Comme son nom l'indique, Salesforce s'est lancé sur le marché avec une solution de CRM, destinée en particulier aux forces de vente. Dès l'origine, son modèle était celui d'applications hébergées, accessibles par souscription, connues aujourd'hui sous la dénomination de cloud computing ou de mode SaaS. Toujours fidèle à cette démarche, l'offre de Salesforce s'est considérablement élargie.
Salesforce n'a jamais dérogé à la règle phare du cloud computing et du SaaS, le "multi-tenancy" : le code de chaque application est unique et tous les utilisateurs s'appuient sur cette version, à partir d'un abonnement. Mais ils disposent de nombreuses possibilités de paramétrage, en particulier pour la composition et l'aspect des pages. Ils peuvent également développer des modules complémentaires, des personnalisations et des adaptations, avec une garantie de pérennité : "39 'releases' de Salesforce ont été publiées depuis le début : toutes les adaptations ont été récupérées", se félicite Alexandre Dayon, executive vice-président applications de Salesforce.
L'entreprise sociale, catalyseur de croissance
L'entreprise sociale et collaborative est au cœur de la stratégie actuelle de Salesforce. L'outil Chatter en a été le premier maillon : il permet de bâtir des réseaux sociaux d'entreprise privés et sécurisés, dans lesquels il est possible d'inviter des clients ou des partenaires. Développé en interne et lancé en 2010, Chatter a été largement adoptée par les clients de Salesforce : il existe quelque 150 000 réseaux Chatter d'entreprise dans le monde.
Alexandre Dayon, EVP applications de Salesforce, lors de CloudForce Paris
Alexandre Dayon met cette tendance en perspective avec l'histoire de l'informatique, dont il rappelle les grandes étapes : après les mainframes, les mini-ordinateurs et le client-serveur, sont venus Google puis le modèle post-PC porté par les terminaux mobiles. "Quant aux années 2010, ce seront celles du modèle social et collaboratif", affirme Alexandre Dayon.
Chatter est perçu comme un accélérateur d'adoption de la solution de CRM, grâce à son caractère viral : séduits par la facilité et la simplicité de la communication, les utilisateurs se l'approprient rapidement. Mais au-delà du réseau social d'entreprise, les réseaux sociaux professionnels jouent un rôle essentiel : Salesforce a noué des partenariats avec LinkedIn et Viadeo. Plusieurs clients de Salesforce ont témoigné de ces usages lors de CloudForce : nous en avons remarqué deux.
L'exemple de Mikit
Constructeur de maisons individuelles créé en 1983, Mikit s'appuie sur un réseau de franchisés. L'une de ses particularités est la possibilité pour les acheteurs de terminer leur maison eux-mêmes pour économiser sur son coût. Sa solution de gestion des ventes et des clients ne donnant pas satisfaction, la société a fait une recherche sur le marché et son choix s'est porté sur Salesforce. La mise en place de la solution a pris 5 mois. "La phase la plus longue a été la définition de besoins", explique Alexandre Macieira-Coelho, PDG de Mikit. "Le développement proprement dit avec Force.com est allé ensuite très vite avec des équipes proches et déportées (Île Maurice) : on travaillait avec la caméra au milieu de la table". À l'arrivée, quasiment tous les processus sont sur iPad (hors paie, comptabilité, achats). 300 utilisateurs disposent déjà de l'application et 300 autres vont en bénéficier prochainement.
L'intérêt pour les réseaux sociaux est venu dans un deuxième temps, remarque-t-il : "alors qu'au départ je pensais que c'était un gadget, Chatter a accéléré le processus d'adoption ; l'information circule plus vite dans toute la société et avec les partenaires et clients. Nous utilisons de moins en moins le courrier électronique." Et Facebook est devenu la première des sources de contact. "Ce n'est pas une question de ROI, c'est une question de survie. On ne peut pas ne pas être là où l'on parle de la marque", conclut Alexandre Macieira-Coelho.
L'exemple de Rossignol
Rossignol a 100 ans et bénéficie d'une immense notoriété, qui se retrouve dans le nombre de "followers" de sa page Facebook (plus de 140 000 !). Le fabricant de skis a développé une application sur smartphone qui enregistre les performances individuelles : vitesse, dénivelés, parcours réalisé... L'objectif consiste maintenant à mettre en réseau ces informations personnelles grâce aux outils de Salesforce : la société sera à l'écoute de ce qui se dit sur le réseau, pourra intervenir et donner des conseils, fixer des rendez-vous dans les magasins. Les gens posent des questions. Rossignol peut proposer des nouveaux services, des solutions intéressantes pour les clients. Les réseaux sociaux peuvent aussi s'élargir à des partenaires commerciaux dans d'autres secteurs, avec des programmes de fidélisation de clientèle. Au-delà de Facebook, Rossignol s'intéresse à d'autres réseaux sociaux comme Viadeo et LinkedIn.
