Très actif dans les ressources humaines (RH), le cabinet de conseil MC2I réunit régulièrement des décideurs SIRH (Système d'Information des Ressources Humaines) autour de retours d'expérience. À leur demande, il vient de publier un document présentant les nouvelles tendances dans les SIRH. Celui-ci sera présenté en public lors d'une conférence au salon Solutions RH le jeudi 28 mars de 14h à 15h30. Celle-ci sera animée par Arnaud Gauthier, directeur général de MC2I Groupe, que nous avons rencontré, accompagné d'Estelle Damoiseau, responsable de l'offre SIRH. MC2I a identifié 4 thèmes principaux illustrant les évolutions en cours dans les SIRH : le SaaS, la dématérialisation, la mobilité et les RSE.
Le mode SaaS, une approche bienvenue
Le mode SaaS est une vague de fond. Porté au départ par le CRM avec Salesforce, il a commencé à pénétrer les RH avec des outils de niche pour le recrutement, la gestion des compétences, la formation. Il s'étend maintenant à la paie. Mais il y a un fort mouvement de rachats entre les différents offreurs mais aussi de la part des gros éditeurs. On peut citer Taleo, SuccessFactors, Openportal, Foederis, Lumesse.
Les solutions en mode SaaS solutionnent des problèmes techniques liés aux serveurs locaux : leur mise en œuvre est rapide, les coûts sont moindres (l'investissement est faible voire inexistant) et l'éditeur est plus réactif. Par contre, une solution SaaS oblige l'utilisateur à entrer dans un standard car la solution est mutualisée entre tous les utilisateurs. Il s'agit de produits sur catalogue pour lesquels les possibilités de personnalisation et de paramétrage sont moins importantes.
À côté de l'ERP installé en interne qui fournit toutes les fonctions administratives de base, la paie, la gestion des temps, les DRH font appel à des solutions en mode SaaS quand elles ont besoin de fonctions complémentaires. "C'est comme un cœur et des pétales, explique Arnaud Gauthier. La tendance à l'externalisation des applications RH dans les grands comptes s'accélère : les sociétés se concentrent sur leur cœur de métier. "Le SIRH traditionnel sera remplacé par les outils en mode SaaS entre 2012 et 2014. La paie suivra."
La dématérialisation est entrée dans les mœurs
Arnaud Gauthier, directeur général de MC2I Groupe
Après plusieurs étapes, la dématérialisation est aujourd'hui en phase de maturité dans les RH. "2013 sera l'année de la dématérialisation des déclarations, déclare Arnaud Gauthier. "Cela concerne toutes les données que doivent transmettre les entreprises et les banques aux administrations : URSSAF, caisses de retraite, Trésor Public." Cela concerne les informations qui étaient envoyées jusqu'ici sous forme de documents papiers ou de classeurs Excel aux formats variés. "Tout a été normalisé et les envois électroniques se font maintenant dans des formats très précis", explique Estelle Damoiseau : "c'est de la dentelle." Le portail net-entreprise.fr est dédié à cette fonction.
L'impact est important car des délais sont attachés aux procédures, prévoyant des pénalités en cas de retard. Les entreprises doivent toutes utiliser le même format. Pour les plus petites déclarations (main-d’œuvre, maladie), tout est également dématérialisé. Les éditeurs proposent tous des processus dématérialisés pour ces fonctions.
La première étape a été, il y a trois ans, la dématérialisation du bulletin de paie et plus généralement du dossier du salarié. À la place d'armoires avec des dossiers étiquetés contenant la vie du salarié (contrat de travail, pièces justificatives, jusqu'à la rupture du contrat), une armoire virtuelle sous forme de coffre-fort électronique est mise à la disposition des RH et du salarié. "Le taux de pénétration de la dématérialisation du dossier du salarié reste faible chez nos clients", constate Arnaud Gauthier : "en effet dans cette démarche, il y a un fort aspect social et des contraintes pratiques." La première condition est l'acceptation par les salariés de la suppression du support papier pour les bulletins de paie. En outre, dans de nombreuses situations, des documents sur papier sont nécessaires, que ce soit à la banque ou pour les allocations familiales : en pratique, il faut tout imprimer. L'envoi de documents à n'importe quel interlocuteur sous forme électronique n'est pas encore entré dans les mœurs.
