Selon le cabinet Markess, le marché français des applications en ligne à la demande croît régulièrement : de 960 M€ en 2006 il est passé à 1230 M€ en 2007 et devrait atteindre 1480 M€ en 2008. Markess note que la demande émane surtout des PME et TPE et concerne des fonctions bien spécifiques.
À l'occasion des derniers États Généraux de l'ASP, en janvier dernier, le cabinet Saugatuck avait exposé sa vision du développement du modèle SaaS et les 3 vagues successives de ce développement (dates s'appliquant au marché américain) :
De 2001 à 2006 la vague des pionniers, utilisateurs d'applications autonomes et peu configurables ;
De 2005 à 2010 : l'adoption du modèle par l'ensemble des acteurs du marché, qui fourniront des solutions métiers intégrées ;
De 2008 à 2014 : adoption généralisée du modèle et transformation de l'entreprise en conséquence.
Le fait est que l'on peut se reconnaître dans ce développement (avec un décalage pour le marché français) et qu'aujourd'hui les offres SaaS émanant des plus confidentiels comme des plus importants éditeurs traditionnels d'ERP foisonnent. L'offre SaaS est devenue un must, même si parfois l'éditeur sait pertinemment qu'elle n'a que peu de chances d'être adoptée par ses clients. Il est significatif que SAP n'ait pas réussi à faire décoller son offre SaaS Business ByDesign, faute d'être sorti de son modèle traditionnel. Résultat : l'adoption de Business ByDesign par les clients est beaucoup lente que prévu.
Un pavé dans la marre
Un récent rapport du Gartner intitulé "SaaS Impact on ERP" signé Denise Ganly estime que les fournisseurs de solutions SaaS ne sont pas à l'heure actuelle en mesure de répondre de manière fiable aux besoins des entreprises en matière d'ERP, notamment dans les grands comptes. "Du fait de la complexité des suites ERP, les offres SaaS dans le domaine des fonctions administratives et opérationnelles se cantonnent typiquement à un seul domaine, comme l'automatisation de la force de vente, ou à un seul processus métier, comme la paie. C'est pourquoi l'offre ERP en mode SaaS demeure immature", écrit Denise Ganly. Nous faisions déjà ce constat début septembre 2007, dans un article intitulé "L'adoption des ERP en mode SaaS reste en retrait, selon une étude Markess International" en écrivant notamment "[...] même si de nombreux éditeurs proposent leurs solutions en mode SaaS [...], il a du mal à se faire adopter concrètement par les entreprises. 'La mise en place d'un ERP nécessite des investissements lourds et une remise en cause en profondeur des pratiques de l'entreprise, toutes choses en contradiction avec le mode d'adoption actuel des solutions SaaS, qui se fait fonction par fonction' déclare Sylvie Chauvin. Les entreprises adoptent donc l'ERP partiellement, fonction par fonction, en mode SaaS." Ce rapport du Gartner confirme donc la tendance qui s'annonçait.
Mais à la date de cet article, nous ne connaissions encore Business ByDesign de SAP que sous son nom de code, A1S, et placions beaucoup d'espoirs dans ce produit qui a ? rappelons-le ? bénéficié de 500 millions de dollars d'investissement de la part de l'éditeur allemand. Depuis, nous savons que Business ByDesign n'a pas joué le rôle moteur que l'on espérait, que les objectifs de l'éditeur en la matière nécessiteront plus de temps et que les investissements ont subi des coupes sombres, de l'ordre de 150 millions de dollars. En mai dernier, Leo Apotheker, co-CEO de SAP AG, expliquait que des investissements supplémentaires, nécessaires pour accélérer le développement de Business ByDesign, avaient initialement été prévus et que la réduction des budgets ne concernait que la partie accélération, pas les investissements normaux. En d'autres termes, SAP croit affiche toujours sa foi dans le modèle SaaS, mais estime qu'il lui faudra plus de temps qu'initialement prévu pour se développer.
Harry Debes, CEO de Lawson L'homme qui n'y croit pas...
Le son de cloche est très différent chez Lawson Software, où Harry Debes, CEO de l'éditeur, affirme dans un article paru le 27 août 2008 sur ZDNet Asia et intitulé "SaaS industry 'will collapse' in two years" ("Le marché du SaaS va s'effondrer dans les deux ans") qu'il ne croyait absolument pas dans le modèle SaaS : "C'est maintenant la troisième fois que je vis ce phénomène du on-demand au cours de ma carrière. La première fois, on appelait cela 'service bureaux' (sic). La seconde fois c'était 'ASP' (Application Service Provider) et maintenant on l'appelle 'SaaS'. Mais l'un dans l'autre c'est plus ou moins la même chose à chaque fois et je prédis que le SaaS suivra le même chemin que ses deux prédécesseurs : il n'ira nulle part".
Sans aller jusqu'à avoir un avis aussi tranché, Denise Ganly affirme tout de même que "Les suites ERP en mode SaaS ne constitueront pas une alternative viable pour les grandes entreprises au cours des cinq années à venir. Sauf à les utiliser dans des déploiements ERP à deux niveaux, les grands comptes seraient bien inspirés d'ignorer cette possibilité".
Et les PME/PMI ?
Rappelons tout de même que l'offre SaaS, s'adresse avant tout à des PME/PMI, même si dans le cas de celle de SAP Business ByDesign il s'agit de déjà grosses PME/PMI et même si les grands comptes s'y intéressent également. Selon Gartner Dataquest, malgré le succès relatif des ERP en mode SaaS sur le segment des PME/PMI, le SaaS ne devrait pas représenter plus de 16,7 % du marché total de l'ERP à l'horizon 2011.
À l'inverse, un acteur français fait figure de précurseur et prend beaucoup de distance avec Harry Debes : il s'agit de Proginov, qui met son ERP complet à disposition des utilisateurs en mode SaaS, prenant de fait en charge également tous les aspects hébergement. Un tiers des clients de l'éditeur a déjà adopté ce mode de fonctionnement. Encourageant pour le SaaS.
Malgré cela, il faut bien constater que l'adoption des ERP en mode SaaS marque le pas. Les raisons à cela sont à rechercher du côté de la complexité des applications elles-mêmes, bien sûr, comparativement à des pans d'applications métier, comme l'indique Denise Ganly. Mais on observe des freins plus traditionnels, comme la nécessité de redéfinir les procédures de l'entreprise ou les aspects liés à la sécurité, pas toujours très clairs pour le décideur. Du côté des éléments plus moteurs et positifs, notons les gains potentiels en ressources informatiques liés au modèle SaaS, qui permettent à l'équipe de se faire autre chose que de se consacrer à la maintenance de l'ERP, le côté facilité d'implémentation ou encore la maîtrise (théorique au moins) des coûts. Ceux-ci finiront-ils par l'emporter, même s'il faut plus de temps que prévu ? Pour l'heure, l'avenir demeure incertain.
Benoît Herr