Spéciale 20 ans
Coup d'œil dans le rétroviseur avec la "conférence des présidents". "Ils ont fait les ERP en France et à l'international. Retour sur 20 années de créativité", disait l'intitulé. Autour de la table Guillaume Mulliez, président de Dimo software, Thierry Meynle, président du directoire de Divalto, Christophe Letellier, aujourd'hui conseil en stratégie dans l'industrie du logiciel, qui a notamment été en charge de Sage X3 au niveau mondial pendant 8 ans et auparavant, avant le rachat par Oracle, de Peoplesoft. Jean-Marie Vigroux, président fondateur de Sylob, Philippe Plantive, président du conseil d'administration de Proginov et Jean-Francois Perret, directeur associé de CXP Group, complétaient le panel.
Il ressort des diverses interventions que l'ERP, que chacun a façonné à sa manière au cours des deux dernières décennies, est là et bien là. Pour faire cela, il s'adapte. Il s'est d'ailleurs adapté tout au long de son existence, aux évolutions technologiques comme le client/serveur comme aux besoins des entreprises, partant du MRP pour arriver aujourd'hui à intégrer l'analytique, le CRM et même l'IoT. Son élément central est le référentiel de données, qui permet aux différents départements de l'entreprise de parler le même langage. Aujourd'hui, l'ERP continue à s'adapter et prend en compte les nouvelles technologies comme l'IoT, donc, mais aussi des technologies émergentes comme l'Intelligence Artificielle (IA).
D'IA, il en a beaucoup été question dans cette autre conférence "spéciale 20 ans", celle dite "des visionnaires", à qui l'on demandait de dépeindre leur vision de l'ERP de dans 20 ans. Autour de la table, Estelle Delessard, chef de produit ERP chez Microsoft, Vincent Laurain, directeur de la stratégie produits de Divalto, Ahmed Mahcer, directeur général de TVH Consulting, Nicolas De Taeye, directeur exécutif de CES – Netsuite, Isabelle Saint-Martin, chef de marché ERP chez Sage, et Damien Alexandre, directeur de programmes innovation chez SAP.
Pour décrire ce que devrait être l'ERP d'aujourd'hui et ce qu'il sera dans un avenir relativement proche, tous s'accordent sur le besoin d'agilité. Nicolas De Taeye a même créé un néologisme personnel pour cela : IAPS, pour Intelligent Automation Processing System. À croire que le terme "ERP" est devenu désuet ou has been, puisqu'Estelle Delessard a précisé que "demain on ne parlera plus d'ERP chez Microsoft. Nous sommes en train de bannir le terme". Au-delà des questions de terminologie, " l'ERP est a minima agile, dans le cloud et facile à utiliser. Il est étendu et couvre tous les besoins de l'utilisateur", résume Damien Alexandre.
Pour Isabelle Saint-Martin, "les références traditionnelles ont changé". "L'ERP moderne est celui qui est capable d'accompagner la transformation numérique de l'entreprise pour les 10 ans à venir. Il est disponible dans le cloud, plus social et collaboratif, mobile, plaisant et agréable à utiliser", complète Vincent Laurain. Pragmatique, Ahmed Mahcer livre la vision de l'intégrateur : "il faut que l'ERP d'aujourd'hui apporte plus d'outils d'analyse et de pilotage de l'entreprise".
La "table ronde des visionnaires. De G à D : Vincent Laurain,Ahmed Mahcer, Isabelle Saint-Martin, Estelle Delessard, Nicolas De Taeye et Damien Alexandre.
De nombreux aspects ont ensuite été passés en revue, comme l'ergonomie de l'interface, qui est " un vrai outil de productivité", pour Nicolas De Taeye, ou les silos de données qui sont aujourd'hui à l'extérieur de l'ERP. Si pour tous la donnée est de toute évidence clé, Ahmed Mahcer rappelle que "le référentiel doit être unique".
