Depuis quelques mois, Axelor redouble d'efforts pour se faire connaître et promouvoir ses solutions. Spécialisé dans l'Open Source, l'éditeur tenait d'abord à finaliser son offre, autour d'un ERP et de plusieurs applications de "nouvelle génération", puis à prendre son envol avant de s'adresser au marché. "Nous ne voulions pas aller trop vite", justifie Laith Jubair, son fondateur et directeur général. "Nous tenions d'abord à valider notre changement de modèle et à sortir de la période critique de transition". Car s'il est resté fidèle à la philosophie Open Source, Axelor n'a pas toujours été un éditeur. Créée il y a dix ans, la société a d'abord grandi en tant qu'intégrateur de la solution Tiny ERP, devenue OpenERP (2008) puis Odoo (2014), avant d'amorcer en 2011 un virage vers le monde du logiciel. Avec une solution positionnée parmi les tout premiers ERP de l'offre Open Source actuelle, Axelor emploie aujourd'hui près de 30 personnes réparties entre son siège de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne) et un centre de prestations en Inde. Visant une vingtaine de clients à la fin de l'année, il anticipe une hausse de 30 % de son chiffre d'affaires pour l'exercice en cours, après avoir flirté avec la barre du million d'euros en 2015.
Un ERP Open Source offrant davantage de souplesse et de flexibilité
Il faut remonter à 2005 pour comprendre le chemin parcouru. Désireux de prendre son indépendance après plusieurs années dans le conseil, Laith Jubair perçoit l'Open Source comme une formidable opportunité. "Au-delà des seules couches techniques (système d'exploitation, langages Web, etc.), l'utilisation de ces logiciels commençait à intéresser les entreprises pour leurs applications métiers et même à percer", se souvient-il. À l'époque, en effet, de moins en moins de projets sont lancés sans que l'alternative soit étudiée : les avantages de l'Open Source, nombreux, sont de mieux en mieux appréhendés. Si ces logiciels offrent moins de garanties en termes de pérennité et nécessitent un suivi plus rigoureux, les entreprises perçoivent d'abord l'indépendance vis-à-vis de l'éditeur, grâce à l'appropriation des sources, et donc l'autonomie sur les développements et les évolutions. La facilité d'évolution et d'interconnexion avec les systèmes tiers, par l'utilisation des standards et des dernières innovations en termes d'architecture technique, est un autre atout. Enfin, même si elles doivent tenir compte des charges internes supplémentaires, les entreprises apprécient le coût limité à la dimension service, sans frais liés aux licences. Et donc, au final, la capacité des logiciels Open Source à offrir un retour sur investissement très court.
Laith Jubair, fondateur et directeur général d'Axelor
Pourquoi avoir choisi la voie de l'ERP ? "C'est la couche la plus haute du système d'information, la plus porteuse de valeur ajoutée. C'était aussi le type de solution le plus demandé, avec le moins d'offres", assure Laith Jubair, précisant qu'il s'agit de "l'application la plus complexe, car aux problématiques techniques s'ajoutent de nombreuses règles métiers". Devenu l'un des principaux intégrateurs partenaires de Tiny, l'éditeur belge de Tiny ERP, Axelor évolue très vite vers le statut de co-éditeur. "Nous avons compris que le fait de ne pas fonctionner en environnement Web freinait l'adoption de la solution", raconte le directeur général. "Avec l'aval de Tiny, nous avons initié les développements dans cette direction, pour aboutir à une version standard de l'ERP, rebaptisé entre temps OpenERP, en mode Web". Malgré cette évolution et une activité plutôt florissante, avec un chiffre d'affaires de l'ordre de 800 000 euros en 2011, Axelor prend alors une décision stratégique. "Nous nous sommes rendus compte que nous perdions la main, avec moins de liberté pour lancer des développements innovants", explique-t-il. "Puisque nous avions les ressources techniques et l'expérience de la conduite de projets, nous avons décidé de changer de modèle pour devenir éditeur à part entière. L'idée : aller plus loin dans la souplesse et la flexibilité, en proposant un ERP davantage modulaire et paramétrable".
Une capacité d'analyse et de conception, une approche souple et innovante
Seulement, même en reprenant certaines briques Open Source, Axelor doit repartir de zéro. L'appel d'offres de Sorégies (196 millions d'euros de chiffre d'affaires, 300 salariés), fournisseur et distributeur de gaz et d'électricité à quelque 270 communes du département de la Vienne, tombe à point nommé. Après quelques mois de développement autour d'un prototype d'ERP, Axelor avait déjà réussi à convaincre quelques petits clients, mais dans des contextes et sur des périmètres fonctionnels limités. "Nous avions besoin de travailler avec un grand groupe, d'abord pour financer les travaux de R&D, mais aussi pour prouver que la solution pouvait répondre à ce genre de problématique, à savoir un système complexe dans lequel les règles changent en permanence", détaille Laith Jubair. "Le contrat avec Sorégies nous permettait aussi d'orienter les développements en fonction d'un cas concret,et de tester la solution. Il nous apportait enfin une référence importante sur un projet d'envergure". En 2011, Axelor l'emporte face aux sept autres répondants à l'appel d'offres, notamment après une dernière ligne droite de soutenances et de démonstrations le mettant aux prises avec Euriware/Microsoft Dynamics.
