De nombreux éditeurs ont constitué un réseau de partenaires, qui se chargent de l'intégration de leurs logiciels chez les clients. Ce contact direct avec les clients est fondamental. Les intégrateurs effectuent les paramétrages et les développements complémentaires pour les progiciels qu'ils installent. Ils ont pu se constituer au fil du temps une bibliothèque de modules spécifiques à certains métiers, voire des solutions totalement intégrées autour des progiciels des éditeurs.
La montée en puissance des modes hébergés, regroupés sous la bannière du "cloud computing", risque de changer la donne. Alors, changement ou révolution ? René Causse, fondateur de la société Partners & Alliances Development (PAD), a décrit les divers volets de la situation lors des états généraux du SaaS et du Cloud computing en mars dernier. Il a également contribué à la rédaction du libre blanc "Le Cloud et la distribution", publié par Eurocloud France. Nous en reprenons certains témoignages.
Des avantages certains pour le monde des PME
Une enquête réalisée par Markess International en décembre 2010, citée dans le libre blanc, montre que la quasi-totalité des fournisseurs (90 %) de solutions de cloud computing s'appuient au moins partiellement sur un mode de distribution indirect. Les canaux indirects fournissent 41 % du chiffre d'affaires des fournisseurs.
Les revendeurs peuvent en tirer un certain nombre d'avantages. Tout d'abord, ce mode de distribution d'applications, souple et sans investissement, convient particulièrement bien aux PME, en particulier celles qui démarrent : pour elles, la mise en avant les solutions cloud représente une réelle opportunité. Le mode de facturation par souscription avec facturation mensuelle (le plus souvent) procure des revenus récurrents. À côté du logiciel standard, éprouvé, régulièrement et automatiquement remis à jour sans frais supplémentaire, le revendeur peut s'appuyer sur ses compétences sectorielles pour proposer des services et du conseil. Enfin, le cloud computing s'adapte particulièrement bien à l'agilité des sociétés, en évolution permanente. C'est potentiellement un très gros marché, déjà sensibilisé par les efforts pédagogiques réalisés depuis de nombreuses années par un certain nombre d'acteurs autour du mode SaaS.
Cyrill Duvivier, de Prodware, éditeur, intégrateur et hébergeur informatique pour les entreprises, constate, fort d'une expérience de plus de 18 mois, que le mode SaaS a généré un nouveau business "sur des clients TPE qui ne peuvent s'équiper d'ERP en mode traditionnel, sur du CRM, qui est facilement consommé par les entreprises en mode 'abonnement' plutôt qu'investissement, sur de la vente additionnelle vers cette nouvelle base de clientèle (bureautique, messagerie, équipements matériels, services')."
Les revendeurs changent de métier
Mais pour vraiment profiter de ces avantages, les revendeurs doivent se retrousser les manches. En effet, la diffusion de solutions de cloud computing bouleverse totalement l'organisation technique et commerciale d'un revendeur. Leur intervention devient moins technique, plus axée sur le métier de leurs clients. Ils doivent donc faire évoluer leurs compétences. L'approche commerciale se modifie également : ces offres concernent plus les responsables directs des métiers que les DSI. Les dépenses d'investissement (CAPEX) correspondant aux licences sont remplacées par des dépenses opérationnelles (OPEX) correspondant aux mensualités d'abonnement.
La période de démarrage d'une diffusion de solutions de cloud computing est fondamentale. En effet, contrairement aux contrats traditionnels d'acquisition de licences, il n'y a plus de facturation initiale significative. Une période d'adaptation est nécessaire pour gérer la trésorerie et les commissions des commerciaux lors du changement de mode : les revenus récurrents, d'un montant unitaire plus faible, n'arriveront qu'au fil du temps.
Les fournisseurs de solutions ont des responsabilités importantes
Les éditeurs et fournisseurs de solutions doivent veiller à la qualité des solutions : elles doivent être robustes, fiables et conçues pour bien fonctionner de manière mutualisée. Louis Naugès, de Revevol, pure player du Cloud et du SaaS (c'est le premier revendeur français et international de Google), explique : "la logique 'multi-tenant' est la clef du succès, avec une seule version du logiciel partagée par tous les clients, ce qui permet d'industrialiser la distribution et les services qui les accompagnent."