Du côté de la vente, la mise en réseau des applications Salesforce peut avoir un impact significatif. Sylvain Noailly, VP marketing & business development chez Rossignol, envisage un scénario collaboratif impliquant un commercial qui visite un magasin : il montre les caractéristiques d'un produit à partir de documents ou de vidéos sur sa tablette, puis établit directement un devis. Si nécessaire, d'autres personnes de Rossignol peuvent intervenir immédiatement via le réseau Chatter. Par exemple, un intervenant peut signaler que le magasin sera éligible à une offre promotionnelle s'il acquiert un nombre de produits légèrement supérieur au devis initial. Une fois l'accord obtenu, le contrat peut être signé directement à partir de la tablette, dans le magasin. Si, du coup, le vendeur a atteint son quota avec cette signature, son manager le sait immédiatement.
Du CRM aux réseaux sociaux en passant par le reporting
Le succès de Salesforce s'est accompagné d'un élargissement du périmètre de l'offre, en partie par des développements internes, mais aussi par de nombreux rachats. Du côté du CRM, à côté de l'offre initiale, appelée maintenant Sales Cloud, le produit Service Cloud est destiné au service client. L'éditeur de jeux vidéo Activision (Call of Duty) a adopté cet outil pour son équipe d'assistance aux joueurs. La souplesse de l'outil s'adapte aux moyens de communication les plus variés : par exemple, les joueurs peuvent solliciter l'éditeur par une séquence vidéo, et l'interlocuteur peut envoyer sa réponse par le même moyen.
De nouvelles applications se développent autour des réseaux sociaux. La solution Radian6, rachetée en 2011, analyse les messages dans les réseaux sociaux et identifie les données pertinentes pour la société. Salesforce vient de faire une première incursion dans le domaine des ressources humaines en rachetant Rypple. Avec cette application, les membres du réseau peuvent "remercier" des collègues, leur attribuer des distinctions pour une affaire conclue ou une mission réussie et les responsables hiérarchiques suivent en temps réel l'évolution de la réputation de leurs collaborateurs. Rypple est en voie d'intégration avec les autres solutions de Salesforce. Même si la société s'en défend, on ne peut s'empêcher de faire le rapprochement de cette opération avec les récents rachats de SuccessFactors par SAP et de Taleo par Oracle.
La salle de la Mutualité lors de la conférence plénière de CloudForce
Éléments essentiels de toutes les applications actuelles, les outils de reporting sont intégrés dans les applications Salesforce : ils sont développés par une équipe dédiée de Salesforce. "Nous avions été tentés d'en faire un produit indépendant, facturé séparément, mais nous y avons renoncé pour des raisons pratiques. Il fallait trouver un équilibre entre la simplicité et la tarification", explique Alexandre Dayon. "Les clients la voulaient tous : nous l'avons donc intégrée dans les applications. Ce qui nous importe le plus est le taux d'utilisation d'un service". Cependant, il n'est pas exclu que Salesforce développe par la suite des solutions analytiques innovantes payantes. "Pour Mikit, l'absence de solutions analytiques était un frein à l'entrée. Heureusement, ils ont été ajoutés gratuitement dans le cadre de la souscription", précise Alexandre Macieira-Coelho.
Le nouveau rôle des DSI
La montée en puissance des applications basées sur le cloud modifie le rôle et le rythme des directions informatiques. C'est ce que constate Antoine de Kerviler, DSI de CorsairFly : "nous avions un fort besoin de réactivité dans un contexte de bases de données variées et d'applications dépassées. Nous avons déployé très vite les applications Salesforce. Pour la première fois, les clients ne nous attendent plus. Nous déployons très rapidement d'autres applications BtoB."
De même, dans le groupe Bel, Salesforce est beaucoup plus qu'une solution pour les forces de vente car la plate-forme sert de socle à d'autres fonctions. Yves Gauguier, DSI du groupe Bel assume totalement l'évolution de sa fonction : "nous ne nous occupons plus des infrastructures. Nous abandonnons les compétences techniques pour nous concentrer sur les métiers." La DSI assemble les différents éléments et la plate-forme Force.com maintient la cohérence : par exemple, Salesforce est intégré à SAP. "Nous avons redonné au DSI un costume de super-héros", se félicite Alexandre Dayon.
Autres acteurs importants pour les entreprises, les intégrateurs et SSII ont mis en place des équipes dédiées à Salesforce. Dans le contexte du SaaS, leur mode de travail a changé : il ne s'agit plus de gérer les montées de version, mais de s'engager à long terme sur les projets des clients.
René Beretz