloud computing peut paraître surprenant. Surtout quand on sait le succès qu'ils rencontrent auprès des PME. Personne ne conteste que des progrès sont encore nécessaires pour améliorer la souplesse, les performances, la sécurité et les possibilités de personnalisation et d'intégration des applications disponibles dans ces modes. Mais la tendance se confirme chez la plupart des éditeurs (voir le rapport Markess sur ce sujet et nos articles récents) et l'ignorer reste incompréhensible.
La stratégie des logiciels hybrides concerne toute la gamme des ERP de Sage. Elle va se poursuivre en juin avec l'offre Sage 1000 Entreprise étendue. Nous avons même appris en mars que Sage ERP X3 V6, annoncé en janvier dernier, constituait la première offre de logiciel hybride, alors qu'aucun élément ne nous l'avait indiqué à l'époque ! Simple changement de communication ou nouvelle approche technologique ?
René Beretz