IFS France compte sur ces rencontres, dont c'était la 8ème édition, pour développer son réseau de conseils experts sectoriels et métiers, intervenant en tant que prescripteurs en amont et en aval des projets. Mais les représentants de l'éditeur restent très en retrait des débats lors de ces rencontres. Ce jour-là, les participants, de haut niveau comme toujours, avaient pour certains déjà pris une part active à des projets de MDM (Master Data Management) en mettant en œuvre des outils dédiés et nombreux étaient ceux qui avaient déjà géré les données de référence de leur entreprise sans forcément que ce projet ait été étiqueté MDM.
De quoi s'agit-il ?
Le MDM est également appelé "gestion des données de base", "gestion des données de référence" ou encore "gouvernance des données". Parmi les avantages de cette démarche, on trouve la mise en place d'un référentiel (ou lexique universel) au niveau de toute l'entreprise, d'une nomenclature qui garantit l'unicité de la donnée et de son descriptif et la centralisation des mises à jour des données vitales. Une tribune libre de Fakhreddine Amara et Jérôme Valentin, respectivement directeur conseil et intégration et manager MDM/EIM chez Keyrus, récemment publiée (cf. Comment la gouvernance des données aide les organisations à répondre aux exigences réglementaires) vous en dira plus sur les intérêts du MDM.
En général, une entreprise dispose de plusieurs bases de données, dans différentes applications métier. C'est notamment le cas pour des structures ayant opté pour une approche best-of-breed. Alors qu'un ERP est censé s'appuyer sur une base de données unique, on peut raisonnablement se demander ce que peut apporter le MDM à l'ERP. Mais dans la pratique, de nombreuses applications environnent bien souvent l'ERP.
"Sans ERP, il n'y a pas besoin de MDM", lance d'entrée de jeu l'un des participants. "Le MDM va bien au-delà de l'ERP : il prend en compte les processus métier, qui concernent la méthode de mise à jour des données, la stratégie, les outils applicatifs utilisés. D'une façon générale, le MDM répond à la question 'comment faire pour que tout le monde ait la même information au même moment dans l'entreprise ?'".
Et de constater que de nombreuses entreprises estiment ne pas avoir besoin de MDM puisque leurs données sont centralisées, alors que le MDM n'a qu'un seul objectif, celui de faire en sorte que la donnée soit juste 100 % du temps. "Au départ, le principe des ERP consistait à tout saisir en central, pour être sûr que tout était juste", ajoute l'intervenant. "Mais cette manière de faire ne tient plus à l'heure actuelle : aujourd'hui, on décentralise une quantité de plus en plus importante de données".
"Une donnée n'a de sens que si on sait à quoi elle sert", lance un autre participant. "Il ne peut y avoir 12 personnes responsables des données maîtresses", renchérit le premier. "Pour garantir la cohérence, il est nécessaire de centraliser les saisies et de disposer d'un responsable MDM. C'est cela la gouvernance".
Des outils relativement récents
De nombreux outils de MDM existent sur le marché. On peut notamment citer MDM Server d'IBM, Oracle MDM, EPX5 d'Orchestra Networks (qui est un pure player du MDM, d'origine française), Informatica MDM, SAP MDM, STEP de Stibo Systems ou encore WebMethods de Software AG. Et la liste n'est pas exhaustive. IFS ne propose pas de réel outil de MDM, mais Jérémy Jeanjean, consultant avant-vente chez l'éditeur, précise que "les outils de propagation existent dans IFS Applications".
"L'outil n'est nécessaire que si l'on s'aperçoit qu'il n'est pas possible de gérer les données de référence à la main, comme dans une structure multinationale, par exemple", note l'un des consultants. "A contrario, on peut alimenter son ERP à partir d'écrans du progiciel de MDM, qui se substituent à ceux de l'ERP", précise un autre consultant, qui souligne que ces outils commencent à devenir matures.
Les coûts de licence de ce type d'outils sont fonction des volumes de données traités et non pas du nombre d'utilisateurs. Les coûts globaux d'un projet MDM sont de l'ordre de 4 à 5 fois moins que ceux d'un projet ERP.
