D'origine sud-africaine, Thomas Otter, 44 ans, vit en Allemagne et se considère comme international : SuccessFactors est allé le chercher pour mener son projet Employee Central. "Si SuccessFactors avait été seul, je ne pense pas que j'aurais été intéressé par leur proposition", affirme-t-il. "De la même façon, je n'aurais pas été intéressé par une proposition unilatérale de SAP. Mais la combinaison de ces deux entreprises est particulièrement intéressante, parce qu'elle associe la puissance de SAP à l'énergie et à la fraîcheur de SuccessFactors. C'est ce qui a guidé ma décision, en fonction aussi de mon propre quadrant magique".
Une vision produit
"On trouve des choses vraiment passionnantes dans tout produit de gestion de RH, mais les tâches administratives, qui sont beaucoup moins passionnantes, représentent néanmoins la partie qui est de nature à vous éviter la prison. C'est un peu comme l'alimentation des enfants : ils préfèrent tous la crème glacée, mais il faut leur faire comprendre qu'il vaut mieux manger d'abord des brocolis, bien meilleurs pour leur santé", commente Thomas Otter. "De longue date, SuccessFactors a été le leader du marché de la crème glacée. Ma tâche, désormais, consiste à en faire le plus rapidement possible un leader sur le marché des brocolis. SAP en revanche, est historiquement le leader du marché des brocolis et je me propose de mettre à profit les aspects innovants de SuccessFactors au service de la puissance de SAP pour amener cette combinaison vers un nouvel avenir dans le monde des RH".
Question d'intégration
De nombreux systèmes de RH sont hétérogènes et "nous ne voulons pas sacrifier les fonctionnalités sur l'autel de l'intégration", affirme Thomas Otter. "C'est une évolution majeure pour SAP, qui ne jurait jusqu'ici que par l'intégration. J'ai une vision différente : l'intégration doit présenter un intérêt du point de vue de la gestion, mais ne doit jamais mettre en péril les fonctionnalités et la facilité d'utilisation."
S'agissant de stratégie RH, le Gartner a créé un concept appelé "Nexus of forces", une combinaison de 4 éléments : le cloud, la mobilité, les réseaux sociaux et le Big Data. Thomas Otter estime que "ces 4 éléments vont redessiner la technologie RH à l'avenir".
Du cloud
"Mes collègues de SuccessFactors ne manqueront pas de vous expliquer à quel point le cloud est merveilleux. Je n'ai pas besoin de le faire ici", lance Thomas Otter. "Mais en fait, le cloud présente un certain nombre d'inconvénients et il y a des compromis à faire. Le point le plus important est cependant l'innovation et la vitesse à laquelle l'utilisateur est en mesure d'intégrer cette innovation : auparavant, dans le monde 'on-premise', il n'était pas envisageable de faire une montée de version plus fréquemment qu'une fois tous les deux ans. Mais dans le cloud, c'est l'éditeur, c'est-à-dire nous, qui réalisons ces montées de versions, au moment que nous choisissons. SuccessFactors en fait une tous les trois mois. Autrement dit, on n'est plus aujourd'hui sur des cycles de 5 ans, comme avec les anciens ERP, mais lorsque les développeurs ont mis au point de nouvelles fonctionnalités, les utilisateurs en bénéficient trois mois plus tard."
Mobilité et ergonomie
Les applications mobiles ont tendance à devenir plus performantes que les applications sur postes de travail parce qu'elles intègrent la localisation, une fonctionnalité particulièrement utile dans les RH, à l'instar de ce que l'on observe aujourd'hui dans le monde du marketing et du CRM.
"La critique la plus sévère que je fais à SAP depuis des années est que leurs logiciels ne sont pas ergonomiques : ils ont été conçus pour des gens qui sont obligés d'utiliser ces systèmes", note Thomas Otter. "À l'inverse, les systèmes de SuccessFactors ont été conçus pour des gens qui ne sont pas obligés de les utiliser. Et ce faisant, il devient nécessaire de 'vendre' son système à ses utilisateurs potentiels. On le conçoit donc de manière beaucoup plus conviviale. Je veux que la facilité d'utilisation demeure le moteur principal des développements à venir".
La mondialisation est riche d'enseignements
Au cours des dernières années, la plupart des systèmes de gestion des RH ont été conçus pour le marché américain et étendus au reste du monde. "Même si les Américains sont des gens formidables et fort sympathiques, je pense que nous devrions plutôt nous inspirer des Africains et des Indiens pour ce qui concerne la mobilité. En effet, en Afrique, les gens ne disposent pas de PC, mais ils ont un mobile. Donc, si on souhaite innover en matière de mobilité, il faut regarder ce qui se passe là-bas. De la même façon, si l'on souhaite améliorer la collaboration entre l'entreprise et le monde de l'éducation et des universités, il vaut mieux se tourner vers les Allemands. En matière de productivité en revanche, c'est le modèle français qui prévaut. Je pense qu'il y a beaucoup à apprendre en matière de bonnes pratiques dans chaque pays du monde. Ma vision de la mondialisation n'est pas centrée sur les États-Unis, mais plutôt sur une réponse adaptée aux besoins de chacun".
Benoît Herr