Annonçant une prévision de croissance du secteur du numérique à 3 % en France et 3,2 % en Europe de l'ouest pour 2017, à comparer aux +4,5 % attendus pour le marché mondial, Godefroy de Bentzmann, président de Syntec numérique, a estimé que ces bons chiffres démontrent qu' "on avait surévalué l'impact du Brexit, qui pour l'instant reste invisible". Les négociations entre le gouvernement britannique et l'UE n'ayant pas encore commencé et leur issue restant tout à fait incertaine, il est en effet certainement trop tôt pour mesurer l'impact du vote des électeurs britanniques.
Moral au beau fixe
81 % des acteurs interrogés par IDC dans le cadre de cette étude semestrielle prévoient une croissance de leur activité en 2017, contre 75 % il y a un an : "100 % des grandes acteurs du secteur considèrent même qu'ils sont en très forte amélioration", a indiqué Godefroy de Bentzmann. "Cette croissance est portée à 90 % par les SMACS (Social, Mobilité, Analytics, Cloud et Sécurité), couche technologique de la transformation numérique". Ils devraient représenter 20,1 % du marché en 2017, soit 9 milliards d'euros (contre 18 % en 2016).
Godefroy de Bentzmann, président de Syntec numérique
Le président de Syntec numérique a souligné une nouveauté sur le marché : "les grands acteurs du secteur sont obligés d'intégrer la valeur innovante de structures beaucoup plus petites" et a applaudi cette nouvelle collaboration, notamment dans le domaine de la cyber-sécurité. Godefroy de Bentzmann a également remarqué que "pour la première fois, certains clients appréhendent les évolutions technologiques avant les acteurs numériques", en citant l'exemple de l'initiative Blockchain de la Caisse des Dépôts et de ses partenaires.
Le seul point noir reste les difficultés de recrutement rencontrées par 70 % des acteurs interrogés. "Il faut faire attention à ne pas alimenter une bulle sur les salaires, les clients n'étant peut-être pas capables de suivre la hausse des tarifs qui pourraient en découler", a prévenu Godefroy de Bentzmann.
Secteur logiciel : SaaS, SaaS et encore SaaS
Gilles Mezari, co-président du collège éditeurs de logiciels, a pu annoncer des chiffres encore plus optimistes pour son secteur : 4,2 % de croissance attendus en France en 2017, 5,4 % en Europe (dont 6 % au Royaume-Uni) contre 6,7 % au niveau mondial.
Parmi les 88 % d'éditeurs logiciels qui anticipent une croissance de leur activité en 2017, la moitié estime que celle-ci passera par la mise sur le marché d'une nouvelle offre logicielle. Concernant le modèle de développement, ils sont 43 % à estimer que la croissance passera par le développement du SaaS, 28 % par le développement des ventes indirectes et 17 % par de nouvelles sources de revenus. La stratégie de développement passera enfin par une croissance à l'international pour 42 % des sondés, par la croissance externe pour 24 % et par l'augmentation des prix pour 6 %.
Par ailleurs, les réfractaires au SaaS sont maintenant très minoritaires : 40 % des éditeurs n'ont pas encore d'offre SaaS mais parmi eux, 47 % ont un projet en cours. Sur les 60 % qui ont une offre SaaS, la part d'affaires signées en SaaS sur le 1er trimestre 2017 est de 26 %. Le marché SaaS devrait ainsi croître de 24 % en 2017 (contre 0,7 % pour le on-premise) et représenter 18 % du marché logiciel dans son ensemble. Enfin, la durée d'engagement moyen des revenus récurrents SaaS est supérieure ou égale à 36 mois pour 87 % des éditeurs.
Concernant le poids du SaaS par catégorie de logiciels, en 2016, le collaboratif est arrivé en tête à 52 %, suivi du CRM (51 %), de l'ERM (RH, gestion, compta, finance - 22 %), de la supply chain management (15 %), de la gestion des systèmes (12 %), de la gestion de contenu (11 %), de la sécurité ( 11 %) et des applications métiers (9 %). Les secteurs clients qui tirent la croissance en 2017 sont la banque, l'assurance et la finance, l'industrie et la santé. Gilles Mezari a tout de même souligné une nouvelle difficulté : "de plus en plus de clients exigent maintenant un 'proof of concept' avant de s'engager et les éditeurs de logiciels doivent être en capacité de pouvoir financer cette étape".
Présidentielles : un thème numérique trop timide
"Avec difficulté, le thème du numérique émerge progressivement dans la campagne présidentielle", alors que Godefroy de Bentzmann considère qu'il devrait y tenir un rôle central, compte tenu de "son caractère crucial pour le prochain quinquennat". Le syndicat patronal tente de faire porter sa voix, notamment par la diffusion de quatre cahiers de campagne correspondant aux axes de développement identifiés et portés par le Syntec : l'industrie du futur, la formation initiale et professionnelle, la transformation du secteur de la santé et la ville du futur.
Godefroy de Bentzmann a insisté en particulier sur l'importance d'une nouvelle approche de la formation professionnelle pour s'adapter aux nouvelles formes de travail, qui concerneront à terme les 30 millions d'actifs en France : "Nous proposons un Grenelle de la formation pour revoir l'ensemble du système". Syntec numérique souhaite mettre en place "une plateforme numérique qui 'désintermédiera' les intermédiaires actuels" que sont les collectivités et les entreprises et "permettra à toute personne active de disposer d'un compte universel de formation, en euros", dont chacun pourra disposer à sa guise.
"Si le numérique n'est pas ce qui va faire élire les candidats", comme le reconnaît avec amertume Godefroy de Bentzmann, "nous travaillons avec les équipes des candidats pour qu'ils reprennent nos propositions". Patrice Demay, président du collège conseil en technologies, a expliqué le problème de visibilité de Syntec numérique par la société civile par le fait que "contrairement à d'autres, comme par exemple les syndicats de la restauration", qui ont martelé pendant des années leur revendication d'une TVA réduite et l'ont finalement obtenue, "le Syntec ne roule pas que pour lui-même". Analyse partagée par Godefroy de Bentzmann : "Nous ne sommes pas corporatistes, parce que nous n'en avons tout simplement pas besoin !". Ou comment 3% de croissance annuelle peuvent vous rendre philanthrope.
Hervé Baconnet