Et de partir sur les évolutions majeures qu'apportera l'IA, force exemples à l'appui, dont celui, pour anecdotique qu'il soit, n'en demeure pas moins intéressant, de la "vache connectée" : une puce électronique présente dans toutes les vaches récupère les données d'alimentation, météorologiques etc. pour déterminer via l'ERP le moment le plus propice à une insémination. "Cela fait gagner beaucoup d'argent à la société d'élevage, mais aussi au vétérinaire", note Estelle Delessard. Pragmatique une fois encore, Ahmed Mahcer constate que "pour innover, il faut des moyens, ce dont tout le monde ne dispose pas. Il y aura donc une cassure entre anciens et nouveaux modèles, liée principalement aux investissements" et Isabelle Saint-Martin insiste sur les questions d'éthique que pose l'IA : "le robot ne doit pas s'abstraire de l'intérêt de ce qu'il fait pour l'humain".
Après avoir tour à tour évoqué l'évolutivité de la solution au sein de l'entreprise, celle des populations d'utilisateurs, la gestion des spécifiques, l'ouverture des ERP, on en est arrivé à cette fameuse vision de l'ERP à 10 ou 15 ans (pour ne pas dire 20). Et là, il semble qu'une projection à si long terme ne soit pas aussi simple que cela : "nous vivons une révolution technologique tous les dix ans. Alors comment voulez-vous savoir ce qui se passera dans deux révolutions technologiques?", avait lancé Christophe Letellier lors de la "table ronde des présidents", une assertion qui se vérifie.
Capacité à changer l'entreprise à être plus agile, à s'adapter à un changement de business model, à gérer de nouveaux services, à automatiser, à être hyper-connecté... sont quelques uns des éléments fournis par les intervenants. Des éléments qui ressemblent fort à ce que l'on cherche déjà à faire aujourd'hui...
Cérémonie de remise des labels Scorefact
Scorefact est un organisme de certification qui édite un standard d'évaluation qualitatif neutre et précis. Les prestataires font l'objet d'un audit statistique de leur base client, dont le résultat se matérialise par un label. Scorefact revendique avoir audité quelque 4 500 utilisateurs au cours de sa première année d'existence (la société a été lancée à l'occasion des salons Solutions 2016). Raphaël d'Halluin, son fondateur, précise que "le taux de réussite des postulants est de 60 %" et que "dans le domaine de l'ERP, nous avons enregistré six échecs". Il n'indique évidemment pas lesquels...
Raphaël d'Halluin, fondateur de Scorefact
Le label valorise des éditeurs et des intégrateurs de, notamment dans les domaines de l'ERP, du CRM, de la BI, des RH, de la dématérialisation et de l'infrastructure, dont les résultats qualitatifs ont été scrupuleusement contrôlés. Ceux-ci ont accepté de faire auditer leurs compétences, selon un standard d'évaluation strict et exigeant. Le label Scorefact atteste, après analyse statistique de la base-client, de leur capacité à réussir leurs projets, sur un produit donné, et à satisfaire leurs clients.
L'édition 2017 de cette cérémonie a récompensé des acteurs dans cinq catégories : ERP upper mid-market, mobilité, ERP mid-market, BI et solutions verticales. Dans la catégorie ERP upper mid-market, deux intégrateurs ont obtenu le label, tous deux intervenant sur Dynamics AX : Adultima et Syd Conseil. Sur la mobilité, c'est Daxium Mobile Software qui a décroché le label. Dans la catégorie ERP mid-market, il a été décerné à Cosmo Consult (sur Dynamics NAV), Variopositif (sur Divalto Infinity) et Waza Solutions (sur Sage 100). Dans le domaine de la BI, c'est Project BI, qui intervient autour de Report One, qui a été labellisé. Enfin, sur les solutions verticales, c'est Press'Innov qui l'a obtenu pour sa gestion de contenu.
