Baptisée "Lille Retail Experience", cette journée se tenait, comme son nom l'indique, à Lille, où se trouve également le siège français de l'éditeur polonais. Elle s'articulait essentiellement autour de présentations du CXP, orchestrées par Patrick Rahali, directeur des études ERP, et d'une étude Ifop sur "les français et les magasins connectés", commanditée par Comarch et Aressy RP.
Multicanal, cross-canal et plus récemment omnicanal, sont le reflet de l'évolution du parcours client et de l'expérience associée, une évolution liée à la maturité des technologies, à la généralisation des terminaux mobiles, mais aussi à l'arrivée progressive des objets connectés.
État des lieux
Patrick Rahali a commencé par rappeler quelques chiffres de Syntec Numérique à propos du marché de l'édition de logiciels en France, qui dépasse les 11 milliards d'euros. "Ce marché est en croissance de 3,4 %, mais le SaaS, qui y entre aujourd'hui pour 12 %, en est le principal moteur, avec 20 % de croissance", explique-t-il. Et d'ajouter : "Les SMACS (Social, Mobile, Analytics, Cloud et Sécurités) sont au cœur de la dynamique du secteur, avec un taux de croissance annuel moyen de 16,2 %. L'informatique traditionnelle ne croît dans le même temps plus que de 0,2 %." (cf. schéma 1).
Schéma 1
Cette évolution engendre un bouleversement du rôle du SI dans l'entreprise : selon une étude de Gartner, la valeur stratégique des SI s'est totalement inversée depuis les années 60. Alors qu'à l'époque plus de la moitié des répondants estimaient le rôle stratégique de l'IT à très faible ou faible, à l'heure actuelle ils sont plus de 70 % à l'estimer élevé ou extrêmement élevé. De fait, dans des secteurs comme la banque, les transports ou pour des acteurs disruptifs comme Amazon ou AirB&B, le rôle des SI est fondamental. "Ces nouveaux business s'appuyant sur des disruptions technologiques engendrent de nouveaux usages. Les équilibres se voient bouleversés et on assiste à une redistribution des cartes et du marché", commente Patrick Rahali.
"La donnée et l'utilisateur consommateur sont souvent au cœur des sujets", ajoute-t-il. "Les entreprises ont les marchés et les ressources mais pas l'agilité nécessaire. À l'inverse, les start-up ont pour elles l'innovation et l'agilité. C'est pourquoi les grands groupes s'entourent désormais de start-up".
D'après McKinsey, la disruption numérique est une opportunité qui transforme le marché en profondeur avec des modèles économiques radicalement différents. Le cabinet chiffre à 20 % le risque de baisse potentielle du revenu opérationnel d'une entreprise qui ne ferait pas cette transformation. À l'inverse, avec le numérique, le revenu opérationnel est susceptible de croître de 40 %. Les enjeux pour les entreprises du secteur de la distribution sont nombreux : il leur faut lancer plus vite de nouveaux produits et donc anticiper l'évolution et innover, promouvoir la marque et donc animer les réseaux sociaux (déjà utilisés par 34 % des détaillants européens pour vendre), avoir des relations de plus en plus directes avec leurs clients, mais surtout intégrer plus de données en temps réel.
Plus de services
Il faut désormais réunir biens, services et informations (données) pour créer de nouvelles offres, mais aussi accélérer le cycle de vie des produits. Ces évolutions font émerger un nouveau rôle pour la DSI, qui doit aider l'entreprise à s'approprier le numérique et les nouvelles technologies et proposer des outils aux métiers, dont le rôle est de redessiner l'activité pour créer de la valeur.
La DSI doit donc diffuser la culture du numérique dans toute l'entreprise et y insuffler l'état d'esprit start-up. Casser les silos, promouvoir les flux collaboratifs, collecter des données et les monétiser sont quelques unes des mesures que la DSI pourra mettre en œuvre. La tâche peut se révéler ardue, surtout si l'entreprise accumule les facteurs de ralentissement de la transformation numérique, comme une forte résistance aux changements, une organisation en silos, une stratégie hésitante, un manque de compétences ou encore un manque de données ou au contraire un excès de données empêchant toute exploitation.
