Qu'est-ce qu'une FinTech ?
Ce néologisme combine les mots "finance" et "technologie" : ce sont des entreprises qui s'appuient sur les technologies de l'information pour proposer des services financiers plus efficaces et moins couteux. Il s'agit le plus souvent de start-up innovantes, souvent lancées par des anciens banquiers ou traders s'étant reconvertis après la crise économique de 2008.
L'objectif des FinTech étant de simplifier la finance, elles ont des relations un peu particulières avec les banques, de qui elles viennent en soutien mais aussi d'une certaine manière en concurrence : c'est une forme de "coopétition". Et parfois elles se font racheter, comme ce fut la cas pour Leetchi par le Crédit Mutuel Arkéa. Parmi les autres, en France on peut citer Finexkap, Slimpay, Compte Nickel, Budget Insight ou encore Younited Credit (ex-Prêt d'union).
On distingue plusieurs types de FinTech : celles qui se consacrent au crowdfunding, ou financement participatif, celles qui proposent des applications et des plateformes de gestion de diverses activités bancaires (choix d'investissements, AIS (Account Information Service), paiements en ligne...) et celles qui proposent des monnaies virtuelles, dont la plus connue est le Bitcoin.
Qu'est-ce que la PSD2 ?
Le 8 octobre 2015, le Parlement Européen a adopté la proposition de la Commission européenne de créer des modes de paiement plus sécurisés et innovants : c'est la Directive on Payment Services (PSD2). Le 2 figure ici car la première PSD, qui a notamment établi les paiements SEPA, date de 2007. La PSD2 vient donc modifier la PSD originale.
Les nouvelles règles permettront notamment de mieux protéger les consommateurs lorsqu'ils effectuent des paiements. Elles encourageront le développement et l'utilisation de modes de paiement mobiles et en ligne innovants et elles rendront les services européens de paiement plus sûrs. Après ce vote, la directive a été formellement adoptée par le Conseil des ministres de l'Union européenne et publiée au Journal Officiel de l'Union Européenne début janvier 2016. À compter de cette date, les États membres auront deux ans pour procéder aux modifications nécessaires dans leurs législations nationales afin de se conformer aux nouvelles règles, c'est-à-dire jusqu'à début janvier 2018.
Parmi les nouvelles règles apportées par la PSD2, on trouve la mise en place d'exigences de sécurité strictes pour l'initiation et le traitement des paiements électroniques et la protection des données financières des consommateurs, l'ouverture du marché des paiements de l'Union aux entreprises qui offrent des services de paiement aux consommateurs ou aux entreprises fondés sur l'accès aux données des comptes de paiement, c'est-à-dire les "prestataires de services d'initiation de paiement" et les "prestataires de services d'information sur les comptes". La PSD2 renforce également les droits des consommateurs dans de nombreux domaines, notamment la réduction de la responsabilité en cas de paiements non autorisés, qui introduit un droit au remboursement inconditionnel pour les prélèvements en euros et l'interdiction de facturer des suppléments (frais supplémentaires pour le paiement par carte, par exemple), que l'instrument de paiement soit utilisé en magasin ou en ligne.
La PSD2 couvre donc un périmètre très large et va notamment capitaliser sur l'accessibilité des passerelles entre données d'entreprises et services que sont les API (Application Programming Interface).
La PSD2 va redéfinir les règles du marché
Les technologies mises en œuvre par les FinTech sont nombreuses, mais on y retrouve quasiment systématiquement les API et l'authentification forte, des domaines dans lesquels excelle l'éditeur américain CA Technologies. C'est pourquoi celui-ci a récemment commandé une enquête sur le sujet au cabinet spécialisé dans le finance Finextra. Dans cette enquête intitulée "Explorer les impacts métiers et technologiques de la nouvelle directive PSD2", "les experts interrogés reconnaissent que la mise en application de la directive PSD2 permettra aux acteurs du secteur financier de mieux se différencier", explique Marie-Benoîte Chesnais, business tech architect chez CA Technologies. "La majorité d'entre eux sont convaincus que cette directive sera un facteur de transformation et y voient une opportunité de développer de nouvelles branches d'activités, de nouveaux modèles de services et de nouvelles propositions de valeur à leurs clients"
Marie-Benoîte Chesnais - business tech architect - CA Technologies
Jean-Louis Hoenen, chief technology officer de Slimpay, une FinTech proposant des services à destination des e-commerçants, confirme : "nous sommes nés de la PSD1 et la PSD2 est une clairement une opportunité pour nous". Même son de cloche chez Budget Insight, un agrégateur (ou AIS : Account Information Service) : "la PSD2 va structurer le marché et est favorable aux acteurs", estime Clément Coeurdeuil, son président.
"Les transactions de paiement sont cruciales pour l'économie mondiale", estime Diane Mullenex, associée et responsable mondiale des télécommunications chez Pinsent Masons. "En France, 16 milliards d'opérations bancaires ont lieu chaque année. L'adoption de la directive PSD2 en France et dans les autres pays de l'Union Européenne permettra réellement de transformer le marché dans le sens d'une concurrence, d'un rythme d'innovation et d'une sécurité accrues"
L'impact de la PSD2 dépendra également de la réussite de sa mise en application : "les écarts de comportements en matière de paiements sur les différents marchés représentent le principal défi pour une mise en œuvre localisée : en France, 71 % des paiements se font par carte. En revanche, la situation est toute autre en Allemagne : l'argent liquide y est beaucoup utilisé et une grande quantité de billets de 500 euros sont en circulation. Enfin, le Royaume-Uni est de loin le marché de paiements via PayPal le plus important. Le paiement sans contact y est également largement répandu", poursuit Diane Mullenex.
Banques vs FinTech
La directive PSD2 représente pour les banques une importante source de revenus potentiels. Pour Jurgen Vroegh, responsable mondial des paiements de la banque ING, "la PSD2 est une étape majeure vers l'ouverture du marché des services financiers. Elle représente la révolution de la décennie, ainsi que l'occasion de revoir nos propres modèles économiques".
Mais les FinTech ont bien entendu aussi l'intention de tirer parti de l'accès aux comptes clients pour aider les banques traditionnelles à innover et à générer de nouvelles sources de revenus. Ces trublions vont jouer un rôle majeur dans la redistribution des cartes sur ce marché.
Enfin, l'enquête de Finextra comporte 5 recommandations à destination des banques et des prestataires tiers, autour de la directive PSD2 :
1. S'impliquer, fournir des retours, partager ses inquiétudes et contribuer à la recherche de solutions ;
2. Penser dès maintenant à une stratégie pour monétiser ses investissements liés à la PSD2 : la fenêtre de mise en œuvre est sans doute ambitieuse, mais elle ne sera pas énormément rallongée ;
3. Commencer à expérimenter et à élaborer des tests en amont : bon nombre des personnes interrogées estiment qu'il manque aux banques l'agilité et l'état d'esprit axé sur l'expérimentation des FinTech. C'est le moment de tester de nouveaux produits et services ;
4. Les API ouvertes : bien que le terme API ne figure pas dans le texte de la PSD2, les acteurs du secteur s'accordent sur le fait qu'elles constituent la démarche à suivre. Il est nécessaire de comprendre dès maintenant ce que signifieront des API ouvertes pour les infrastructures et la gouvernance informatiques ;
5. Dans la perspective de l'émergence de nombreux nouveaux concurrents, il est nécessaire d'adopter une approche collaborative favorisant l'émergence de nouveaux services favorables aux clients.
Benoît Herr