Alors que tout ou presque était à construire, pourquoi ce choix par Sorégies ? "Au départ, j'ai eu du mal à prendre Axelor au sérieux", reconnaît aujourd'hui Stéphane Lestrade, directeur informatique de l'entreprise.
"Mais lors des ateliers de sélection, ses équipes ont su démontrer leur capacité d'analyse et de conception, avec une solution et une approche innovantes et flexibles. Ensuite", poursuit-il, "nous ne partions pas dans l'inconnu. Nous avions déjà une culture de développement, avec une solide équipe de presque trente personnes et nos propres infrastructures". Restait les incertitudes, quant à la pérennité de la solution et de l'entreprise notamment. "C'est une question que se posent beaucoup d'entreprises qui envisagent l'Open Source", reconnaît Laith Jubair. "Mais la plupart franchissent le pas. D'abord parce que le risque existe aussi avec des éditeurs classiques. Surtout parce que l'approche Open Source leur permet de posséder le code : ils ont alors toute la latitude pour faire évoluer leur ERP en fonction de leurs besoins et contraintes, notamment lorsqu'une plate-forme de développement intégrée comme celle que nous proposons est disponible". Axelor l'a également emporté face à Euriware/Microsoft pour des raisons économiques, avec un budget d'investissement deux fois inférieur, et grâce à une architecture technique plus légère.
Une plate-forme de modélisation graphique des processus métiers
Après deux années 2012 et 2013 de transition, Axelor a fini par gagner son pari. "Le contrat avec Sorégies nous a non seulement permis de signer plus facilement avec plusieurs entreprises, dans l'énergie et d'autres secteurs d'activité, mais aussi d'aboutir à une version commerciale de notre solution, Axelor Business Suite, en 2015", résume Laith Jubair. "Jusque-là, elle était exploitable mais n'offrait pas une couverture digne d'un ERP". Ciblant les PME et ETI de 30 à 1 000 personnes, elle couvre aujourd'hui les principaux besoins fonctionnels d'une entreprise, à travers une vingtaine d'applications, en matière de gestion commerciale (CRM, marketing, ventes), gestion des ressources humaines (notes de frais, employés, feuille de temps), chaîne d'approvisionnement (stocks, production, achats), gestion financière (facturation, comptabilité, budget). Axelor Business Suite inclut également différentes couches collaboratives intégrées : gestion de documents, réseau social, gestion de projet. "Avec notre solution, contrairement aux ERP classiques, l'entreprise peut choisir de commencer par l'intégration d'une seule application qu'elle complétera au fur et à mesure de ses besoins", précise le responsable. D'ailleurs, Axelor propose aussi deux applications métiers, déclinées de l'ERP, dans les domaines de la gestion de la relation clients (Axelor Customer Connect) et des ressources humaines (Axelor People One). Ainsi, donc, qu'une plate-forme RAD (Rapid Application Development) permettant de créer ou de modifier graphiquement n'importe quel processus métier, Axelor Process Studio. "Cette capacité d'adaptation et d'évolution est l'un de nos points forts face à la concurrence, principalement Odoo dans le monde Open Source, Cegid, Microsoft et Sage du côté des ERP propriétaires", insiste Laith Jubair.
Les équipes, les locaux
En ligne avec l'approche Open Source, les solutions d'Axelor sont disponibles gratuitement. L'éditeur propose néanmoins des offres forfaitaires incluant différents services de base (support technique, assistance fonctionnelle, etc.). Pour l'ERP, les tarifs s'échelonnent de 500 à 2 000 euros HT par mois en configuration on-premise, et de 600 à 2 400 euros HT par mois en configuration cloud, en fonction de la formule choisie : starter, standard, premium. Pour toucher de nouveaux clients et compléter la quinzaine de références actuelles (Vialis, JAM, département de Seine-Saint-Denis, Bull, Sorégies, Proman Groupe, ComeBack, Enercoop, etc.), toutes autour d'Axelor Business Suite, d'autres offres seraient à l'étude ou en cours de développement. "Même s'il faut du temps et des moyens pour développer une solution adaptée, le marché des TPE constitue une vraie opportunité", annonce Laith Jubair, qui imagine une déclinaison de son ERP à destination de cette cible, en mode SaaS. Pour l'heure, la priorité est à la recherche d'intégrateurs ayant l'expérience de solutions ERP, avec potentiellement des spécialités sectorielles, pour s'orienter de plus en plus vers un modèle de redistribution indirect. Après iOrga puis Altem, l'un des partenaires historiques de Cegid, un troisième accord vient d'être signé avec Inventiv IT.
Thierry Parisot