L'éditeur doit accompagner le revendeur dans cette nouvelle configuration. Il doit sélectionner les offres en fonction des compétences du partenaire, l'aider à soigner son business plan, à préparer un plan de trésorerie, à revoir son organisation interne, à l'aide de méthodes et d'outils adaptés.
Éditeurs et revendeurs doivent soigneusement définir leurs responsabilités respectives en matière commerciale, technique et contractuelle. En particulier, il faut déterminer qui du revendeur ou de l'éditeur est propriétaire du client et émet les factures. Franck Bouvattier, d'Eox, intégrateur de solutions pour la sécurité informatique des PME, explique sa démarche : "nous cherchons des éditeurs de solutions SaaS qui répondent aux besoins fonctionnels de nos clients. Ensuite, les engagements de service (SLA), de prix et de disponibilité sont primordiaux. Nous sommes avec nos fournisseurs dans une relation de type revente. Les clients appartiennent à EOX et nous assurons le support de premier niveau."
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La définition du mode de rémunération et de la durée est un point clef. Les éditeurs définissent une politique de rémunération de leurs partenaires, qui consiste le plus souvent en un pourcentage ou un montant fixe sur les revenus d'abonnements, auxquels peuvent s'ajouter des montants lors d'une souscription ou d'un renouvellement. La marge accordée par les éditeurs aux revendeurs varie de 15 % à 30 % selon l'étude Markess, le taux moyen s'établissant à 22 %. Mais la marge brute des revendeurs provient surtout des services ajoutés par eux-mêmes à la solution de base.
Une conséquence du mode SaaS est d'éloigner les éditeurs de leurs clients. Comment faire remonter les attentes du marché, dont les équipes de conception et de développement de l'éditeur ont besoin pour faire évoluer leurs solutions ? De manière générale, la communication entre les éditeurs et les partenaires se fait du haut vers le bas. Pour garder un lien effectif avec le marché, il est indispensable de mettre sur pied une communication de la base vers le haut, dans laquelle les revendeurs peuvent jouer un rôle actif.
Faire cohabiter les deux modèles
aire cohabiter le monde des applications traditionnelles installées chez les clients et celui des applications accessibles "dans le nuage" est un vrai défi. Les conflits entre les canaux de vente directe et les canaux indirects sont fréquents et difficiles à gérer. Pour éviter tout problème, certains revendeurs basculent complètement vers le mode SaaS. Certaines sociétés se sont même créées pour développer exclusivement une activité de cloud computing.
Franck Dermagne, de DAF online, revendeur de solutions SaaS pour les directions financières et les contrôleurs de gestion de PME, déclare : "je ne crois pas à la cohabitation des deux systèmes (cloud et traditionnel). Trop de divergences séparent ces deux modèles du fait des comportements, des habitudes, des processus commerciaux, des organisations et des process." Ce que confirme Louis Naugès : "il faut mettre en place des structures indépendantes (cloud et traditionnelles) car il est très difficile de faire cohabiter un mode de vente et de service traditionnel avec un mode cloud : les métiers sont différents, les cultures sont différentes, les organisations, les compétences sont tout autres."
En pratique, il ne faut ni comparer ni opposer le modèle cloud au modèle traditionnel. Ils sont complémentaires et chacun peut répondre aux besoins selon le contexte de chaque entreprise. En effet, une partie des clients existants reste en mode traditionnel et ne voit pas l'intérêt, au moins immédiat, d'en changer. Les revendeurs qui font cohabiter les deux modèles profitent du SaaS pour attaquer des nouveaux marchés tout en gérant leurs clients existants de manière traditionnelle. Ils peuvent ensuite proposer à ceux-ci des solutions complémentaires en mode SaaS, avant d'envisager éventuellement une transition plus importante.
René Beretz