Le 6 juin 2019 a eu lieu la 4ème édition de l'événement Comarch Lille Retail Experience, co-organisé avec Iris Informatique, au Domaine de Luchin, centre d'entraînement du LOSC, arrivé 2ème du dernier championnat de Ligue 1 et dont Comarch est sponsor maillot.
Avènement du "retail de l'expérience"
Michel Koch, directeur général de l'Institut du Commerce Connecté, a présenté les grandes tendances du secteur, tant en France qu'à l'international, et a estimé que "les acteurs du retail doivent prendre en compte un changement important des comportements" avec l'arrivée de jeunes consommateurs d'un nouveau genre. Selon lui, "les millenials marquent leur préférence pour l'expérience plutôt que pour les produits. Les marques doivent se poser la question : en quoi l'expérience que j'offre est différente de celle d'Amazon, accessible facilement depuis le canapé ?", sous peine de voir les clients déserter tant ses boutiques que ses interfaces e-commerce.
Cette "approche expérientielle", adoptée par de grandes enseignes comme Starbucks, Nike ou Lego, révolutionne l'intérieur des magasins, où les rayons disparaissent peu à peu pour offrir aux clients des moments de "loisirs" qu'ils capteront et diffuseront ensuite sur les réseaux sociaux, ces posts gratuits constituant autant d'économies réalisées sur le budget publicitaire.
Michel Koch, directeur général de l'Institut du Commerce Connecté
La deuxième exigence des nouveaux consommateurs est selon Michel Koch "la transparence. La nouvelle génération achète moins mais mieux et accorde beaucoup d'importance à la notion de confiance, aux engagements sociétaux ou écologiques". Attention donc au retour de bâton pour les marques adeptes du "greenwashing. Les Digital Native Vertical Brands (DNVB), nées directement sur Internet et souvent engagées sur des sujets qui dépassent leur secteur d'activité, rassemblent des communautés de fans qui vont échanger autour des produits, souvent au travers d'Instagram". Ces nouveaux comportements doivent faire l'objet de nouveaux "KPI qui prennent en compte cette amplification sociale autour des marques sur les réseaux sociaux".
De l'omnicanal au no canal
Pour Michel Koch, "la nouvelle économie est une économie de l'attention. Nous avons en moyenne 210 interactions quotidiennes avec notre téléphone. Dans cette ère du zapping et de la sollicitation permanente, il est primordial de capter ces micro-instants d'attention". Cette obligation est renforcée par "le passage du mobile first au mobile only, celui-ci ayant supplanté l'ordinateur".
Olivier Sauvage, co-fondateur de Webexperience, agence spécialisée dans l'UX des sites e-commerce, a lui aussi souligné cette tendance forte : "aux États-Unis, plus de 50 % du chiffre d'affaires e-commerce est aujourd'hui réalisé sur mobile. Et d'autres canaux se développent, comme la prise de commande vocale par l'intermédiaire des assistants. Le client va devenir omnipotent et pourra interagir à tout moment avec la marque, par exemple par des prises de commande en interagissant vocalement avec l'ordinateur de bord de sa voiture".
La multiplicité et la complexité grandissantes des parcours client, qui se croisent sur les différents supports technologiques ou dans les magasins (le Click & Collect est en croissance annuelle de 35 %), font qu'on ne peut plus parler "d'omnicanal mais de no canal", a souligné Michel Koch. "Le Graal pour le retailer est alors de trouver la bonne formule pour répartir ses investissements marketing selon ces multiples canaux en interaction".
Du côté de l'IT, "il n'y a pas de sujets différents associés aux différents canaux mais une problématique unique". Eric Leyval, directeur de mission retail chez Comarch, a confirmé que "le commerce unifié est bien sûr au cœur des différentes solutions de Comarch : Order Management System, Loyalty management, Ventes Omnicanal, Offer Mmanagement. Nous aimons dire chez Comarch que le client, ambassadeur des marques, est le canal de vente".
Les lieux de vente physiques peuvent être qualifiés "d'environnements 'phygitaux', c'est à dire à la fois physiques et digitaux", selon Michel Koch. Pour Ramona Tudosescu, head of digital & innovation au sein des Galeries Lafayette, "il n'y a pas changement de comportement de consommation : c'est toujours la relation humaine qui prime. Cependant, les clients veulent à la fois plus de liberté et d'autonomie au sein des espaces de vente, tout en demandant davantage de disponibilité des vendeurs et de personnalisation de l'expérience".
Les intervenants du Comarch Lille Retail Experience
L'innovation numérique, par exemple en équipant les vendeurs de tablettes, doit donc servir à répondre à ces demandes quelque peu contradictoires et à améliorer l'échange avec le client "mais de manière sous-jacente, discrète. Nous ne voulons pas de virtualisation des magasins. Les clients ne veulent pas avoir accès aux nouvelles technologies mais au progrès qu'elles permettent". C'est pourquoi la R&D des Galeries Lafayette a développé et breveté un cintre intelligent "qui vise à répondre à la question que posent la plupart des clients en magasin : ‘quelles sont les tailles disponibles ?' À l'aide du cintre connecté, les clients peuvent sélectionner leur taille et retrouver la pièce demandée en cabine d'essayage dix minutes plus tard". Cette innovation offre également des informations merchandising précieuses sur les tailles les plus demandées.
Julien Deligne, CMO de Saint-Maclou, a de son côté expliqué que "l'achat de moquette n'est jamais impulsif. Chaque visite en magasin est préparée en amont sur le site Internet par les clients, qui arrivent très qualifiés sur le lieu de vente physique. Le vendeur peut alors, avec le client, étudier en profondeur ses goûts sur un support tactile et jouer pleinement son rôle de conseil".
L'ère zéro du Big Data
Olivier Sauvage a insisté sur la difficulté d'interprétation de la montagne de données aujourd'hui collectées par les retailers. "Une fois les nouveaux KPI mis en place, il faut pouvoir faire appel à des data scientists", population rare et courtisée, "qui doivent avoir en plus une bonne vision marketing et métier. Aujourd'hui, les données sont finalement encore très peu analysées en profondeur".
Julien Deligne a partagé cet avis : "nous avons déjà beaucoup trop de données et nous sommes tentés d'encore en rajouter, poussés par nos prestataires". Ramona Tudosescu a elle-aussi confirmé que "le Big Data est le sujet le plus délicat que nous devons traiter. Nous recueillons énormément de données sur nos clients par l'intermédiaire de notre site, des objets connectés et de nos vendeurs. Mais le défi n'est pas de savoir quel produit est acheté et par qui, mais de comprendre pourquoi la personne l'a acheté".
"Nous sommes à l'ère zéro de cette connaissance", a estimé Olivier Sauvage. "Le souci n'est pas la technologie, car elle est déjà extrêmement puissante, mais son potentiel est encore quasiment inutilisé".
Hervé Baconnet