L'influence de l'approche 'mobile first' sur les stratégies des éditeurs, les besoins réels de leurs clients en la matière et les conséquences sur leurs systèmes d'information ont été au cœur des débats menés par notre confrère José Diz, qui pilote ce club. Pour Joël Depernet, executive vice-président recherche et développement chez Axway, "l'approche 'mobile first' ne veut pas dire 'uniquement mobile'. L'objectif plus global est de changer la manière de travailler avec les utilisateurs et de décider que, par défaut, on ne s'adresse plus à des spécialistes mais à des gens aux profils plus variés, à qui on doit fournir des fonctions simples", qu'ils comprennent instinctivement.
Jérôme Frôment-Curtil, directeur général de Unit4 France, a confirmé que "le mobile n'est pas une fin en soi. Notre but est de viser le même niveau d'utilisation sur le Web, sur mobile ou sur tablette et d'améliorer ainsi l'expérience utilisateur et l'efficacité de l'outil. L'utilisateur occasionnel doit rencontrer la même simplicité que dans les apps utilisées dans un cadre privé". Cette approche très orientée UX (ou User eXperience) est partagée par Arome Phanphengdy, directeur de projet - infrastructure management services chez Econocom : "nous sommes partis d'une page blanche et avons réuni différents utilisateurs, tant internes qu'externes, pour bien définir les expériences utilisateurs réussies. À partir de ces ateliers de co-innovation, nous avons identifié les opportunités et les risques, mais sans considérer que la mobilité était basée sur un outil en particulier".
Christian Harnisch, vice-président EMEA HCM chez Infor, a admis lui aussi que "si le 'mobile first' est aujourd'hui pour tout le monde une évidence, ça ne reste qu'un vecteur de communication parmi d'autres et s'intègre dans un monde numérique global, dans lequel la véritable valeur réside dans le contenu". Pierre Barbier, general manager d'Axway France Benelux, a également illustré cette importance du contenu : "quand on discute avec les CTO des grandes banques française, le mobile est sur le podium de leurs grandes préoccupations. C'est pour eux un enjeu de perte de clients, surtout pour les jeunes générations, qui s'en vont si le contenu du site bancaire est trop pauvre". Et cette richesse du contenu doit être offerte quel que soit le support et avec une grande fluidité : "nous sommes passés du multicanal à l'omnicanal", insiste Pierre Barbier. Le tout sans oublier de "mettre l'utilisateur au cœur du contenu pour créer de l'adoption et pérenniser l'usage" rappelle Christian Harnisch.
L'approche 'mobile first' s'appuie-t-elle forcément sur le cloud ?
Jérôme Frôment-Curtil a daté de l'été 2015 le basculement de ses clients vers le cloud : "nous sommes de moins en moins 'challengés' par nos clients, par exemple sur les problèmes de sécurité : les entreprises françaises sont en train de rattraper très vite leur retard par rapport aux autres pays européens".
Pour Pierre Barbier, le cloud est souvent l'option retenue du fait de sa rapidité de mise en œuvre : "plus les entreprises ou organisations partent de loin, plus leur basculement vers le cloud peut être rapide. Les DSI se rendent compte que s'ils s'appuient sur leurs services internes ça ne va pas aller assez vite et font le choix d'un 'outsourcing' cloud". Pierre Barbier estime ainsi que les DSI n'ont d'autre choix que de "se préparer à faire appel à une brique extérieure pour anticiper le moment où ils ne pourront plus répondre aux demandes des métiers avec un cloud privé", et éviter ainsi le développement du "Shadow IT".
La mobilité du futur : langage naturel, intelligence artificielle et l'interface utilisateur de l'ERP qui s'efface...
Unit4 s'appuie sur Microsoft Azure, qui embarque des services prédictifs et de machine learning, "pour progresser dans le domaine des robots (chat bots, outils de reconnaissance vocale) et être innovant dans le secteur de la mobilité", comme l'a expliqué Jérôme Frôment-Curtil. "Nous travaillons sur des applications qui facilitent les interactions avec les systèmes de back-end, en permettant les échanges en langage naturel. Nous introduisons également de l'automatisation, en suggérant par exemple à l'utilisateur une action en fonction de son historique : vous aviez fait ça la semaine dernière : voulez-vous le réitérer cette semaine ?".
De même, dans la prolongation de cette approche 'robot', "l'objectif de Unit4 est de s'affranchir de nos propres applications mobiles. Les utilisateurs saturent des mots de passe et de la multiplication des accès et applications". Jérôme Frôment-Curtil a cité l'exemple de l'échec d'un système de réservation de salles de cours, mis en place par une grande école et qui été totalement rejeté et inutilisé par les élèves, notamment du fait de l'obligation de télécharger une appli spécifique : "nous avons ainsi développé une intégration pour pouvoir s'affranchir de notre interface utilisateur et s'intégrer avec Skype par exemple. Les élèves peuvent aller au bout d'un processus d'inscription administrative en déroulant une conversation en langage naturel."
Sur ce thème des robots conversationnels, qui "permettent de fournir aux utilisateurs l'information adéquate, au bon moment et de répondre à leur besoin d'autonomie et de montée en compétences", Arome Phanphengdy distingue deux approches : "vous pouvez opter pour des chat bots conversationnels, qui impliquent un gros travail de scénarisation, ou investir dans l'intelligence artificielle et le machine learning pour construire des algorithmes plus complexes mais qui prennent plus de temps". Il a également évoqué une autre amélioration possible des ERP et autres solutions d'entreprises à travers "la fusion de certains outils personnels et professionnels grâce à des API et Web services", en citant l 'exemple "des services de conciergeries en entreprise", qui visent justement à améliorer l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée des collaborateurs.
Quelles conséquences sur la sécurité des solutions ?
"Assurer la sécurité depuis l'app mobile jusqu'au système back-end, notamment celle du dialogue applicatif et des échanges de données, est au cœur de notre activité", a affirmé Joël Depernet. "Nous mettons en place un 'gateway' ou passage sécurisé incluant l'encryptage, le contrôle d'identité, éventuellement un processus de paiement par l'utilisateur". Le dirigeant d'Axway a également estimé qu' "il n'y a pas de grand fossé dans les compétences techniques nécessaires à l'adoption d'une approche 'mobile first'. Cependant, la difficulté réside davantage dans une gestion de projet et une manière de travailler bouleversées". Arome Phanphengdy a confirmé qu' "il faut piloter le mobile comme toutes les ressources informatiques et mettre en place une gouvernance, par exemple dans la gestion des mises à jour".
Hervé Baconnet