2011 aura été une année pleine de rebondissements pour les ERP : les éditeurs ont poursuivi leurs consolidations (dont l'emblématique rachat de Lawson par Infor), le nombre des projets abandonnés n'aura jamais été aussi important, et celui des procès s'est envolé, au moins aux États-Unis, avec par exemple ceux de Lumber Liquidators, CareSource Management Group, Tesco Bank, Whaley Foodservice Repairs ou encore la ville de New York. Une tendance lourde, semble-t-il. Parallèlement, les technologies ont continué à évoluer, l'ERP dans le cloud a pris de l'épaisseur et les réseaux sociaux s'y sont invités.
Fort de ce bilan, Eric Kimberling, président de Panorama Consulting Services, dégage un certain nombre de tendances et de développements probables pour 2012.
Un marché en mutation
Le marché devrait continuer à se consolider : "les obstacles à l'entrée sur le marché de l'ERP sont peu importants et les acteurs qui s'y trouvent sont bien trop nombreux", estime Eric Kimberling. "Qui plus est, les incertitudes liées à la situation économique mondiale ne créent pas les conditions nécessaires à une croissance saine des nombreux éditeurs. Dans ce contexte, il y a de très grandes chances pour que les fusions/acquisitions se poursuivent".
Panorama s'attend aussi à quelques mouvements parmi les grands acteurs du domaine : s'il paraît peu vraisemblable que SAP, Oracle et Microsoft perdent leur suprématie (Microsoft comptant comme l'un des trois grands, au moins aux États-Unis où la gamme Dynamics compte 4 produits ERP contre 2 en France), il estime que d'autres acteurs viendront jouer dans la "cour des grands", notamment Infor, après le rachat de Lawson. Mais d'autres acteurs du "Tier II", comme IFS, Epicor, Kinaxis ou encore QAD (ces derniers étant bien plus implantés aux États-Unis qu'en Europe) devraient poursuivre leur croissance rapide, en particulier sur le marché des MGE.
Quelques tendances peu constructives
Malheureusement, selon Panorama Consulting Services, il y a peu d'espoir de voir le nombre des projets avortés ou abandonnés se réduire en 2012. La tendance devrait même être inverse. Ceci est essentiellement dû aux décisions prises au cours des années précédentes, où les restrictions budgétaires et une mentalité du "tout faire soi-même" régnaient en maître. "Ces dernières années, les entreprises ont tout simplement sous-estimé les besoins en temps, en budgets, en compétences et en ressources pour mener à bien leurs projets ERP", estime Eric Kimberling. "Nous devrons en assumer les conséquences dans l'année qui s'ouvre".
De la même façon, Panorama s'attend à voir le nombre de situations conflictuelles s'accroître, en s'appuyant sur le nombre de demandes d'expertises qu'il enregistre : l'entreprise agit en effet comme expert auprès des tribunaux américains dans les affaires concernant les projets ERP.
Toutefois, les projets consistant à "tout faire soi-même" devraient voir leur nombre diminuer, en raison justement des conséquences des comportements évoqués ci-dessus : "les DSI et les directeurs financiers s'étant brûlé les ailes, ils sont devenus suffisamment méfiants et avisés pour éviter cette approche lorsqu'il s'agit de transformer leur activité par l'intermédiaire d'un nouvel ERP. Ces entreprises auront bien plus souvent recours à des consultants et à des experts qu'elles ne l'ont fait ces dernières années. Elles comprennent désormais qu'en faisant appel à une société de conseil spécialisée, qui dispose d'expérience et de méthodes de choix, d'implémentation et de gestion des changements organisationnels, elles parviendront plus rapidement et pour moins cher à de meilleurs résultats, alors qu'elles ne pourraient y arriver en interne.". Si Eric Kimberling prêche ici à l'évidence pour sa propre paroisse, son assertion n'en demeure pas moins digne d'intérêt.
