Dans un monde ouvert et extrêmement concurrentiel, l'innovation reste la priorité de la plupart des grands industriels. Pourtant, l'innovation seule ne peut constituer la clé du succès et ceux qui souhaitent réussir leur transformation numérique devront 'ouvrir leurs murs' et repenser globalement leurs organisations et systèmes ERP en place. C'est pourquoi cette transformation profonde ne peut s'inscrire que dans une démarche longue et stratégique, où chacun prendra le temps de s'arrêter, d'observer, d'écouter, puis de s'ouvrir et de comprendre les nouveaux enjeux que sont l'IoT, le Big Data, la mobilité ou encore le cloud.
La 'disruption' : miroir aux alouettes ou véritable fin en soi ?
La mise en place de solutions informatiques évoluées et interconnectées, permettant aux industriels d'exploiter leurs données de façon stratégique, proactive, avec une démarche performante et orientée clients, caractérise aujourd'hui les entreprises que l'on qualifie de 'numériques'. Mais de nombreux analystes laissent à penser qu'il ne s'agit là que de la pointe émergée de l'iceberg et que ces premiers signes de disruption, souvent réalisés dans le cloud, ne sont que les prémisses d'une transformation plus longue et à grande échelle.
Les entreprises commencent tout juste à entrevoir le potentiel des technologies numériques et à s'engager sur la voie de la transformation. Dans un article publié récemment, Deloitte affirmait : "Dans le monde hautement connecté d'aujourd'hui, la stratégie numérique et la stratégie commerciale ne font plus qu'une. La clef réside dans le développement de nouvelles capacités numériques et de leur intégration successive au sein de toute l'organisation". Parallèlement, Accenture faisait référence à une autre étude, dont le rapport indique que "81 % des personnes interrogées s'accordent sur le fait qu'à l'avenir, les frontières de l'industrie vont fondre de manière spectaculaire à mesure que les plates-formes transforment les industries en écosystèmes interconnectés. Des gains en matière d'efficacité énormes seront ainsi constatés au fur et à mesure que les entreprises continueront de maîtriser les technologies numériques en interne".
Au regard de ces visions et définitions de la transformation numérique, la donnée semble donc constituer l'élément central et fondamental du changement de paradigme qui se profile et qui devrait porter les industriels à se doter de processus de fabrication modernes, pour évoluer vers de véritables usines du futur.
Industrie manufacturière : 5 étapes indispensables au processus de transformation numérique
Opérer sa transformation numérique d'ici 2020 exige donc de mettre en place des étapes de planification avancées. Il ne s'agit pas d'une tâche simple et il n'existe pas non plus de produit 'standard', tout droit sorti de la boîte, qui sera en mesure de transformer subitement un industriel en entreprise numérique performante. Il s'agit d'un processus long, qui implique souvent plusieurs étapes clés, ainsi que l'accompagnement d'une expertise externe, des investissements et un engagement de toute l'organisation à son plus haut niveau de management. Sans le soutien, budgétaire notamment, et la collaboration absolue de l'équipe dirigeante, tout plan de ce type est voué à l'échec. À partir de cette promesse d'engagement, il existe alors une série d'étapes communes à respecter, permettant d'atteindre le statut d'entreprise numérique :
1. Mettre en place une stratégie opérationnelle et prioriser les objectifs
Toute entreprise confrontée au changement DOIT connaître ses objectifs et les raisons pour lesquelles elle se les est fixés.
- Définir ses objectifs avec précision, afin de mesurer les progrès à réaliser pour y parvenir ;
- Se fixer des objectifs réalistes. Ne pas surestimer les bénéfices, ni ignorer les défis associés ;
- Placer la satisfaction du client au centre de cette stratégie ;
- Prévoir de définir les marqueurs de la réussite ainsi que les règles qui permettront de les mesurer en continu ;
- Prioriser et choisir des objectifs qui permettront à l'entreprise de rencontrer rapidement des signes de succès rapides ; mettre en place le support nécessaire à l'accompagnement et au suivi de cette réussite.
2. Constituer des équipes, exploiter au mieux les expertises
Au regard de ces objectifs, il s'agira dans un second temps de pouvoir définir des rôles et de les associer à des fonctions bien précises. Dans tous les cas, un projet de transformation numérique doit impérativement requérir un engagement total, prioritaire et permanent de la part de l'ensemble des équipes.
