"Nous sommes partis d'un constat très simple : le développement de Sylob nécessite le recrutement régulier d'ingénieurs informaticiens. Or, notre situation géographique, à Cambon d'Albi, nous pénalise, car nous subissons la concurrence de Toulouse et celle d'entreprises plus importantes", explique Sylvie Castres Salvan, présidente de Sylob. Il est vrai que l'éditeur avait lancé un plan de recrutement important en 2014, sans grand résultat, ce qui le contraint à revoir ses ambitions de développement à la baisse. "Sylob a toujours accordé une place très importante à l'innovation et ne souhaite pas être freinée dans ce domaine du fait d'un manque de ressources", renchérit Jean-Marie Vigroux, président fondateur.
Difficile a priori cependant de faire la différence entre cette démarche et une délocalisation pure et simple : "délocaliser, c'est prendre les équipes en France et les délocaliser ailleurs. Notre démarche n'est pas du tout celle-là", réplique Benoît Wambergue, le gérant de la toute nouvelle Sylob Maroc, créée le 22 janvier dernier. "L'objectif est de désengorger la R&D en France, car nous avons de plus en plus de demandes sur les versions standards, auxquelles les équipes de R&D n'arrivent plus du tout à répondre. Nous avons donc besoin de recruter et n'y parvenons pas. Nos difficultés à recruter sont liées à la rareté des ressources en France et, comme déjà indiqué, à la situation géographique de notre société". Mais il avoue aussi que sa société possède une attractivité relative lorsqu'on la compare à celles présentes à Toulouse, dans l'aéronautique notamment. "À Toulouse, de nombreuses entreprises permettent de 'faire carrière', alors qu'au Maroc c'est paradoxalement l'inverse : Casablanca concentre bon nombre de sites d'entreprises ayant délocalisé, dont les géants français du service, ce qui nous confère une meilleure attractivité car il vaut mieux être important au sein de Sylob qu'un pion chez Cap Gemini." Et de préciser que de nombreux confrères ont complètement délocalisé à l'étranger, mais que rares sont ceux qui, à l'instar de Sylob, sont à la fois éditeurs et intégrateurs et qui font aussi de la R&D.
Une filiale dédiée au développement
La nouvelle société est de droit marocain et filiale à 100 % de Sylob SAS. Elle est basée à Casablanca et compte d'ores et déjà sept ingénieurs informaticiens (Bac + 5) dans ses effectifs. Benoît Wambergue est ingénieur des Arts & Métiers (tout comme Jean-Marie Vigroux), qui a préalablement occupé la fonction de chef de projet au sein de Sylob. Agé de 26 ans et entré dans la société en 2011, il déclare être animé "d'une fâcheuse tendance à vouloir voyager et avoir eu envie d'évoluer. C'est donc une extraordinaire opportunité pour moi". Et quand on lui demande s'il faut obligatoirement être Gadzart pour accéder à ce genre de poste chez Sylob, il réfute. Mais ça doit aider un peu tout de même... "Il faut surtout montrer beaucoup d'envie et de dynamisme. Aller au Maroc, c'est faire montre d'ouverture et de patience", souligne-t-il.
En tant que détaché de Sylob, tout comme sa collègue chargée de l'accompagnement technique de l'équipe marocaine, sa mission sera le recrutement et l'accompagnement des ingénieurs. Dès leur embauche, les nouveaux collaborateurs suivent une formation aux produits, aux outils de développement et aux méthodes de travail propres à l'entreprise. L'objectif est de monter en charge pour arriver à une vingtaine de personnes au début de 2016, pour accroître encore les capacités de développement. En augmentant ses ressources, l'éditeur sera à terme plus réactif vis-à-vis de ses clients.
Pourquoi le Maroc ?
On estime chez Sylob (mais pas que...) que les ingénieurs marocains, souvent formés dans des écoles françaises, sont de bon niveau. De nombreuses entreprises délocalisent en Inde ou ailleurs. "Mais au Maroc il n'y a pas la barrière de la langue, ce qui nous arrange car nous n'avons pas les ressources pour faire les formations en anglais. En outre, pour aller en Inde, le trajet est beaucoup plus long : il faut déjà commencer par 'monter' à Paris alors qu'il y a des vols directs pour Casablanca depuis Toulouse".
L'équipe marocaine existante
La langue, la facilité et la rapidité d'accès ont donc été des éléments déterminants dans le choix. "L'équipe marocaine est constituée de jeunes diplômés extrêmement motivés, qui ont envie de se donner à fond pour que ça fonctionne", ajoute Benoît Wambergue. Quant au choix de Casablanca, il découle d'une étude comparée : "au départ, nous avions envisagé de nous baser à Rabat. Mais la capitale marocaine est bien moins bien desservie que Casablanca et en outre, tous les pôles de compétence administratifs sont présents à Casablanca. Même notre expert-comptable y a une filiale, ce qui facilite encore les choses".
Mais la maîtrise d'œuvre reste à Albi
Il n'est toutefois pas question pour l'éditeur de placer tous ses œufs dans le même panier : la cellule de recherche et développement demeure à Albi. Rappelons que Sylob y consacre 25 % de ses effectifs (soit 25 personnes sur une centaine au total), pour garantir l'enrichissement fonctionnel et l'ouverture technologique de ses solutions ainsi que la pérennité. La R&D pourra ainsi intensifier ses efforts pour avancer plus rapidement sur les projets de développement et s'orienter vers des travaux à forte valeur ajoutée. Pour l'heure, Sylob Maroc est vu comme une ressource complémentaire, contribuant également aux développements, mais sous la direction de l'équipe de R&D albigeoise.
"Il ne s'agit pas de délocaliser nos équipes mais de les compléter par des ressources supplémentaires, travaillant en étroite collaboration avec les équipes albigeoises. D'ailleurs, Sylob poursuit toujours ses recrutements à Albi", précise Sylvie Castres Salvan. "La R&D comporte plusieurs fonctions (analyste, contrôleur, etc.). À Casablanca, nous recrutons des concepteurs. Mais pour être analyste, une parfaite maîtrise de la langue française est nécessaire et il faut en outre avoir une excellente connaissance du métier et des produits, que n'ont pas les marocains. En revanche, en France, certains concepteurs vont pouvoir devenir analystes, ce qui leur fournira des opportunités", ajoute Benoît Wambergue.
La création de cette filiale marocaine devrait donc booster la capacité de Sylob à créer de nouveaux produits. "Ce ne sont pas les idées qui manquent pour faire évoluer les produits et les dossiers s'entassent sur le bureau de la direction technique", constate Benoît Wambergue. "Mais il n'est pas encore question de développement de nouveaux produits au Maroc : pour l'heure, nous allons déjà travailler sur la mobilité et l'ergonomie du logiciel". De nouvelles versions de l'ensemble des solutions de l'éditeur sont néanmoins annoncées pour 2015.
Benoît Herr