C'est dans un hôtel particulier du XVIème arrondissement de Paris, aussi charmant que discret, que l'éditeur a organisé cette manifestation, en la présence d'une centaine de ses clients. Ceux-ci étaient tous très avides d'en savoir plus sur la toute dernière version d'IFS Applications, qui avait été annoncée le 1er mai dernier lors de la conférence d'Atlanta et que nous vous présentions en détail dès son lancement en France (voir IFS lance une nouvelle version majeure). Au-delà de cette présentation, la journée a aussi été pour les clients l'occasion d'échanger avec les dirigeants français de l'éditeur.
Une version 10 d'ores et déjà adoptée par un certain nombre d'entreprises, à l'instar du groupe aéronautique Lauak : entreprise familiale créée en 1975, elle s'est développée pour devenir aujourd'hui un groupe à dimension européenne, fournisseur de premier et de second rang pour les grands donneurs d'ordre de l'aéronautique, et compte plus de 1 500 collaborateurs répartis sur 6 sites de production, dont un au Portugal. C'est ce dernier, récent, qui va expérimenter IFS Applications 10 avant qu'il ne le soit déployé sur l'ensemble des sites.
"Jusqu'à présent, nous nous appuyions sur un système qui s'apparentait davantage à un outil de GPAO", explique Mikel Charritton, directeur général du groupe Lauak. "Cet outil convivial et permettant une bonne traçabilité a atteint ses limites en raison du volume de données à traiter suite à la croissance du groupe et à l'évolution de son organisation. Après consultation de différentes solutions, notre choix s'est porté sur IFS Applications 10. Ses capacités répondent parfaitement aux spécificités métier de notre activité. Elles vont notamment nous permettre d'accélérer la transformation de notre modèle commercial en assurant de nouveaux services à nos clients et ainsi monter dans la chaîne de valeur dans les prochaines années". Car le site portugais est appelé à devenir une véritable usine 4.0 dans la mesure où automatisation et équipements connectés seront déployés. "Nous profitons de ce changement de solution de gestion pour travailler sur l'harmonisation et la standardisation de nos processus et le partage des bonnes pratiques et sur la création d'une cartographie des processus groupe", précise Mikel Charritton.
Amor Bekrar, président d'IFS France
À La Poste aussi, on a tout récemment opté pour IFS Applications 10, rien moins que pour assurer la logistique de 17 000 points de contact auxquels il faut ajouter 3 000 points de courrier. Le contrat a été signé en décembre 2017 et les décideurs se sont laissés convaincre qu'il valait mieux, pour mener ce projet colossal, attendre la sortie de la nouvelle version, plus riche fonctionnellement et plus connectée. "Il s'agit d'un très gros projet, dans le cadre d'une offre hébergée et managée par notre partenaire DXC", confirme Amor Bekrar, président d'IFS France. "Ce qui est assez significatif, c'est que nous remportons des affaires de cette envergure face à des concurrents comme SAP, Microsoft ou Oracle", se satisfait-il. "Il y a un retour de l'influence des métiers sur les choix IT, avec une certaine ouverture des grands groupes, qui imposent pourtant généralement des éditeurs. Et IFS bénéficie de cette ouverture". La poste travaille donc avec DXC, un géant issu de la fusion de CSC (Computer Sciences Corporation) et de la division Enterprise Services de Hewlett-Packard Enterprise (HPE). Avec Capgemini, Accenture mais aussi Applium, ces entreprises constituent le noyau dur de l'écosystème de partenaires d'IFS, un écosystème volontairement limité en nombre par l'éditeur et qui satisfait aujourd'hui le président de la filiale française, qui précise : "nous ne cherchons pas à avoir un réseau énorme, mais une poignée de partenaires fiables". Il cite également K4U, une division spécialisée du groupe Kardol, qui travaille par ailleurs surtout avec Sage et SAP, "embryonnaire mais prometteur".
La politique de l'éditeur suédois en matière de croissance externe va un peu dans le même sens : "2017 a connu le rachat de Workwave et de mplSystems, des acquisitions destinées à compléter notre offre et non à booster notre CA", rappelle Amor Bekrar. En France, le développement des activités des partenaires a quelque peu grevé le chiffre d'affaires service, ce qui là encore ne déplait pas nécessairement au dirigeant, qui déclare vouloir s'appuyer de plus en plus sur des partenaires et qui ajoute que "nous sommes en croissance depuis 10 ans et avons généré un peu plus de 18 M€ en 2017 et avons dépassé la centaine de collaborateurs en France. Et 68 % de notre CA est du revenu 'produit', c'est-à-dire licence et maintenance".
Quant au SaaS, le premier client en mode réellement SaaS (et non en mode hébergé) devrait démarrer à la rentrée. "L'offre SaaS va plus vite que la demande et manque de segmentation", estime le dirigeant qui refuse toutefois de divulguer le nom de ce client pour l'instant. "En ce qui concerne l'ERP, il faut donner du temps au temps, ce qui est moins le cas pour le CRM ou les RH. C'est pour cela que IFS n'a pas cherché à s'engouffrer dans le SaaS dès le début".
