La mise en place d'un ERP dans une entreprise est considérée comme un projet lourd qui s'étale sur des mois voire des années pour les grands comptes. Les nouvelles générations d'ERP, en particulier les ERP Open Source, s'adressent à des sociétés de taille plus modeste qui n'ont ni les moyens ni le temps d'y consacrer autant de ressources. L'expérience récente de la société Anevia est un bon exemple de ce que peut apporter un tel ERP.
Anevia a été créée en 2003 par quatre membres du projet VideoLAN, qui a produit des logiciels libres de diffusion de vidéos sous licence GNU. La société fournit des infrastructures vidéo sur IP pour la télévision interactive et la vidéo à la demande. Elle s'adresse à trois marchés : les opérateurs de télécommunications, les services d'hospitalités (hôtels, hôpitaux, bateaux...), les entreprises utilisant la télévision de manière professionnelle (salles de marchés, opérateurs). Son chiffre d'affaires s'est élevé à 3,8 millions d'euros en 2008 et augmente régulièrement. Avec des bureaux à Paris et à Dubaï, son effectif se monte à une cinquantaine de personnes.
De par leur formation et leur expérience, les dirigeants d'Anevia sont des spécialistes du logiciel et de bons connaisseurs des logiciels libres : une grande proportion des équipements vendus et utilisés par la société tournent sous Linux. Portée par sa forte croissance, la société a été confrontée au remplacement de ses outils informatiques, en particulier dans trois domaines : la gestion des stocks avec traçabilité des numéros des série des équipements, l'administration des ventes, la comptabilité. Dans ce dernier domaine, la société était équipée de Ciel Compta monoposte qui ne suffisait plus et qu'il fallait remplacer par un logiciel multiposte.
ERP Open Source et propriétaires face à face
Alexis de Lattre, co-fondateur d'Anevia et responsable de l'informatique interne et de l'administration, a commencé à s'intéresser aux ERP à partir de 2007. Attiré par les solutions Open Source, il a suivi une formation chez Openbravo en mars 2008. Parallèlement, il s'est renseigné sur les possibilités offertes par les ERP propriétaires. Une consultante du CXP l'a aidé à défricher le terrain en tenant compte du budget de 50 000 euros alloué par Anevia au projet. Les produits envisagés ont été Cegid, Divalto, Microsoft Dynamics Nav et Sage 1000. Ce dernier a vite été abandonné car trop limité.
Alexis de Lattre, responsable informatique et administratif d'Anevia
Deux points importants du cahier des charges ont été déterminants dans les choix. Le premier a été celui de la gestion des contrats de maintenance des équipements loués aux clients. Il implique une bonne traçabilité des numéros de série et la prise en compte par la comptabilité de produits constatés d'avance. L'autre aspect a été l'accès à l'ERP aussi bien par des postes Windows que par des postes Linux. Les réponses des ERP propriétaires à ces deux demandes ont été variables. S'ils disposent en général d'un module de gestion des contrats de maintenance, c'est parfois au travers d'un partenaire, ce qui implique un double contrat de licence, donc une double dépendance. « Par contre, l'accès par des postes mixtes a posé plus de problèmes à cause de l'absence d'accès Web natif », remarque Alexis de Lattre. « J'ai été stupéfait de constater que de nombreux ERP propriétaires n'avaient toujours pas d'interface Web. »
Pour mieux défricher le domaine des ERP Open Source, il a pris contact avec la société de services en logiciels libres Smile. Celle-ci a mis en avant le logiciel OpenERP dont les qualités répondaient à l'essentiel des préoccupations d'Anevia. Un consultant de Smile a montré qu'OpenERP répondait parfaitement à la préoccupation d'accès par le Web. Par contre, en l'absence de module de gestion des contrats de maintenance, il s'est engagé à le développer rapidement grâce à la facilité de développement découlant de la pertinence des choix techniques (Python) et à la maturité du produit.
Un projet rapide et efficace avec prise de risque assumée
Anevia s'est décidé pour OpenERP début octobre 2008 en retenant Smile comme intégrateur, tout en conservant son objectif initial de basculement vers la nouvelle application au 1er janvier 2009. « J'avais annoncé cet objectif de date dès juillet 2008 », indique Alexis de Lattre. « Mais la consultante du CXP l'avait déjà considéré comme irréaliste, évaluant la durée minimale du projet à six mois. »
L'équipe du projet s'est composée d'un consultant de Smile, d'Alexis de Lattre à mi-temps et d'un ingénieur système d'Anevia à temps plein pendant deux mois et demi. Le projet a permis la mise en place d'une gestion des stocks minimale, d'une administration des ventes et d'une comptabilité. Le consultant de Smile a également développé en dix jours une première version de la gestion des contrats de maintenance. Ces quatre applications ont été déployées le 1er janvier 2009, conformément aux prévisions.
La formation des utilisateurs n'a pu avoir lieu que courant janvier. Mais le basculement a tenu ses promesses et le besoin des doubles saisies dans l'ancien et le nouveau système a vite disparu. Pendant les deux premiers mois de 2009, de nombreuses corrections d'anomalies ont été réalisées. Parallèlement, les modules les plus récents, comme la gestion des contrats de maintenance, se sont rapidement enrichis.
Anevia a joué le jeu du monde des logiciels libres et a reversé le module de gestion des contrats de maintenance à la communauté dans la partie « extra add-on » d'OpenERP. Mais s'il n'est pas maintenu par l'éditeur, il a l'intérêt d'attirer potentiellement d'autres utilisateurs qui pourront l'enrichir et l'améliorer, avec la possibilité d'en faire à terme un module standard du produit, maintenu et pérennisé.
OpenERP est développé majoritairement par l'éditeur belge Tiny, qui effectue aussi un travail de maintenance. Anevia a décidé de signer un contrat de maintenance avec l'éditeur pour bénéficier d'une remontée directe des anomalies et de corrections rapides. « Cette stratégie s'est révélée payante », se félicite Alexis de Lattre. « À partir de rapports d'anomalies précis et détaillés, Anevia a pu bénéficier de corrections d'anomalies rapides : deux jours en moyenne, dix jours au maximum. Une telle réactivité est très rare sur le marché. »
Conseillé par Smile, Anevia a effectué des choix technologiques ambitieux. Le projet s'est déroulé au moment où OpenERP passait de la version 4.2 à la version 5. Alors que la version 5 était encore instable, le pari a été pris de l'utiliser tout de même pour le développement afin de bénéficier de ses améliorations techniques et fonctionnelles. L'équipe a néanmoins rencontré un certain nombre d'anomalies de jeunesse qui ont été prises correctement en compte par l'éditeur, grâce au contrat de maintenance. En outre, après déploiement, il a fallu effectuer des mini-migrations de versions. En particulier, il faut noter que la comptabilité n'est pas encore très mature.
Pour ce projet, Anevia a dépensé :
- 4 500 € pour la phase initiale avec la formation chez Openbravo et le conseil du CXP.
- 33 000 € jusqu'à aujourd'hui (juin 2009) pour Smile
- 3 800 € de maintenance pour un an avec Tiny
Ce montant est cohérent avec le budget fixé initialement à 50 000 ?.
Les extensions prévues du projet comprennent
- la prise en compte des notes de frais
- la gestion automatique des virements vers les fournisseurs
- l'utilisation de la BI pour générer des graphiques
Anevia fera sans doute de nouveau appel à Smile pour cette nouvelle phase du projet.
René Beretz