Des évolutions fonctionnelles et techniques
Les ERP en SaaS vont continuer à grignoter des parts de marché. Depuis plusieurs années, les éditeurs du cloud comme Salesforce, Plex Systems, Netsuite, Kinaxis ou Workday braconnent gentiment sur les terres des acteurs traditionnels de l'ERP. En 2012, ils devraient asseoir leur position, notamment auprès des PME. Qui plus est, les éditeurs ci-dessus proposent souvent une approche de type "best-of-breed", qui permet aux entreprises de déployer des technologies centrées sur quelques fonctions bien spécifiques de leur organisation, comme le CRM, la supply chain ou les ressources humaines. L'aversion que développent les entreprises pour la prise de risques renforce encore la tendance : en matière de logiciels, elles préfèrent désormais tenir plutôt que courir.
La convergence du CRM et des media sociaux se confirme : voilà des années que les analystes en parlent et que les développeurs s'y emploient. Mais 2012 verra enfin l'émergence d'une intégration significative entre le volet "entreprise" du CRM et son volet "social", concrétisé par Twitter, Facebook et autres LinkedIn. La gestion d'entreprise et les technologies "sociales" vont finalement converger de manière pertinente, c'est-à-dire en permettant aux organisations de mieux gérer en interne les relations avec leurs clients, parallèlement avec des fonctions externes et moins structurées dédiées aux media sociaux.
Remettre les ERP en phase
De nombreuses choses ont changé ces dernières années : l'économie s'est un peu ressourcée et s'est modérément relevée pendant que les entreprises s'adaptaient. Et alors que les clients en voulaient toujours plus, les fusions/acquisitions se sont poursuivies. Mais nombreuses sont les entreprises qui n'ont pas investi de manière proactive dans leur ERP. Ces organisations se retrouvent aujourd'hui avec des systèmes en déphasage avec leurs besoins de gestion actuels. En toute logique, elles souhaitent aujourd'hui remettre leur ERP en phase avec leur réalité opérationnelle. Pour cela, elles disposent de deux possibilités : investir dans un nouveau système ou tenter de mettre à niveau leur système existant.
À quelque chose malheur est bon : les entreprises tirent les leçons des erreurs des autres, c'est-à-dire des errements décrits ci-dessus et réalisent qu'il ne faut pas bâcler le processus d'évaluation et de choix d'un ERP. Trop souvent, les échecs, qui peuvent conduire à des situations conflictuelles avec l'éditeur ou le prestataire, sont liés au choix d'une solution logicielle inappropriée, en décalage avec les besoins fonctionnels réels. Les entreprises montrent de fait une plus grande propension à modéliser leurs processus métier avant le choix d'une solution plutôt qu'après. Panorama Consulting Services enregistre un accroissement du nombre d'entreprises faisant appel à ses services pour réaliser une modélisation poussée au cours du processus de choix de la solution. "Cette démarche reflète bien la volonté des DSI et des directeurs financiers de limiter les risques", estime Eric Kimberling.
Côté intégrateurs
D'après Panorama, les intégrateurs trop orientés vers la technologie vont avoir du mal à s'imposer. L'approche traditionnelle, qui fait la part belle à la technologie n'est clairement plus de mise, alors qu'elle est toujours en vogue chez de nombreux intégrateurs, partenaires et revendeurs. En s'investissant trop sur le logiciel, ses fonctionnalités et ses possibilités, on néglige forcément les éléments essentiels, comme la conception des processus de gestion, la gestion du changement ou encore une gestion efficace du projet. "Tous les procès dans lesquels nous intervenons en tant qu'expert sont liés à une implémentation trop technique, sans préoccupations du métier", note Eric Kimberling. Les intégrateurs auront le choix soit de développer en interne les compétences correspondantes qu'habituellement ils ne possèdent pas, soit de nouer des partenariats avec des acteurs disposant de ces compétences.
En conclusion, si 2011 a été une année passionnante pour la sphère ERP, 2012 promet d'être encore plus mouvementée. Quant à la technologie in-memory, qui devrait apparaître en 2012 dans certains ERP, on note que Panorama ne la mentionne pas encore. Il faudra sans doute attendre 2013 pour cela.
Benoît Herr