Mais aussi
Le paiement de licences supplémentaires pour les accès indirects, à un ERP notamment, a fait couler beaucoup d'encre ces derniers temps, en particulier après l'affaire Diageo au Royaume-Uni, dans laquelle SAP a réclamé 64 millions d'euros pour des accès indirects via un CRM Salesforce. Et la justice a donné raison à l'éditeur, ce qui en effraie certains, qui se disent prêts à changer d'éditeur, tandis que d'autres souhaitent des éclaircissements et une clarification. C'est le cas de l'USF (association des Utilisateurs Francophones de SAP), dont le vice-président stratégie, Patrick Geai, participait à une table ronde sur le sujet aux côtés de maître Alexandre Diehl, du cabinet Lawint, avocat à la Cour.
La vision de l'USF est que les solutions cloud et l'IoT doivent pousser SAP à revoir son modèle de licences. "Les retombées médiatiques sur les accès indirects peuvent faire peur aux clients SAP", confirme Patrick Geai. "Deux utilisateurs sur trois sont prêts à changer d'éditeur" déclarait de son côté Alexandre Diehl, un mécontentement que confirme Patrick Geai. "certaines méthodes commerciales sont 'violentes', une notion qui émane de la Cour d'Appel de Paris. Ces méthodes sont cependant parfaitement légales. Il convient donc de bien négocier impérativement avant la signature du contrat".
Les licences indirectes ont continué à irriter les utilisateurs et notamment l'USF lors de sa convention annuelle de la semaine dernière. Nous reviendrons plus longuement sur le sujet et sur les audits de licences dans un article à venir.
Autres questions posées lors des salons Solutions : les clubs utilisateurs ERP sont-ils réellement indépendants de l'éditeur et indispensables aux clients ? Pour y répondre, Gwenhaël Hébert, et Benoît Billot, respectivement présidente et vice président du club utilisateurs Qualiac, et Denis Dubin, président du club utilisateurs MI Club Cegid et Pascal Jouin, chef de produit Yourcegid Manufacturing PMI chez Cegid, et incidemment à l'origine de l'ERP.
En réponse à la première question, tous se défendent d'une quelconque dépendance à l'éditeur et mettent en avant leur indépendance notamment financière. Pour Gwenhaël Hébert, "c'est important, même si on a une relation de partenariat avec l'éditeur". ce que confirme Denis Dubin : "l'éditeur est un partenaire et nous échangeons beaucoup avec lui, mais nous sommes exclusivement financés par les adhésions". Pascal Jouin apporte la vision de l'éditeur : "un club nous apporte une troisième vision, en plus de celle de l'offre et celle de l'avant-vente. C'est celle de 'la vraie vie'. C'est un gage de consensus sur les nouveautés et une vraie source. Nous avons plusieurs personnes qui travaillent dans les commissions".
Sur l'utilité d'un club utilisateurs, ils s'accordent également pour dire, comme Gwenhaël Hébert, que "cela permet de se retrouver et d'échanger sur les bonnes pratiques. Nous mettons aussi en place des trucs et astuces avec des fiches pratiques pour le paramétrage de certaines fonctions, démos à l'appui, comme par exemple pour la gestion des stocks et la lecture des codes barres des médicaments". "Cela permet aussi de sortir un peu du cadre quotidien et de découvrir des visions différentes", ajoute Benoît Billot. "Les adhérents sont très contents d'échanger, car ils découvrent souvent des choses auxquelles ils n'auraient pas pensé", précise de son côté Denis Dubin.
Quant à l'utilité commerciale des clubs utilisateurs, "il n'entre pas dans notre rôle de négocier entre un client et l'éditeur. Par contre, si nous voyons qu'il y a un souci, nous mettons les gens en relation", explique Benoît Billot. "Mais nous avons négocié des tarifs avec Cegid, dont les adhérents peuvent bénéficier", précise Denis Dubin.
Dans un article à venir, nous reviendrons sur le détail sur l'arbitrage entre enjeux fonctionnels et contraintes techniques et notamment sur le rôle du cloud dans ce processus, un sujet qui a fait l'objet d'une autre table ronde lors du salon Solutions ERP.
Benoît Herr