IFS France a pris l'habitude de convier les consultants indépendants de son écosystème, spécialisés dans l'ERP, à des déjeuners de travail appelés "Cercle des consultants IFS". Pour la sixième édition de ces tables rondes, qui a eu lieu il y a quelques jours, la thématique était "Le défi des ERP : comment séduire (et impliquer) la direction générale ?". Mais si pour IFS l'idée est de se faire mieux connaître des prescripteurs, l'objectif de ces rencontres n'a rien de commercial et est uniquement d'échanger sur un sujet particulier (les tables rondes précédentes ont porté par exemple sur la mobilité et l'ERP ou les ERP hybrides, entre SaaS et on-premise) et de faire du réseautage.
Les participants bénéficiant d'expériences allant de l'installation d'ERP de type SAP à des projets du même type en ETI et en PME, acquises dans diverses sociétés et sociétés de services, de consulting ou en tant que consultants indépendants au cours de décennies, ils étaient complètement dans leur élément avec cette thématique et les débats furent riches d'enseignements.
Une brève introduction, assurée par un animateur indépendant, a notamment mis en avant une étude de Panorama Consulting aux conclusions étonnantes : les entreprises seraient 42 % à modifier leurs processus métiers pour les adapter à l'ERP. Autre chiffre étonnant : elles seraient plus de 22 % à n'accorder que peu d'intérêt aux processus métiers. "Ces 42 % sont logiques, car ce n'est pas l'ERP qui s'adapte aux processus, mais les processus qui s'adaptent à l'ERP", affirmait l'un des participants qui a déjà installé deux fois SAP dans sa carrière. Le débat était lancé : d'autres se sont inscrits en faux, arguant du fait qu'il y tellement d'ERP sur le marché et tant de solutions métiers qu'il paraît étonnant d'avoir à adapter ses processus à l'ERP. C'est probablement que celui qui a été retenu n'est pas le plus adapté au besoin. Il n'en fallait pas plus pour aller sur le terrain des directions générales qui imposent telle ou telle solution sans consulter ni la base ni même les directions métier. La notion de dimension politique du choix d'un ERP a également fusé : "Certains enjeux ne relèvent pas du ROI ou d'un quelconque gain de productivité mais du débat interne. Tous les core-systems que j'ai connus étaient dans ce cas et les combats internes peuvent parfois être intenses", témoignait un autre participant.
Séduire la DG
Au vu de la nature transversale des projets ERP et des sommes investies, l'implication et le soutien de la direction générale est un élément stratégique. "Oui, un projet ERP est un projet d'entreprise", a lancé tout de go l'un des participants. La séduction de la DG est une chose, son soutien tout au long du projet et au-delà, pour accompagner le changement, en est une autre.
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La séduction de la DG passe par la compréhension de ses objectifs, que sont une vision organisationnelle cible, des gains de productivité et un retour sur investissement. Pour ce faire, il faut lui expliquer clairement pourquoi on souhaite mettre en place un ERP, définir clairement le périmètre du projet. En un mot : évangéliser. L'évolutivité et la souplesse de l'outil retenu ont également leur importance pour la vision du long terme par la DG. Une solution modulable sera donc préférable. L'implication de la DG dans les aspects techniques doit cependant rester légère, sous peine de rejet.
Mais la seule séduction de la DG est une vision un peu restrictive de la problématique et ne concerne que la phase amont du projet. Une fois séduite, il faudra aussi convaincre la DG d'accompagner et de soutenir le projet tout au long de sa vie et même au-delà, dans l'accompagnement du changement. Et peut-être même mettre en place des outils de matérialisation et d'appréciation de ce niveau d'implication, comme la signature charte d'engagement visible par toute l'entreprise ou des points périodiques pour s'assurer que le comité de pilotage remplit bien sa mission.
À ce sujet s'est aussi posée la question de l'implication des utilisateurs dans le projet : une étude de Panorama Consulting montre que seules 18 % des organisations indiquent impliquer fortement les salariés, ce que le cabinet considère comme très peu. L'assemblée s'accorde en effet à dire que l'implication des utilisateurs dès le départ est un autre facteur de succès. L'une des participantes, spécialiste de la conduite du changement, enfonce le clou en insistant sur le caractère essentiel de cette phase du projet et de l'implication précoce des personnes amenées à utiliser l'outil au quotidien.
Impliquer la DG
"Soutenez-moi !>" c'est ce qu'a clamé l'un des participants au directeur général de Truffaut lorsqu'il lui a fallu implémenter un ERP en 7 mois à l'époque du passage à l'an 2000. "L'implication de la DG a été fondamentale dans la réussite du projet dans les délais impartis". Cette implication et ce soutien sont nécessaires tout au long des projets ERP réussis. Même si ce sont les directions métiers qui sont le plus souvent à l'origine du projet, les directions générales se doivent de suivre activement et de soutenir le déroulement du projet. C'est d'autant plus vrai que la résistance an changement est énorme : dans le cas particulier, c'est la DG qui avait imposé son choix d'ERP, contre l'avis de bon nombre de collaborateurs. Et contre toute attente, la DG elle-même faisant preuve d'une grande résistance au changement.
L'une des clés du soutien soutien de la DG, c'est d'avoir un "sponsor", un défenseur, un avocat du projet en son sein. "C'est très souvent le DAF", constate l'un des intervenants. "Il est souvent très proche de la DG, a une vision à 360° et sera doublement intéressant s'il a l'oreille de la DG. En outre, il sera beaucoup plus disponible qu'une DG et fera remonter les messages importants".
La question de l'appréciation du ROI
L'assemblée s'accorde sur la difficulté à définir des KPI (Key Performance Indicators ou indicateurs clés de performance) fiables pour établir un retour sur investissement réaliste. "Le problème, c'est qu'il n'y a jamais de post-audit des investissements. C'est trop tard !", constate un intervenant. "Un ROI sur une comptabilité analytique ?", ironise un autre. Il est vrai que dans des domaines comme la chaîne d'approvisionnement ou les achats, les mesures objectives sont beaucoup plus faciles à définir. "Sur la supply chain, la définition de KPI objectifs est très possible : maillage, couverture de stock, taux de service... en sont quelques exemples" précisait l'un des consultants.
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Alors que le ROI semble déjà très compliqué à apprécier a posteriori, certains fournisseurs d'ERP n'hésitent pas à proposer des outils d'estimation du ROI a priori, c'est-à-dire en amont du projet, avant même que celui-ci ait démarré. Cette pratique est considérée comme loufoque et rejetée par l'ensemble de la table ronde.
De nombreux autres aspects ont été abordés au cours des plus de deux heures de débats, dont la valeur et la valorisation des données, les différentes approches des projets (expression des besoins, cahier des charges etc.) ou les facteurs discriminants pour l'entreprise, chacun venant étayer son argumentation par des exemples tirés de sa propre expérience.
Si les approches peuvent différer en fonction des individus et des organisations, le consensus s'est fait du début à la fin des débats sur l'importance du soutien et de l'implication de la DG dans un tel projet, qui se doit, pour réussir, d'être un vrai projet d'entreprise.
Benoît Herr