IA, blockchain et réalité augmentée
L'invité vedette de cette journée était Bas de Vos, directeur d'IFS Labs, l'entité de recherche et d'expérimentation de l'éditeur. "IFS investit chaque année plus de 10 % de son CA en R&D et plus de 30 % des collaborateurs IFS travaillent dans la R&D. Nos produits sont développés par plus de 1 000 personnes dans 10 centres dans le monde", explique-t-il en introduction. L'entité IFS Labs est quant à elle beaucoup plus restreinte mais tout aussi disséminée : "je suis moi-même basé à Utrecht, aux Pays-Bas, avec un collègue spécialiste de l'IA. Le noyau dur de mon équipe, qui représente quelque 10 à 15 personnes, est partout dans le monde, mais surtout au Sri Lanka, où nous avons ouvert une représentation en 1997 et où le turnover est de 6 %, ce qui est très bas. Nous collaborons très bien ; ce sont surtout des ingénieurs logiciels, mais avec un état d'esprit d'entrepreneurs, d'indépendants, et qui ont une affinité particulière pour la technologie. Bref, IFS Labs est un peu à part, avec une mentalité de start-up".
Bas de Vos, directeur d'IFS Labs
Sur des projets spécifiques, cette équipe peut être amenée à être élargie : l'objectif d'IFS Labs est de produire le bon produit pour produire plus de valeur, avec une meilleure qualité, le tout avec un déploiement efficace. "Mais nous gardons toujours en mémoire que nous sommes un éditeur de solutions de gestion et non de solutions techniques", note Bas de Vos.
Trois grands domaines sont à l'étude à l'heure actuelle : l'Intelligence Artificielle (IA), la blockchain et la réalité augmentée. Concernant l'IA, Bas de Vos estime "qu'il faut se concentrer sur des applications utiles aujourd'hui et pas dans 25 ans. Dans les années à venir, nous verrons des investissements dans l'interaction homme/machine, la maintenance prédictive et le service. Des investigations sont en cours pour la prise en compte de signaux IoT, mais aussi pour l'automatisation et l'optimisation. "Dans tous ces domaines, IFS mène de la R&D à la fois avec IFS Labs et avec les équipes de développement classiques". Et de préciser qu'il est confiant quant à l'impact social de ces technologies : "depuis la machine à vapeur jusqu'à l'Internet, toutes les technologies nouvelles ont toujours créé plus de jobs qu'elle n'en ont détruit. Pour l'IA, ce sera pareil", estime-t-il.
Aujourd'hui, l'accent est mis sur les chatbots, qui peuvent être internes (avec Aurena bot) ou externes (avec les outils de mplSystems). Là dessus, la commande vocale est en cours d'expérimentation : "nous travaillons avec des 'early adopters' sur la question de ces expérimentations".
Concernant la réalité augmentée, le directeur d'IFS Labs se fait l'apôtre de la réalité mixte, qui se situe entre réalité virtuelle et réalité augmentée. "Elle peut avoir un impact sur la productivité, les marges, la compétitivité, les besoins de talents et au final la satisfaction client", explique-t-il.
C'est par rapport à la blockchain qu'il se montre le plus circonspect : "si la blockchain d'entreprise est la réponse, quelle est la question ?", ironise-t-il. "Son adoption en masse par les entreprises se situe encore à horizon 10 ans, car aujourd'hui la plupart des projets blockchain sont en réalité de conception centralisée et donc il n'y a pas besoin de blockchain".
Une démonstration d'application de la réalité augmentée
La porte n'est toutefois pas fermée : "elle n'est intéressante que si tout le monde y travaille ensemble. Aujourd'hui, les systèmes sont hétérogènes, incomplets, écrits ou oraux, avec de gros volumes, sans réelle standardisation et avec une traçabilité limitée, et donc des coûts très élevés. Mais si on utilise la blockchain sur toute la chaine, depuis, par exemple, la construction de l'avion jusqu'à sa maintenance et son exploitation, chaque entreprise impliquée fonctionne avec son propre SI, mais une fois la tâche réalisée, elle la publie sur la blockchain. Et donc ça conduit à une plus grande confiance, plus de fiabilité et une meilleure utilisation du système.
Mais pour arriver à cela il y a un certain nombre de challenges, qui font que ce n'est pas encore là aujourd'hui. Nous continuons à investiguer sur le sujet, parce qu'à terme ça pourra être intéressant". Quant à savoir si la blockchain présente un danger pour l'ERP, Bas de Vos ne le pense pas, "parce que la majorité des processus continueront à être traités en interne. Seules certaines données sont appelées à être diffusées".
Benoît Herr