L'histoire remonte aux années 80, lorsqu'Alain Crémer et son frère Christophe fondent une entreprise qui a connu un succès certain à l'époque : Sybel. Ingénieur et diplômé de Harvard, Alain Crémer et son frère diplômé de HEC, aidés de Philippe Ducrot ont mené de main de maître la barque de Sybel "à une époque où IBM ne proposait pas encore de micro-ordinateurs", se souvient-il. En 1995, les Anglais de Sage s'intéressent à Sybel (qui pèse alors 300 personnes, 30 M€ de CA, 43 000 clients et une offre de 32 logiciels) pour monter une structure en France, dont l'éditeur ne dispose alors pas encore : c'est la fusion avec SAARI, une autre entreprise à succès de l'époque et la naissance de Sage France.
Exit Christophe Crémer, qui a été remercié et ira fonder MeilleurTaux.com, tandis que son frère Alain reste encore deux ans dans la structure Sage, qui profite de son bagage technique. Puis il suit le chemin de son frère et fonde de son côté MeilleureGestion. Nous sommes en 2001. Alors qu'à l'époque on ne jure que par le client/serveur, il part d'emblée sur une solution de type cloud, un terme qui reste alors encore à inventer. "L'idée était de créer une suite de logiciels de paie, de comptabilité etc. avec des enjeux de fiabilité et d'efficacité importants, toutes choses pour lesquelles le cloud présente des bénéfices importants", explique Alain Crémer. "Nous voulions une solution simple, hébergée et ergonomique". Notons que le cœur du métier de l'éditeur demeure la paie, au moins dans les premiers temps. MeilleureGestion se trouve ainsi en concurrence frontale avec les éditeurs "best-of-breed" de l'époque, comme Lefebvre Software ou GEAC par exemple.
Alain Crémer, président directeur général de Nibelis
Ainsi, dès le départ, l'éditeur a proposé une solution construite sur une architecture cloud. En septembre 2016, elle a changé de nom et d'identité visuelle, pour opter pour "Nibelis", une référence au nuage en latin, (nubes). "Nous avons opté pour ce nom car avec 'MeilleureGestion' il était difficile de se développer à l'international et c'était compliqué en termes de référencement", commente Alain Crémer.
Aujourd'hui, la solution, complètement revue pour le cloud, s'articule autour de 5 grandes familles fonctionnelles : la gestion des talents (formation, compétences et évaluations et recrutement), le planning (absences, présences et activité), la paie (administration du personnel, paie, déclarations), le pilotage (rapports légaux, simulations budgétaires, décisionnel) et le portail RH (gestion administrative, manager, données personnelles, notes de frais). Elles est exclusivement SaaS, exclusivement disponible dans le cloud, entièrement multi-tenant, "avec une base de données unique. Ainsi, le client n'a absolument rien en local, pas même une applet", insiste Alain Crémer.
Une cible PME au départ
"Au début, nous nous sommes concentrés sur les sociétés de 50 à 200 collaborateurs, jusqu'à ce que nous nous rendions compte que notre solution SaaS présente aussi un intérêt pour des entreprises de taille plus importante", se souvient notre interlocuteur. Aujourd'hui, Nibelis revendique plus de 1 000 entreprises clientes, parmi lesquelles Alain Afflelou, Terraillon, Audika ou encore Leboncoin.
La solution s'adresse désormais aux entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d'activité : les entreprises de plus de 1 000 salariés représentent 12 % de ses clients. Pas loin de la moitié (42 %) a souscrit à une "gestion déléguée", le niveau d'offre le plus élevé du prestataire (cf. infra).
L'offre
Nibelis tente de se différencier de ses concurrents, comme Talentsoft par exemple (voir Les 12 tendances RH pour 2017, selon Talentsoft), grâce à une offre de services complémentaire à la solution logicielle.
