Lors de sa 7e matinale du MDM, Business & Decision a abordé l'actualité de ce domaine avec ses partenaires et certains clients. Le MDM (Master Data Management) contribue à la construction d'un référentiel unique de toutes les données d'une entreprise. Il permet un partage fiable des données et garantit leur qualité, leur disponibilité et leur signification au bénéfice des métiers, qui en assurent la gouvernance.
Le SI des entreprises a généralement été construit au fil du temps à partir d'applications installées successivement. Chaque application s'exécutant dans un environnement distinct, ses données restent séparées de celles des autres applications, ce qui crée des silos. Le rôle du MDM consiste à les agréger afin de leur donner du sens, de les partager et de créer une circulation simple et fluide.
Le projet MDM, un projet global en relation avec le Big Data
À cause de son aspect global, un projet MDM doit être porté par la direction générale de l'entreprise car une mise en œuvre partielle ne supprimerait pas tous les silos, diminuant ainsi les bénéfices potentiels. Le MDM intègre avant tout les données de l'entreprise, des données qu'elle contrôle, considérées comme certaines. Il ne peut pas prendre en compte toutes les données, souvent incertaines, issues du Web, qui constituent l'essentiel du Big Data. C'est en rapprochant les données du Web avec le référentiel que les traitements s'améliorent et gagnent en pertinence. "Toute la tendance du Big Data et de l'Intelligence Artificielle repose sur un référentiel de données", affirme Patrick Bensabat, président de B&D.
Patrick Bensabat, président de Business & Decision
Mais peut-on intégrer des données incertaines dans les référentiels ? "C'est possible avec des systèmes auto-apprenants, affirme-t-il. Cela permet de rendre les règles de plus en plus pertinentes." MDM et Big Data se complètent car ils combinent données internes et externes, données structurées et non structurées, signaux forts et signaux faibles. Le référentiel des produits change de nature : il s'ouvre aux produits intelligents, aux indicateurs dynamiques, aux informations de comportement provenant du Big Data. Quelques exemples réels sont présentés dans Les applications du Machine Learning en Big Data.
C'est également le cas du référentiel des clients car la notion de client a évolué vers celle de client omnicanal, parfois caché derrière des pseudos, des terminaux, des masques. Le référentiel des clients doit évoluer en conséquence, ce qui rend les architectures complexes : aux informations issues du SI interne (CRM, ERP, données historiques, entrepôts de données) s'ajoutent des données issues des objets connectés. Cela bouscule les applications traditionnelles de données dans l'entreprise car les individus ont différentes identités numériques.
Des entreprises impliquées dans la maîtrise de leurs données
Dans les entreprises, la problématique des données devient un enjeu essentiel. Chez Lafarge, groupe de 64 000 personnes, une équipe de 350 personnes travaille dans le domaine des processus et des outils d'usage de la donnée. "C'est une démarche impliquant une vision plus large que la vision traditionnelle de l'informatique", explique Jean-Michel Derelle, Group VP Master Data Management chez Lafarge.
Lafarge a grandi par acquisitions successives et la fusion prévue avec le groupe Holcim, de taille comparable à la sienne, va encore compliquer le paysage. 80 SI différents existent dans les 3 métiers du groupe. En parallèle à un projet d'ERP commun, le groupe a lancé un programme destiné à améliorer la gestion des données transversales et globales concernant les clients, fournisseurs, articles, plans de comptes et, à terme, les employés.
Dans le groupe Rocher, face aux silos applicatifs, un besoin de mise en cohérence des données a entraîné le lancement d'un projet impliquant à la fois la technique et les métiers. Aussi bien pour la vente à distance que la vente au détail, le groupe devait trouver la meilleure formule possible d'organisation des données à partir des données de bases : adresse, téléphone, date de naissance. "Nous avons construit la fondation client, où un client unique peut avoir des identités multiples, déclare Eric Armand, responsable du pilotage SI cosmétique dans le groupe Rocher. Nous avons eu beaucoup de peine à expliquer le projet avant son lancement. La bonne surprise est arrivée avec le dédoublonnage, qui a permis d'engranger des économies sur les envois de mailings."
"La donnée ne fait pas rêver un DG. On ne peut obtenir un soutien que si on a des résultats rapides", remarque Jean-Michel Derelle. Lafarge a commencé par les informations de base telles que les clients et les fournisseurs. À cause de la mauvaise qualité des données, 13 % des factures étaient impayées car envoyées à une mauvaise adresse : leur amélioration, en particulier par la normalisation des adresses postales, a entraîné une diminution du nombre de retours. Lorsque la direction des achats a annoncé avoir fait 18 millions d'économies, la DG a commencé à s'intéresser au projet.