- Mettre en place une équipe multidisciplinaire avec des représentants de tous les services concernés ;
- Désigner un leader référent et lui octroyer les capacités de prise de décision ;
- Investir dans du 'teambuilding' et inciter le personnel à mener des recherches en interne et à devenir de véritables experts sur des sujets ou des tâches spécifiques, comme l'analyse de données, les outils de configuration ou les systèmes de contrôle de la qualité ;
- Scinder les rôles en segments gérables, en veillant à ne pas surcharger un membre de l'équipe ou un département ;
- Faire adhérer et impliquer aussi bien les sceptiques que les enthousiastes : une perspective différente peut apporter une vision panoramique et équilibrée du projet ;
- Consulter les experts du marché, les consultants et autres fournisseurs de solutions pour bénéficier du support de domaines connexes et hautement spécialisés. Gagner du temps et ne pas chercher pas à réinventer pas la roue.
3. Optimiser et capitaliser sur toutes les opportunités du marché
La réussite de la transformation numérique des entreprises industrielles passe par le développement d'une compréhension approfondie de leur marché cible, y compris du profil des acheteurs, des décideurs et des processus de décision associés.
- Explorer de nouveaux marchés, régions, données démographiques et de nouvelles niches verticales ;
- Au-delà des objectifs de croissance, penser à conclure et à contracter et, pourquoi pas, à se spécialiser sur un secteur vertical ou sur une niche de marché pour pouvoir concentrer ses ressources ;
- Privilégier les initiatives qui visent à renforcer ses positions, tout en se donnant la capacité de pouvoir s'ouvrir à de nouvelles opportunités. Adopter une attitude opportuniste, sans s'éloigner de sa ligne stratégique et en tentant de conserver une compréhension réaliste des attendus ;
- Saisir les occasions pour faire valoir ses atouts et points différenciants ; apporter toujours plus de valeur.
4. Implémenter progressivement, tout en contrôlant les risques
Une approche de déploiement progressive, par étapes successives, permet bien souvent de contrôler les écarts et d'adapter les correctifs nécessaires.
- Commencer par les déploiements les plus simples, puis construire à partir de ces derniers ;
- Maîtriser les bases avant de passer à des stratégies plus évoluées. Par exemple, lors du déploiement d'un processus d'automatisation de la réaction aux capteurs, une entreprise doit d'abord s'assurer d'être en mesure de collecter et de contextualiser les données, avant de commencer à automatiser la réponse à apporter à ces données ;
- Débuter avec des technologies susceptibles d'être partagées par les applications en place. Par exemple, la Business Intelligence est aujourd'hui utilisée dans pratiquement toutes les applications d'entreprise ;
- Se doter d'outils d'analyse et de reporting solides, véritable pré-requis dans un contexte de développement soutenu d'applications de gestion des données ;
- Surveiller les problématiques liées à l'intégrité, à la qualité et à la sécurité de ces données.
5. Évaluer et affiner
Comme pour tout, la perfection est rarement atteinte du premier coup et l'amélioration continue reste un critère sensible et critique dans le domaine industriel.
- Évaluer les progrès réalisés à des étapes prédéfinies, en apportant les correctifs nécessaires ;
- Informer régulièrement l'ensemble de l'organisation de ces progrès. Faire participer : se réjouir des réalisations et accepter les suggestions d'améliorations ;
- Ne pas se fixer d'objectifs trop modestes : au fur et à mesure que l'expertise s'améliore, les attentes se démultiplient elles aussi ;
- Mesurer les nouveaux revenus ou gains au regard de l'investissement initial et calculer le retour sur investissement. Le ROI peut être lié à différents critères, comme le taux de fidélité de la clientèle ou encore la reconnaissance du leadership de l'entreprise ou de son expertise dans un domaine précis.
Ces cinq étapes ne sont toutefois que des repères sur le chemin de la transformation numérique. Toute industrie, quel que soit le secteur concerné, devra sans nul doute intégrer ses propres variables et mesures, comme par exemple les mandats de l'industrie, les tests et autres problématiques de conformité à gérer. Et chaque entreprise devra trouver sa propre dynamique, de la planification à l'évaluation, en passant par la recherche et l'adoption, afin de donner tout son sens à la démarche de transformation qu'elle souhaite engager, en relation avec l'organisation et ses actionnaires. Mais pour avoir une chance d'y parvenir, elle devra avant tout s'ouvrir et regarder bien au-delà de ses systèmes ERP en place.
Laurent Jacquemain, VP sales ERP Europe du Sud, Infor