Les limites du MDM
Pour l'un des participants, "c'est l'ERP qui est en connexion avec les fournisseurs et contrôle l'acuité des données. Mais le principe du MDM, c'est-à-dire de la gestion des métadonnées, ne passe pas les limites du SI de l'entreprise. En revanche, il garantit l'intégrité des données qui entrent dans le SI".
Un autre oppose que "la seule chose qu'on assure, c'est la cohérence des règles, mais pas des données" et cite l'exemple de l'utilisation de sources multiples, comme les bases de données du fisc et de la poste, qui ne sont pas toujours en cohérence. Le premier consultant insiste alors sur l'importance de la notion de personne propriétaire des données : "on ne peut pas imposer à des intervenants externes des règles de gestion contraignantes et espérer 100 % de justesse des données". Et de citer le programme des pouvoirs publics baptisé Dites le nous une fois, justement destiné à réduire les redondances.
Expériences
Les participants ont également fait état de leurs diverses expériences, comme celle d'une grande entreprise industrielle du CAC40, qui a mis en place une application de MDM maison dans laquelle l'entreprise gère les différents tiers. "Nous nous sommes rapidement heurtés à des problèmes de gouvernance", raconte son représentant autour de la table. "Pour gérer cela, nous avons mis en place un référent MDM dans chacune des entités. Et tous les trimestres, nous faisons un contrôle des doublons. Notre politique consiste à nous assurer que 90 % des données sont pertinentes. Les 10 % restants sont gérés au cas par cas".
Une autre expérience, dans les ressources humaines, cette fois : "ce sont des systèmes très complexes, qui nécessitent beaucoup de temps, étant donné notamment qu'il y a beaucoup de mouvement dans les RH. Ce sont vraiment les directions métier qui pilotent, la DSI ne venant que 'brancher des tuyaux' à la fin'", explique ce témoin qui a participé à des projets colossaux dans le secteur public. "Les risques de déviance et d'effet tunnel sont nombreux. Il faut commencer par ce qui est prioritaire, commencer pas les sujets les plus mûrs et avancer par blocs", ajoute-t-il.
Comment responsabiliser utilisateurs et DG sur la qualité des données
La justification économique d'un projet MDM n'est pas simple, sans doute encore moins que celle d'un ERP. Pourtant, un consultant note que les intervenants d'une supply chain, par exemple, passent souvent entre 25 et 30 % de leur temps à corriger des erreurs de données. "La justification du MDM est assez simple dans ce cas. Mais l'approche MDM n'est pas encore ancrée dans la tête des gens, qui estiment qu'il faut d'abord un ERP, le MDM ne venant que par la suite". De l'avis général, si les projets MDM identifiés, avec mise en œuvre d'outils dédiés, restent peu fréquents dans les entreprises, les initiatives de ce type se multiplient et souvent les données de base sont gérées manuellement.
Un autre consultant insiste : "le discours doit être avant tout métier, autour du concept de CIM (Customer Information Management). Mais la motivation des utilisateurs est plus simple à obtenir dans les RH que sur un référentiel clients, par exemple".
Comment gérer un projet MDM
En fait, un projet MDM se gère en fait de manière assez classique, en impliquant les métiers, en mettant sur pied des groupes de projet impliquant des opérationnels et un comité de pilotage. "Il s'agit de mettre en œuvre un progiciel comme un autre", constate un participant expérimenté. "En revanche, il n'y a pas la pression qui existe souvent dans un projet ERP. Si le projet glisse de quelques semaines, il n'y a pas de réel impact".
En principe, le projet MDM intervient après le projet ERP, même si ce n'est pas toujours le cas, comme dans l'exemple de la grande entreprise industrielle du CAC40 cité plus haut. Dans ce cas, les deux projets ont été menés de front. "C'est d'ailleurs ce qui nous a permis de nettoyer toutes les bases de données et d'utiliser l'outil pour la migration de l'ERP", conclut son représentant.
Benoît Herr