Les contraintes de conservation sont fortes : un bulletin de paie doit être conservé à vie. En outre, se pose la question de la pérennité du coffre-fort électronique quand le salarié quitte l'entreprise, mais aussi de la lisibilité du format utilisé. Ainsi, MC2I a adopté la dématérialisation des bulletins de paie pour ses salariés. La paie a été confiée à un fournisseur qui garantit la disponibilité des coffres-forts pendant 50 ans pour ses salariés et un contrat avec la Caisse des Dépôts garantit la pérennité à vie des coffres-forts.
Une fois créé, le coffre-fort électronique peut avoir un usage plus large et recevoir d'autres documents comme des copies de documents personnels ou les bulletins de paie des employeurs précédents. Il pourrait aussi stocker des factures mais il n'y a pas pour le moment de norme commune pour le format de ces documents. En liaison avec leurs clients, les éditeurs affinent leurs solutions pour améliorer la connexion avec les ERP traditionnels et travaillent à enrichir le coffre-fort électronique.
La mobilité, un usage universel
La mobilité est une vague de fond. Depuis 2011, il se vend plus de terminaux mobiles que de PC. La même année, 70 % des salariés ont utilisé leur outil personnel dans un but professionnel. La mobilité progresse aussi dans les RH : liée au cloud, elle offre de réelles possibilités. Si le directeur RH désire disposer de toutes les informations pertinentes sur sa tablette, les salariés veulent pouvoir faire leurs demandes de congés depuis leur smartphone et le manager les consulter sur le sien.
Les éditeurs développent des connexions entre les ERP et les terminaux mobiles. Une première étape consiste à mettre les données des ERP dans un format lisible par les smartphones et tablettes. Une deuxième étape consiste à développer des applications dédiées ayant une ergonomie spécifique avec des écrans moins chargés et proposant moins de clics. Typiquement, les applications concernées sont les demandes de congés et les notes de frais.
Mais un smartphone personnel utilisé dans le SI de l'entreprise peut poser problème à cause du mélange des données personnelles et professionnelles. Quel est le degré de responsabilité de l'entreprise au sujet de musiques téléchargées illégalement ? Il faut donc dresser une barrière étanche entre les données personnelles et professionnelles. Divers problèmes juridiques se posent. Par exemple qui est responsable en cas de vol ? L'autre aspect est l'interpénétration des vies personnelle et professionnelle. Un salarié doit-il répondre à un mail à 23 heures ? Mais il est sûr que dans le futur les mobiles RH seront un complément du SIRH pour les personnes souvent en déplacement.
Les RSE (Réseaux Sociaux d'Entreprise) en recherche de légitimité
Estelle Damoiseau, responsable de l'offre SIRH, MC2I
"Dans le domaine des RSE, nous sommes dans l'expectative et surveillons les réalisations. S'agit-il d'un effet de mode ?", se demande Estelle Damoiseau. Autant les 3 premiers thèmes sont des tendances avérées, autant la place des RSE reste sujette à caution. Après quelques mises en place infructueuses, des questions se posent. Il n'existe pas beaucoup de retours d'expérience. Les pistes les plus prometteuses concernent le support aux projets, en particulier l'aide à la conduite de projets impliquant des acteurs dispersés, car ils aident à enrichir la base de connaissance de la communauté.
L'utilisation des réseaux sociaux à titre personnel a un impact sur la vie professionnelle car ils apportent une valeur ajoutée à l'entreprise. Qu'il s'agisse de Facebook, Linkedin, Viadeo ou Twitter, les éditeurs savent les prendre en compte techniquement mais c'est la conduite du changement dans l'entreprise qui pose problème. En effet, de nombreuses questions se posent à propos de l'usage et du statut de l'information créée et transmise par ce moyen. À côté du DRH et du DSI, le directeur de la communication a un rôle à jouer pour clarifier les relations entre RSE et SIRH. En effet, les RSE concernent la communication à la fois interne et externe, par exemple pour le recrutement : des expériences réussies dans ce domaine s'appuient sur des réseaux comme LinkedIn.
Pour alimenter les réseaux sociaux d'entreprise, les salariés doivent y consacrer du temps, mais un salarié risque d'être pénalisé s'il le fait au détriment de sa mission principale. La valeur ajoutée pour l'entreprise est indéniable si les contributions proviennent de salariés expérimentés. Mais les plus actifs sur ces réseaux sont souvent des jeunes qui ne sont pas nécessairement les plus compétents. Il faudrait donc encourager les experts à mieux communiquer avec ce nouveau type d'outils.
René Beretz