S'il est un sujet récurrent à l'heure actuelle, c'est bien la "transformation numérique des entreprises". Si les éditeurs se bousculent pour pousser les entreprises à s'engager dans ce processus, rares sont cependant les études chiffrées sur le sujet. Coleman Parkes Research Ltd est un cabinet d'études de marché crée en 2000 qui propose ses services de recherche et de conseil surtout dans le monde du B2B et dans les secteurs de l'informatique, des technologies et de la communication.
Dans le cadre de cette étude réalisée pour CA Technologies et baptisée "Keeping Score: Why Digital Transformation Matters", le cabinet a interrogé plus 1 770 dirigeants d'entreprises et responsables informatiques de grandes sociétés, en ligne ou par téléphone, dans 21 pays, représentant une dizaine de secteurs d'activité, entre mai et juin 2016. Les neuf pays de la zone EMEA (Europe, Middle East & Africa) concernés par l'enquête ont été l'Afrique du Sud, l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse, pour 695 répondants au total. Les chiffres d'affaires annuels des organisations concernées étaient supérieurs à 1 milliard de dollars (0,89 milliard d'euros), ou à 0,5 milliard de dollars (0,44 milliard d'euros) dans certains pays plus petits.
14 KPI (Key Performance Indicators, ou indicateurs clés de performance) ont été analysés, dans les quatre grands domaines que sont l'agilité, la croissance de l'activité, l'orientation client et l'excellence opérationnelle. Parmi ceux-ci, la vitesse de lancement de nouvelles applications, les nouvelles sources de revenus, la rétention et la satisfaction clients, la productivité des collaborateurs ou encore les coûts informatiques. À noter que ces KPI sont par ailleurs fréquemment utilisés par les organisations pour mesurer l'impact de leur transformation numérique sur leur agilité, leur croissance, leur capacité à répondre aux besoins de leurs clients et leur rendement.
Les initiatives en Europe et dans le monde
Il ressort de l'enquête que 82 % des répondants se sont lancés dans les technologies numériques pour redéfinir leur manière de travailler et comment ils interagissent avec leurs clients. Pour cela, les domaines les plus critiques pour le succès de la transformation numérique sont d'investir dans le recrutements des talents nécessaires pour 89 % des répondants, de concevoir une vision de la nouvelle entreprise numérique pour 87 % et de redéfinir l'interaction avec les clients au travers des technologies numériques pour 77 %.
Scores par pays
Les résultats des divers KPI ont été combinés afin d'obtenir des notes normalisées sur 100 appelées BIS (Business Impact Scorecard). Ainsi, avec 47, la région EMEA se positionne-t-elle en retrait par rapport à la moyenne mondiale (53), les Amériques et l'Asie-Pacifique arrivant respectivement à 63 et 56. Mais dans le peloton des pays européens, la France s'en sort en tête, avec un score de 52, à égalité avec l'Allemagne et l'Italie (cf. graphique). Il ne faut toutefois pas s'y tromper : la France est un peu le borgne au royaume des aveugles. Si les scores sont bien meilleurs dans les autres régions, c'est notamment parce que les entreprises tirent les bénéfices les plus importants de leurs investissements dans le numérique dans les pays émergents. Au niveau mondial, le quinté de tête est l'Inde avec 79, la Thaïlande (71), le Brésil (69), l'Indonésie (66) et la Malaisie (64).
Classement des pays
Lorsqu'on zoome sur les divers secteurs d'activité, ce sont les télécommunications, avec 59, les services financiers (57) et le secteur public (56) qui arrivent en tête, au niveau mondial. Mais dans la zone EMEA c'est étonnamment le secteur des transports et de la logistique qui arrive en tête, avec 38. Les trois secteurs suivants sont plus conformes à ce qu'on peut attendre : télécommunications, distribution et banque. Ils arrivent à égalité, avec 35.
Le numérique en France
L'étude révèle que les organisations hexagonales utilisant des technologies et des pratiques modernes pour se transformer sous divers aspects enregistrent une croissance de 38 % de leurs revenus et accélèrent leurs lancements de nouvelles applications de 44 %. En outre, 69 % d'entre elles font part d'une amélioration de leur expérience client. Parmi les technologies concernées, on relève les technologies agiles, DevOps, la gestion des API ou encore la gestion des identités, toutes choses dans lesquelles CA Technologies est bien présent.
La confiance dans les investissements numériques est également plus élevée en France que dans le reste de la région EMEA. Ainsi, 85 % des organisations locales s'estiment "assez ou largement en avance" sur leurs concurrents grâce à ces investissements, soit plus qu'en Allemagne (84 %), en Espagne (75 %) ou en Italie (73 %).
Otto Berkes, CTO de CA Technologies, qui vient de publier un nouvel ouvrage baptisé "Digitally Remastered: Building Software into Your Business DNA", remarque que "pour progresser, les organisations doivent créer une véritable usine à logiciels moderne, s'appuyant sur un processus de développement agile et efficace et répondant constamment aux besoins des clients". Ce processus bénéficie aux organisations françaises, qui améliorent leur agilité : selon l'étude, elles réduisent leurs délais de prise de décision de 28 % et leurs délais de lancement de nouvelles applications de 24 %. En outre, 38 % des entreprises enregistrent une croissance générée par de nouvelles sources de revenus, tandis que 76 % d'entre elles constatent une augmentation de la portée de leurs services numériques.
Otto Berkes, CTO de CA Technologies
L'enquête suggère également que les efforts de transformation ont un effet positif sur l'engagement client : 72 % des organisations locales constatent une amélioration de leur expérience tandis que les taux de rétention et de satisfaction augmentent de 41 % et 40 % respectivement. "Si le client a toujours été au centre des préoccupations des entreprises, ce qui change aujourd'hui, c'est qu'il devient possible de faire de la co-création", note Joe Peppard, professeur à l'ESMT (European School of Management and Technology) de Berlin.
Les rendements sont également en hausse : la productivité des employés augmente de 35 % et leur rendement de 32 %. En outre, les coûts informatiques diminuent de 39 % en moyenne (soit le deuxième taux le plus élevé en région EMEA après la Suède, à 41%). Les entreprises font également part d'une augmentation de 39 % de la qualité des applications, tandis que 71 % d'entre elles rapportent une amélioration de leurs capacités de rétention et de recrutement de personnel.
Réussir sa transformation numérique en sept points
Les entreprises, qu'elles soient françaises ou non, ont encore un long chemin à parcourir pour finaliser leur transformation numérique. Le rapport de Coleman Parkes propose sept points censés garantir la réussite du processus :
1. définir une vision et une stratégie en matière de technologies numériques ;
2. recruter des talents adaptés ;
3. savoir reconnaître les signes de réussite ;
4. faire preuve d'agilité ;
5. intégrer cette approche à la culture de leur département informatique ;
6. assurer la gestion de leurs API ;
7. adopter une approche de sécurité basée sur les identités.
Duncan Bradford, CTO de CA Technologies pour la région EMEA, cherche à nous donner un aperçu de ce que nous réserve l'avenir. Pour ce faire, il constate que les entreprises investissent dans les services cloud pour 43 % des répondants, que ce soit dans des cloud publics ou privés, dans la planification stratégique de l'informatique et dans la gestion de portefeuilles pour 41 %, dans le Big Data et la business intelligence pour 37 % et enfin dans l'IoT (Internet of Things) pour 36 %. Voilà le tableau dressé.
Benoît Herr