"La suite SAP est entièrement disponible dans le cloud", a lancé le dirigeant en guise d'introduction. "Et HANA est la base de données qui connaît la croissance la plus rapide au monde. Elle est aussi la plus rapide des bases de données, que ce soit pour des traitements analytiques ou transactionnels. Et elle permet de réduire la couche matérielle jusqu'à 90 %. Le matériel qu'elle utilise est essentiellement basé sur une architecture x86, ce qui en contient le prix". Voilà le décor planté et le ton donné.
Cloud et HANA "everywhere"
Le cloud ne devrait représenter que 15 % des 22 milliards d'euros de chiffre d'affaires de SAP à l'horizon 2017 ; le reste du chiffre d'affaires est, pour au moins les deux tiers, issu de la maintenance logicielle et du support, une manne hautement prévisible et stable. "Mais dans le même temps, nous allons migrer de plus en plus de clients vers le cloud", promet Bill McDermott, qui affirme qu'avec 35 millions d'utilisateurs, SAP est la première entreprise du cloud dans le monde et que de manière globale le géant allemand a deux fois la taille de son concurrent le plus proche (comprenez Oracle).
"Rares sont les entreprises qui, comme nous, ont placé l'intégralité de leur système ERP dans le cloud", poursuit-il. Les avantages de HANA, combinés à ceux du cloud, généreraient des économies considérables pour les entreprises : "aujourd'hui, 90 % des dépenses informatiques se font dans le matériel et le service, ce qui pour tout CEO n'est pas un modèle durable. Ils en veulent plus pour leur argent, plus d'innovation, plus de croissance. Et c'est précisément ce que fait le logiciel, qui transforme les processus et permet aux entreprises de gérer leur activité différemment et de croître".
Bill McDermott, co-CEO et bientôt unique CEO de SAP (cliquez sur la photo pour l'agrandir)
Mais SAP laisse le choix à ses clients : même si l'éditeur préconise une solution hébergée dans le cloud, le client peut toujours choisir une solution on-premise. "Ce que nous cherchons avant tout, c'est à réduire les délais d'implémentation tout en réduisant les coûts et les risques", précise Bill McDermott, qui explique les résultats de HANA en deçà des objectifs par un euro fort. "HANA se porte bien et c'est le produit logiciel qui connaît la plus forte croissance de tous les temps. Mais l'euro fort a un impact sur nous, pas sur le client", rassure le toujours co-CEO. Quant à la tarification de HANA, "elle est adaptée à tous les besoins spécifiques". Il existe de nombreux moyens pour un client d'accéder aux services HANA, le dernier en date étant un tout nouveau site Web dédié. "Mais de nombreux canaux le proposent, le rendant accessible à tous nos clients". Pour l'heure 2 000 start-up parient leur avenir sur HANA. "Mais l'an prochain, elles seront probablement plus de 5 000", prophétise Bill McDermott.
L'avenir de la Business Suite est dans le cloud
Les entreprises arrivent dans le cloud par différentes voies : certaines y gèrent leurs notes de frais, d'autres y vont via le CRM, la gestion des talents ou encore les achats. Voyant cela, de nombreux éditeurs de solutions spécialisées ont vu le jour et se sont développés. "C'est un bon modèle d'affaires, qui a assuré la croissance de ces entreprises", constate Bill McDermott. "Mais rares ont été les éditeurs qui ont placé l'intégralité de leur système ERP dans le cloud, ne serait-ce que parce qu'il n'y avait pas un tel marché jusqu'ici. La suite logicielle est toujours gagnante, du fait de son intégration. En moyenne, pour chaque milliard de chiffre d'affaires, une entreprise doit disposer de 50 applications de gestion. En agrégeant tout cela au sein d'une suite intégrée, on augmente la satisfaction de l'utilisateur tout en réduisant les coûts."
