L'Open Source tente les DSI. C'est certain. Mais il est encore trop souvent encore très technique et répond de manière parcellaire aux besoins. Et ce n'est pas le contenu du récent Open World Forum qui démentira cette assertion. On y a beaucoup réfléchi, expérimenté et codé, comme le voulaient les trois orientations majeures de l'édition de cette année, élargie à trois jours de ce forum international. L'applicatif reste toujours le parent pauvre de cette manifestation ; il faut dire que l'Open Source est un sujet vaste, qui va des systèmes d'exploitation aux ERP en passant par les logiciels d'infrastructure et une foule d'autres solutions. Parmi les récompenses décernées à cette occasion on trouvait par exemple même une catégorie "Art & Open Source" ; on est loin, très loin de la gestion d'entreprise.
Diverses expériences
Quant au CIO Summit, événement dans l'événement et lieu d'expression entre DSI sur l'Open Source, il a fait plus de place cette année à des sujets stratégiques, allant parfois même au-delà de la notion de SI. Selon Thibault d'Allemagne, DSI du SFIC (Syndicat Français de l'Industrie Cimentière), ce sont surtout des retours d'expérience qu'il attend de sa participation à ce sommet, "sur des briques technologiques, mais aussi sur les ERP Open Source, auxquels nous pensons. Il y a d'autres aspects, comme la BI notamment, où l'Open Source est plus qu'un outsider aujourd'hui". Thibault d'Allemagne possède une solide expérience de l'Open Source au sein du SFIC, y compris une expérience d'implémentation d'OpenOffice qui s'est soldée par un retour à Microsoft Office au bout de 18 mois pour des raisons d'interopérabilité insuffisante. "C'est là notre seul échec avec les logiciels libres : les gens sont dépendants à Microsoft Office. En milieu fermé nous n'aurions jamais eu aucun problème", constate-t-il non sans une note de dépit.
Thibault d'Allemagne
Les autres logiciels Open Source utilisés par le SFIC sont surtout des systèmes d'exploitation serveurs, comme OpenBSD, Red Hat ou Ubuntu, mais aussi la messagerie Zimbra. Bientôt, Alfreco viendra aussi remplacer une solution propriétaire, et le système de gestion des statistiques sera réalisé avec Jaspersoft "Notre direction est très ouverte aux standards. C'est comme cela que j'approche l'Open Source. L'aspect financier entre en compte, mais l'aspect pérennité est essentiel", conclut Thibault d'Allemagne.
Presque tout Open Source
Chez PriceMinister, l'approche est différente comme nous l'explique Justin Ziegler directeur technique et co-fondateur de l'entreprise. "Nous avons opté pour l'Open Source dès le départ, pour faire vite et pas cher", explique-t-il. "L'Open Source évite les dépenses en licences, mais aussi les longues négociations avec les éditeurs et l'inquiétude et la prise de risques vis-à-vis d'un investissement qui ne serait peut-être pas le bon". Java, Linux, Apache, Jboss font aujourd'hui encore partie de la panoplie utilisée par PriceMinister. "Avec un logiciel Open Source, on ne peut pas incriminer le logiciel, comme c'est souvent le cas avec les logiciels propriétaires", poursuit notre interlocuteur. "Étant co-fondateur de l'entreprise, je n'avais pas besoin de pointer un coupable du doigt, ni de problème de reporting. Ma problématique était celle des coûts et de l'agilité".
Avec son rachat à 100 % par le groupe Rakuten en 2010, PriceMinister a accédé à une dimension internationale. L'objectif est d'investir sur l'Europe, en Espagne, au Royaume-Uni et en Allemagne en particulier et PriceMinister est appelé à devenir le centre européen du groupe Rakuten, qui ambitionne de devenir le leader européen et peut-être mondial du e-commerce et des galeries marchandes. Dans ce contexte, les nombreux projets en cours s'appuient toujours sur un grand nombre d'outils Open Source : six équipes développent en parallèle sur des sujets très distincts pour faire évoluer le site.
Justin Ziegler
Les solutions Open Source, comme leurs avantages et inconvénients, sont désormais bien identifiées par les entreprises aujourd'hui, qui de plus en plus définissent des stratégies autour de leur utilisation.
Benoît Herr
Une communauté exemplaire : SugarCRM
"On peut disposer de la meilleure stratégie produit du monde, s'il n'y a pas un vrai produit derrière, ça ne fonctionnera pas", affirmait John Mertic, community manager de SugarCRM au sortir d'une table ronde réunissant plusieurs gestionnaires de communautés de différentes disciplines. "Le produit est important. Et notre stratégie communautaire évolue en même temps que notre entreprise".
John Mertic
Cela n'a pourtant pas toujours été le cas, avoue John Mertic. "Nous avons beaucoup appris dans les premiers temps, y compris comment mieux nous engager avec nos partenaires. La communauté est un outil important pour le réseau et la croissance de nos partenaires". C'est suite à cela que SugarCRM a créé son programme Open Plus, qui est présenté par John Mertic comme une avancée sans précédent dans la collaboration entre équipes internes et partenaires, pour l'innovation.
La communauté SugarCRM est l'une des plus importantes du monde. "Le noyau de cette communauté compte plus de 100 personnes extrêmement actives. Elles représentent la douzaine de partenaires les plus actifs". Mais la communauté va bien au-delà : il y a sans doute le double de personnes qui font des apports ou corrigent des bugs. Ensuite, il y a tous ceux qui ne sont pas très actifs et se contentent de discuter, de poser des questions ou de contribuer de manière occasionnelle. "Il est difficile de dénombrer précisément ces personnes-là."
Le rôle du gestionnaire de communauté est d'orchestrer ces groupes et de les animer. "Mais une telle communauté ne se décrète pas. Elle naît, vit et se développe si les ingrédients nécessaires sont réunis. Ensuite, on peut essayer de la nourrir et d'influer sur la direction qu'elle prend. Mon rôle est de trouver le juste équilibre entre les intérêts de SugarCRM, ceux de la communauté, des utilisateurs finaux et des partenaires. C'est une mission très large et très diplomatique. Même si je suis payé par SugarCRM, je me dois d'être honnête envers la communauté".
Stratégiquement, SugarCRM s'intéresse tout particulièrement aux PME, notamment grâce au partenariat signé avec IBM. "Nous voulons aussi développer notre réseau de partenaires", ajoute John Mertic. Quant à la gestion des différentes versions du produit, il explique que 80 % du code est commun entre toutes les versions, depuis la version gratuite jusqu'au haut de gamme. "Mais plus important : il s'agit d'une plate-forme à partir de laquelle les autres construisent leurs solutions. Ils peuvent donc commencer avec la version communautaire et leurs développements fonctionneront aussi sur les autres versions".
Et John Mertic de conclure sur les possibilités d'adaptation qu'offre son produit au travers notamment de la communauté, ce que ne feraient pas les deux autres offreurs qu'il considère comme les poids lourds du marché, Salesforce et Microsoft.
BH