La transformation numérique au cœur des relations commerciales
Le commerce de 2015 n'a plus grand-chose à voir avec celui d'il y a 100 ans, fondé sur la proximité et la standardisation des produits. Aujourd'hui, pour faire sentir aux clients qu'ils sont uniques, les entreprises veulent les reconnaître et les identifier : ceux-ci leur fournissent des données personnelles, en échange desquelles les entreprises leur fournissent des services. La profusion et la précision des données obtenues en font une matière première appréciée, qui constitue la base d'un nouveau commerce.
Exemple de client utilisant des identités multiples
Mais les référentiels de clients ne sont pas fiables : plusieurs études montrent que 25 % des données ne sont pas à jour, 71 % des contacts ont été modifiés depuis moins d'un an, 65 % des services marketing n'ont pas de vision globale de leurs clients. Les entreprises désirent donc créer un référentiel de clients qui donne une vision unifiée et complète des clients et contacts, rapprochant les données issues des diverses applications de l'entreprise. Cela permet, par exemple, de repérer un client qui interagit avec l'entreprise sous différentes identités dans différents canaux, comme dans l'exemple ci-contre.
Mick Lévy, directeur business innovation chez B&D, évoque un projet qui a duré deux ans dans le secteur de l'assurance. "Le MDM s'est révélé indispensable pour prendre en compte le multicanal", explique-t-il. Le projet a mis les clients au centre de la stratégie, mettant fin à une vision centrée sur les produits et les risques. Il a instauré un mode collaboratif, impliquant tous les métiers de l'entreprise, qui contribuent à l'amélioration de la qualité des données. Les divers processus, auparavant séparés (assurance auto, crédit, autres assurances) sont maintenant intégrés dans un système collaboratif, ce qui a entraîné, par exemple, la fin de l'envoi de messages indépendants par chaque service. L'un des besoins essentiels de ce projet était la disponibilité d'un point de vérité sur chaque client, à partir duquel les différents services peuvent appliquer des visions différentes. Les autres besoins étaient l'élargissement du périmètre des données aux identités multiples et moyens de contact et l'amélioration de la qualité des données.
"On parle souvent de vision à 360 ° des clients, note Mick Lévy. Mais cette notion est souvent galvaudée car les données internes d'une entreprise ne donnent qu'une vision à 180 °. Pour atteindre les 360 °, il faut des données externes qui viennent du Big Data : captant d'autres signaux, il permet d'avoir des yeux dans le dos."
La carte d'identité numérique du client
L'exploitation de la variété et de la quantité de données disponibles fournit des informations très précises sur les clients : cookies, suivi des adresses IP, balises de sites Web, applications mobiles, objets connectés. Elles permettent de créer une carte d'identité numérique du client, qui prend en compte aussi bien les appareils utilisés que les lieux de connexion, les divers points de contact que la variété des parcours. Avec ces données, il est possible de faire de la prédiction, d'automatiser les interactions, de gérer le client en omnicanal, de personnaliser les produits et les tarifs, de détecter la fraude.
La gouvernance au service des utilisateurs
Les utilisateurs des divers métiers s'approprient les données intégrées dans un référentiel cohérent en fonction de leurs besoins. Chaque type d'utilisateur applique une gouvernance qui lui est propre. IBM propose des outils qui facilitent la gouvernance des données par les utilisateurs. En voici trois exemples. Un gestionnaire de produits, qui s'occupe de logistique et d'approvisionnement, dispose de nombreuses informations intégrées dans un référentiel mais, peu d'utilisateurs de l'entreprise y ont accès. Une petite équipe a donc décidé de constituer un catalogue destiné aux utilisateurs internes. Aux données du référentiel, elle a ajouté des informations provenant des stocks, gérés par SAP, ainsi que des données non structurées. " C'est l'imagination des métiers qui a permis, en quelques semaines, de créer des écrans utiles", constate Christophe Bertin, en charge de projets MDM chez IBM.
Autre exemple, un opérateur d'une plate-forme de relation avec les clients s'appuie sur le CRM et le site Web de l'entreprise pour bien identifier son client. Mais il peut être confronté à des données douteuses ou des doublons. Pour lever les doutes, il fait appel à des experts ou se sert d'outils. La gouvernance permet d'améliorer la qualité des données au travers des tâches quotidiennes.
Pour sa part, un décideur doit pouvoir suivre ce qui se passe dans son entreprise ou son service. Il dispose d'indicateurs de qualité des données et de complétude des métadonnées, tenant compte en particulier de celles qui ont un propriétaire identifié. Un glossaire donne la vision du métier d'une manière collaborative : la définition initiale d'un terme peut évoluer si nécessaire en recourant à des approbations. Des règles de gestion doivent être respectées : dans ce but, un indicateur donne le taux de succès de la règle.
Du téléopérateur au dirigeant d'entreprise, tout le monde a besoin de données de qualité pour travailler efficacement. Les outils du MDM fournissent aux métiers des données cohérentes et signifiantes et leur permettent d'exercer une gouvernance adaptée à leurs fonctions dans une démarche collaborative.
René Beretz