Quant aux solutions métier, le dirigeant estime qu'à l'avenir on disposera de cloud spécifiques à des métiers. "Le facteur différenciant de SAP résidera précisément dans les clouds métiers. Et la bonne nouvelle pour nous, c'est que nous avons des partenaires dans tous les métiers et dans tous les segments de marché. Nous sommes donc en mesure de proposer l'intégralité de la chaîne de valeur à tous les segments de marché, ce qui nous donne un avantage substantiel". Mais, on ne gagne pas à tous les coups : interrogé sur l'aventure Business ByDesign, Bill McDermott philosophe et admet que "dans la vie, tout ce qu'on entreprend n'est pas couronné de succès. Mais nous avons beaucoup appris de cette expérience."
Et la France ?
Au-delà de sa satisfaction de se trouver dans la capitale de la France, qu'il déclare être la plus belle ville du monde, le dirigeant estime"qu'il faudrait créer une culture de la Silicon Valley à Paris", d'autant que c'est aussi le berceau de Business Objects. Le fait est que la France dispose d'ingénieurs de grande qualité et d'excellente formation. La France, et Paris en particulier, est très attractive. Mais notre culture, si différente de celle des Californiens, nous permettrait-elle de mettre sur pied des systèmes similaires ? En outre, le niveau de maturité de l'Europe et de la France au sujet du cloud reste très en retrait par rapport aux États-Unis, ce qu'admet le dirigeant : "aux États-Unis, tout passe par le cloud tandis qu'en Europe on en est encore aux prémisses. Mais les choses sont en train de changer parce que les dirigeants et leaders n'ont plus de temps, au vu du raccourcissement de tous les cycles de création de valeur et de croissance. Les délais qui se comptaient autrefois en années se comptent aujourd'hui en mois. Et la seule manière de raccourcir à ce point les délais est de s'appuyer sur le cloud".
Bill McDermott était essentiellement en France pour rencontrer clients et prospects, bien sûr, mais aussi les jeunes talents locaux et les partenaires. "Si l'entreprise compte 67 000 collaborateurs, notre écosystème recense 2,1 millions de personnes. Si nous ne les payons pas directement, elles n'en sont pas moins importantes pour notre avenir".
Il est aussi venu rencontrer les membres du gouvernement français : SAP compte parmi les entreprises européennes influentes et c'est l'un des partenaires des services publics en France. À ce titre, ses dirigeants rencontrent régulièrement les gouvernants français. Ainsi, l'autre co-CEO de l'entreprise, Jim Hagemann Snabe, a-t-il été reçu à trois reprises à l'Elysée, dont deux fois par François Hollande. Pour Bill McDermott, c'était le premier de ces rendez-vous et il a été reçu par Emmanuel Macron, secrétaire général adjoint de la présidence de la République, en charge notamment de la politique économique.
L'objectif de cette visite était triple : officialiser la position de Bill McDermott comme seul CEO de SAP à partir du 1er juin, l'utilisation des technologies dans le cadre de l'État et les grands sujets de politique publique. Parmi ces sujets figurait notamment la protection des données, avec un message simple, selon lequel la localisation des données n'est pas la panacée. Autres sujets évoqués, le traité transatlantique, les discussions au sein de l'OCDE et la taxation du numérique. Peu de choses ont filtré sur le fond de cet entretien, comme on s'en doute et comme le confirme Frédéric Massé, en charge des relations institutionnelles EMEA chez SAP.
Au sujet de la protection des données, Jim Hagemann Snabe s'est toutefois récemment exprimé dans un article paru dans le Financial Times. Il y déclare notamment rester persuadé que "les nouvelles technologies et la libre circulation des données sont essentielles pour stimuler l'innovation et l'expansion du commerce international. Il est indispensable que les citoyens et les consommateurs continuent à accorder leur confiance à l'économie numérique et qu'ils utilisent sans réserve les nouvelles technologies. Pour ce faire, nous, industriels, devons travailler main dans la main avec les décideurs politiques afin de créer des règles claires et transparentes quels que soient les marchés".
Croissance toujours
Sûr de lui, Bill McDermott est donc confiant. Il trace la voie et va continuer à faire croître son entreprise : "l'organique est le moteur principal de notre croissance", affirme-il. "Nous allons développer nos atouts existants, dans les achats, les RH, mais aussi – et c'est le plus important, car il va mettre à profit toute la puissance du temps réel de HANA – dans le commerce multi-canal. Mais oui, il y aura aussi de la croissance externe".
Benoît Herr