Cette offre de services se décline en trois niveaux : la "gestion déléguée", qui est destinée aux sociétés souhaitant externaliser entièrement leur fonction paie, la "gestion accompagnée", pour les sociétés souhaitant s'affranchir de la maintenance de la solution tout en continuant à piloter leur paie de façon autonome, et la "gestion autonome", pour celles qui possèdent les ressources internes et les compétences nécessaires à la réalisation de l'ensemble des opérations de paie. S'y ajoute une cellule juridique, qui décrypte les évolutions de la législation. "Ainsi, le client n'a pas de veille juridique à mener", note le dirigeant.
Les entreprises choisissent donc leur niveau de service en fonction de leur situation et de leurs besoins. "Les opérationnels sont à la fois très autonomes et très contrôlés, un état de fait particulièrement intéressant pour les organisations très décentralisées", ajoute Alain Crémer. Et de citer le cas de l'ANPAA (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie), qui compte 180 établissements répartis dans tout l'hexagone, ou de Toys'R Us, qui a décentralisé toute la partie recrutement. En fonction du niveau de services choisi, les tarifs varient entre 5 et 15 euros par bulletin de paie.
L'immeuble du siège, à Levallois
Dans ce contexte, le rôle de la DSI est assez limité et les décisions sont plutôt du côté des métiers. " Mais dans l'ensemble, l'IT est assez contente de se débarrasser de la gestion des RH en interne", estime le dirigeant, qui cite, pour illustrer son propos, l'exemple de la fondation Rothschild, pour qui cela a été le cas.
Sur le plan des infrastructures, Nibelis gère deux centres de données en propre : le premier se situe au siège, à Levallois, le second à Lyon. Ils sont équipés de l'outil Data Guard d'Oracle pour la réplication automatique. Au total, la base de données pèse de l'ordre de 40 To, en SSD et 50 Go de mémoire vive. Les 1 000 clients hébergés sur ces machines génèrent quelque 110 000 bulletins de paie par mois. Les développements applicatifs se font à partir de frameworks propres, simples et robustes, qui s'appuient sur un moteur Java. La base de données s'appuie sur Oracle et PL/SQL.
Perspectives
Aujourd'hui, Nibelis compte 157 collaborateurs "expérimentés", insiste Alain Crémer. "L'objectif à fin 2017 est de franchir la barre des 200 personnes". L'entreprise compte cinq agences dans l'hexagone (le siège de Levallois, Lille, Lyon, Nantes et Toulouse). "Nous allons également ouvrir une agence à Aix-en-Provence et une autre à Strasbourg", poursuit le dirigeant. "Nous avons réalisé un chiffre d'affaires de 13,6 M€ euros en 2016, et notre objectif 2017 est d'en faire entre 16,5 et 17".
Après le changement de nom de 2016, 2017 sera une année de consolidation, émaillée de campagnes marketing et publicitaires, y compris à la télévision. Consolidation également en termes de développements applicatifs, avec l'intégration des spécificités de calcul des divers métiers et secteurs d'activité, comme le médico-social (primes décentralisées au salarié) ou l'automobile (revenu garanti).
"Nous avons un challenge marketing considérable cette année, mais aussi de développement informatique, avec une nouvelle interface", commente Alain Crémer. "Nous avons aussi mis en place une petite cellule partenariats, car aujourd'hui nous vendons presque exclusivement en direct. Et comme nous avons des taux de transformation de 1 sur 3 et que nous sommes très recommandés par nos clients, le développement de l'indirect est un axe de développement".
Enfin, s'agissant de l'international, ce n'est pas la volonté de s'y développer qui fait défaut, à l'instar de ce qu'avait déjà fait Alain Crémer avec Sybel. Mais pour l'instant, et compte tenu des objectifs listés ci-dessus, en dehors d'un accompagnement des clients sur les marchés extérieurs, il n'y a pas ni ouverture de filiale ni recherche de partenaires à l'ordre du jour.
Benoît Herr