Et Patrick Rahali de citer l'exemple d'une entreprise séculaire qui, à 126 ans, a réussi sa transformation numérique : Michelin. "C'est en 2014 que l'alarme a été donnée, avec un déclin de 3,4 % des ventes et de 8,7 % du résultat net alors que ses concurrents, comme Bridgestone au Japon ou Continental en Allemagne, connaissaient une croissance à 2 chiffres", explique-t-il. L'entreprise a pris le problème à bras le corps et décidé de vendre en ligne pour éviter d'être "uberisée" et conserver ses parts de marché. Depuis, Michelin a lancé "Tire Care", trois services à destination des transporteurs pour vérifier l'état des pneus de leurs flottes de camions : TireLog est une application gratuite de carnet d'entretien de poche. iCheck permet, via un kit d'outils, de mesurer la pression, la profondeur des sculptures de la bande de roulement, l'aspect du pneu et de déclencher les éventuelles opérations de maintenance au bon moment. Enfin, iManage permet de gérer un pneu connecté (c'est-à-dire équipé d'une puce RFID) ; l'abonnement à ce service est facturé entre 1 et 9 euros par camion et par mois, pour un gain multiplié par quatre, selon Michelin.
Les français et les magasins connectés
Réalisée en décembre 2015, cette enquête Ifop commanditée par Comarch et Aressy RP a été menée auprès d'un échantillon de 1211 personnes, la représentativité de l'échantillon étant assurée par la méthode des quotas.
Premier enseignement de cette enquête : le magasin physique n'est pas mort. Seuls 30 % des répondants estiment qu'il y aura beaucoup moins de magasins qu'aujourd'hui à l'horizon 2030. En revanche, l'écrasante majorité (88 %) pense que la plupart des magasins physiques seront, au même horizon, équipés d'outils numériques. Et ils sont 78 % à penser que les caisses auront disparu au profit de systèmes de paiement dématérialisés.
S'agissant des marques qui cherchent à connaître le profil, les goûts et la localisation de leurs clients de manière à mieux cibler leurs offres, le côté intrusif de la démarche rebute la grande majorité des répondants : ils sont 65 % à estimer que c'est une mauvaise chose. Seuls 35 % y voient la possibilité de recevoir des offres véritablement personnalisées et l'analysent positivement. À noter que l'âge de la personne a une forte influence sur la réponse, tout comme la catégorie socio-professionnelle : les jeunes générations sont moins réfractaires, de même que les employés et ouvriers.
Plus de la moitié (51 %) des répondants trouvent intéressant le fait de recevoir en temps réel des offres promotionnelles sur leur smartphone lorsqu'ils se trouvent dans les rayons d'un magasin et 43 % souhaiteraient disposer d'un service de localisation pour les aider à s'orienter dans le magasin. En revanche, près des trois quarts (74 %) refuseraient de donner accès au vendeur à leur profil client pour mieux les conseiller. "Les données constituent un sujet central", insiste Patrick Rahali.
Un mix de canaux
L'enquête a ensuite analysé les canaux privilégiés par les acheteurs en 2016, mais aussi à horizon cinq ans. Aujourd'hui, en fonction du bien à acquérir, ils sont encore entre 64 et 80 % à faire leurs achats en magasin, même si la démarche d'achat peut impliquer un repérage Web préalable ou inversement, un repérage en magasin pour déboucher sur un achat Web. Des biens comme les bijoux ne s'achètent sur le Web que dans 25 % des cas, un chiffre néanmoins déjà significatif. Les biens comme l'outillage ou les produits de bricolage, pour lesquels la composante visuelle sensitive est forte, s'achètent encore moins sur le Web. En revanche, les acheteurs utilisent bien plus volontiers le canal Web pour de la télévision, de la Hi-Fi ou de l'électroménager.
La vision des répondants à horizon cinq ans va dans le sens d'une diversification des canaux, le Web prenant de plus en plus d'importance, sans toutefois supplanter le magasin physique, qui reste majoritaire quel que soit le produit concerné. Mais de plus en plus de consommateurs achèteront de plus en plus de produits principalement ou exclusivement sur le Web.
En conclusion, l'omnicanal répond avant tout à une attente des clients : pour 80 % des répondants, il s'agit d'un enjeu majeur. Mais les magasins physiques resteront toujours importants. La tendance est à plus de services, plus de points de vente et à des processus orientés clients, avec une relation directe avec les marques. Les entreprises du secteur doivent aujourd'hui s'adapter, inventer et innover pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs.
Benoît Herr