"Passer du On-premise au Online : définir une stratégie réaliste d’évolution vers le Cloud de l’ERP de l’entreprise", tel a été le thème de la première table ronde du récent salon Solutions ERP. Elle a réuni six intervenants représentant éditeurs, intégrateurs, cabinets de conseil et entreprises utilisatrices.

Le monde des éditeurs et intégrateurs de progiciels vit une période charnière : la montée en puissance régulière du cloud le bouscule et l'oblige à réagir. "La demande vient des clients", constate Yann Rambaud, directeur marketing de l'intégrateur Absys-Cyborg. "C'est une opportunité pour les PME : elles bénéficient ainsi de services qui étaient autrefois réservés aux grands groupes", confirme Gwendal Meledo, DSI du groupe Onduline, qui vient de mettre en place dans sa société Microsoft NAV 2013 dans le cloud Azure. "Mais le cloud n'est pas un raz-de-marée, tempère Claude Cordier, directeur marketing produits et services de la division PME de Sage. Seules 13 % des entreprises françaises sont équipées en cloud/SaaS. Il faut assurer la transition au rythme des entreprises."

Le cloud, des solutions pour les métiers et les PME

"Les dirigeants de PME ont une sainte horreur de l'informatique", relève Philippe Plantive, directeur général de l'éditeur Proginov. "Ils ne peuvent pas multiplier les compétences en interne pour suivre le rythme des innovations tels que les mobiles ou les réseaux. Confrontés à la nécessité de réagir rapidement, ils se tournent vers le cloud." Gwendal Meledo fait la même constatation : "les métiers ne comprennent pas les contraintes de l'informatique. Le cloud est un moyen de lever les contraintes. En particulier, il permet aux entreprises d'éviter le surdimensionnement de leurs investissements. Le SI devient plus réactif et accompagne mieux les initiatives de l'entreprise."

Les offres du cloud séduisent également les directions métiers des grandes entreprises, comme le remarque Omar Lahbabi, senior manager chez Deloitte : "les offres qui ont percé sur le marché sont liées à des métiers précis comme les RH et le CRM" En pratique, le sujet du cloud apparaît systématiquement dans les appels d’offres "car les entreprises s'interrogent sur l'acquisition du matériel et du logiciel", note Yann Rambaud. L'opportunité d'une solution cloud peut aussi se produire lors de l'acquisition d'une société, rappelle Omar Lahbabi : "pour l'intégrer, on met son système d'information dans le cloud, ce qui ne nécessite aucun investissement et peu de coûts. Et cela ne remet pas en cause le cœur de système du groupe, qui est presque toujours on-premise."

S'adapter à un monde qui change

Pour Laurent Ducros, manager des équipes avant-vente chez Oracle, "il faut accompagner les entreprises dans un monde qui a changé. Les budgets informatiques sont consacrés pour 80 % à la technologie et 20 % à l'innovation. La solution consiste à déporter les prestations consacrées aux processus standardisés vers le cloud. Le DSI devient un broker de services et cela permet de dégager des ressources pour investir dans le cœur de métier." En outre, avec les nouveaux types de salariés et de partenaires, le collaboratif devient déterminant. L'analytique est intégrée dans le processus, ce qui permet une prise de décision plus rapide, quasiment en temps réel. Les réseaux sociaux pénètrent dans les entreprises et les solutions cloud répondent aux nouveaux besoins en fonction de la maturité de l'entreprise et des secteurs concernés.

De son côté, l'entreprise doit préserver ses investissements, en particulier ceux qu'elle a réalisés dans un système central prenant en charge le cœur de l'activité de la société. Il s'agit le plus souvent d'un ERP installé dans l'entreprise. "Les besoins des métiers tels que les RH, le CRM, voire la finance sont de plus en plus couverts par des solutions du cloud, venant se mettre par-dessus l'ERP. On aboutit à des systèmes hybrides", explique Omar Lahbabi. Une conclusion que Philippe Plantive ne partage pas : "les processus de l'entreprise en informatique de gestion sont de plus en plus partagés. Les clients internes comme le directeur de la logistique et le directeur commercial prennent de plus en plus d'importance. Il faut donc une solution cohérente, complète et collaborative qui permet d'éviter les solutions hybrides à base de logiciels dédiés." La différence de point de vue provient probablement de la différence entre les types d'entreprises concernés : des grands groupes pour le premier et des PME pour le deuxième.

Standardisation et personnalisation

"Le cloud pousse à la standardisation", remarque Omar Lahbabi. "Or les applications installées dans les entreprises françaises sont très personnalisées donc difficiles à maintenir. Le cloud induit un changement de mentalité et oblige à un changement de comportement de l'utilisateur, ce qu'il a du mal à l'accepter quand il est habitué à une solution faite sur mesure."

"Les PME ne sont pas toutes identiques : elles ont besoin de logiciels spécifiques à forte valeur ajoutée, qu'on peut avoir dans le cloud. Avant tout, il faut bien penser son produit", rétorque Philippe Plantive. "Mais les processus d'achat sont tous les mêmes", avance Omar Lahbabi. "Non, répond Philippe Plantive, les achats de matériaux de construction sont différents de ceux des fruits et légumes."

Les vrais problèmes avec les spécifiques se produisent lors de la montée de version des applications : tout dépend de la manière dont ils sont développés. Cependant, les enjeux ne sont pas les mêmes selon la taille de l'entreprise et son secteur. "Les petites entreprises peuvent s'accommoder de solutions standardisées", affirme Claude Cordier. "De toute façon, un paramétrage est toujours possible, que l'application soit dans le cloud ou non. Par contre, les grandes entreprises ont besoin de modules spécifiques, qui sont développés par les intégrateurs." Mais il y a des limites dans la configuration naturelle, en particulier en SaaS. "Il faut toujours tâcher de développer des modules qui s'intègrent à l'ERP avec les technologies adéquates (comme le SOA) dans la même chaîne évolutive que l'ERP", insiste Laurent Ducros.

La migration et l'ouverture

La migration d'un environnement applicatif depuis le mode on-premise vers le cloud dépend fortement de la situation de départ. "La question des données est essentielle, relève Claude Cordier. Si l'on conserve le même applicatif dans le processus, les modifications restent légères. Mais s'il s'agit d'un changement d'ERP ou d'un nouveau déploiement à partir de zéro, il faut mettre en place un projet avec maquettage et recette. La démarche est la même dans les deux modes."

Chez Onduline, le déploiement de l'ERP s'est inscrit dans un contexte large avec la mise en place de réseaux sociaux, d'outils de collaboration et de vidéos, de gestion documentaire et d'un intranet. L'outil concerne avant tout les ventes et la distribution, le volet manufacturing de Microsoft NAV 2013 n'étant pas mature. "La mise en place de la solution Microsoft a été extrêmement facile : les clients du monde entier ont la même interface. En quelques jours, nous avons déployé un intranet mondial pour le marketing, se félicite Gwendal Meledo. Nous avons un seul partenaire : Microsoft, ce qui nous évite d'avoir une multitude d'interlocuteurs informatiques." Même attitude chez Proginov : "nous sommes éditeur, hébergeur et intégrateur, acteur sur l'ensemble de la chaîne, ce qui élimine les risques de rupture dans le service.", explique Philippe Plantive.

L'enjeu le plus important reste la gestion du changement. "Cela provoque des conflits, des contraintes, c'est de la politique. L'accompagnement du changement est impératif", conclut Gwendal Meledo.

René Beretz