Il y a certaines choses qui coulent de source, qui sont évidentes, de notoriété publique, vont de soi... mais qui pourtant vont encore mieux lorsqu'on les exprime clairement et explicitement. L'entreprise 2.0 est à n'en pas douter de celles-là.
L'intervention de notre confrère d'outre-Rhin, Jörg Dennis Krüger, Directeur de la Rédaction de jdk.de, un portail allemand dédié à la gestion de contenu d'entreprise, a l'immense mérite de faire un point extrêmement précis et clair sur ce qu'on entend par entreprise 2.0, sur son utilité pour l'entreprise et sur les travers dans lesquels il vaut mieux ne pas tomber. Ecoutons-le.
L'Entreprise 2.0 : un état d'esprit avant tout
"Aujourd'hui, tout est 2.0, depuis le iPhone jusqu'à l'entreprise en passant par le WiFi dans les hôtels ! Mais au delà du 'buzzword', ce terme recouvre des choses très intéressantes. On peut y distinguer deux grands aspects : d'un côté la stratégie et l'utilisation, de l'autre la technologie", explique Jörg Dennis Krüger en introduction.
"Globalement, l'entreprise 'traditionnelle' se focalise sur la technologie et l'information, tandis que l'entreprise 2.0 se concentre sur les utilisateurs ; exit le client et vive le collaborateur, qui interagit avec l'entreprise.
Au delà de l'aspect social, il y a aussi l'aspect technologique : intégration, technologies ouvertes, facilité d'utilisation et applications exécutées dans des navigateurs 'riches' sont les principaux éléments technologiques caractérisant le 2.0. Il s'agit cependant plus d'un concept et d'un état d'esprit que d'une technologie et de techniques. Si l'on se contente de mettre en place des blogs, des wikis et autres techniques typiquement 2.0, cela ne suffit pas pour mettre en ?uvre l'entreprise 2.0. Vous n'en tirerez probablement aucun bénéfice. Les technologies sont nécessaires mais pas suffisantes : il faut l'état d'esprit."
À ceci, Nikos Drakos, directeur de recherche au Gartner, ajoute : "Au centre de l'idée de 2.0, on trouve l'utilisation de technologies permettant aux gens de se rapprocher, d'interagir et à travers cette interaction, de créer de la valeur." Il distingue notamment processus formels et processus informels. "Si nous sommes capables de bien nous organiser pour gérer les processus formels, nous ne savons pas pour le moment gérer les processus informels, pourtant nombreux dans nos relations sociales. Le challenge à l'avenir sera de faire se rencontrer les deux."
Et Jörg Dennis Krüger de poursuivre : "Les concepts et les technologies communs sont donc nécessaires, mais il faut aussi adopter une approche plus ouverte. L'approche du traitement de l'information doit aussi être plus pragmatique. Enfin, il est nécessaire de valoriser la collaboration et de tendre vers moins de restrictions."
Pourquoi l'entreprise 2.0 est-elle une chance ?
Jörg Dennis Krüger directeur de la rédaction de jdk.de (cliquez sur l'image pour l'agrandir)
"Il faut extraire la connaissance des têtes, car c'est là que se trouve la richesse la plus importante des entreprises" explique Jörg Dennis Krüger. "Nos devons mieux nous connaître, mieux partager les expériences et interconnecter les données pour enrichir la connaissance. L'entreprise 2.0 permet aussi plus de flexibilité : le premier collaborateur qui aura connaissance d'une information la mettra dans le système, la commentera éventuellement puis tout le monde y aura accès. On peut aussi combiner les différentes sources disponibles au sein de l'entreprise et il devient plus facile de modifier son infrastructure informatique ? Le 2.0 facilite la capture et l'utilisation de l'information", ajoute Nikos Drakos. "Les processus de gestion peuvent souvent bénéficier d'une meilleure connectivité et de la capture de la connaissance informelle."
Le plus intéressant, avec l'entreprise 2.0, est dans doute qu'elle engendre des économies potentielles. "Indépendamment de celles liées au matériel, qui peut être moins cher, ou à la mise en ?uvre du cloud computing, par exemple, ce sont surtout les gains liés à la réduction de l'administration, des temps de migration, à la perte de temps du fait de pertes d'information, de gains en efficacité", note Jörg Dennis Krüger. "Exemple : si chacun entre lui-même les informations le concernant dans le système, les gains de temps deviennent substantiels."
Facteurs de risques
"Le plus important de ces facteurs est sans doute l'hésitation", affirme Jörg Dennis Krüger. "Il faut aller franchement vers l'entreprise 2.0 et y croire vraiment. Si l'on a peur des changements sociaux (plus que des changements technologiques) qu'elle engendre l'initiative court à l'échec. Il en va de même si l'on crée des environnements isolés : par exemple, en créant un wiki ou un blog labellisé 2.0 en proclamant 'voilà le 2.0', cela ne fonctionnera pas car l'information doit être intégrée pour en tirer tous les avantages. Si on recréée des versions différentes, comme c'est le cas avec l'entreprise traditionnelle, cela ne fonctionnera pas non plus. Enfin, on court à l'échec si on conçoit l'entreprise 2.0 comme trop technologique. Ce n'est ni du logiciel ni du matériel, mais un tout dans lequel logiciel, aspects sociaux et autres sont impliqués."
L'entreprise 2.0 est-elle indiquée pour votre entreprise ?
Nikos Drakos directeur de recherche au Gartner (cliquez sur l'image pour l'agrandir)
Avant tout, il faut, comme nous l'avons vu, la considérer comme une direction stratégique et non comme une technologie. "Une approche 2.0 est certainement moins chère et plus efficace qu'une approche traditionnelle", poursuit Jörg Dennis Krüger. "On peut aussi estimer que les affaires seront beaucoup plus dures dans les 10 ans à venir pour les entreprises qui ne font pas assez confiance dans leurs employés pour mettre en place une approche 2.0. La confiance mutuelle est enrichissante pour les deux parties concernées et porteuse de grande valeur ajoutée."
Côté solutions, "Notre recommandation est de démarrer à partir des besoins utilisateurs", affirme Nikos Drakos. "En général, les entreprises font un investissement stratégique sur un fournisseur de logiciel et vont faire graviter d'autres applications, plus spécialisées, autour. Les suites logicielles présentent l'avantage de l'intégration, mais leur nombre demeure limité. Le choix de la solution doit avant tout être piloté par les besoins utilisateurs."
Évolution et non révolution
Il serait bien entendu inconcevable de vouloir mettre tout l'existant à la poubelle pour passer en Entreprise 2.0 : il s'agit d'un processus continu et la mise à profit des expériences passées est indispensable. On peut donc considérer en particulier l'entreprise 2.0 comme une forme évolutive de vos solutions existantes, ce qui va de pair avec l'intégration de l'information et de l'architecture. "La participation et l'implication du management est indispensable à la mise en place de l'entreprise 2.0", note Nikos Drakos. Autrement dit : "start small, think big and move fast".
En résumé et pour conclure, Jörg Dennis Krüger ajoute : "Si vous ne voulez pas le faire correctement, ne le faites pas."
Benoît Herr