On se souvient des polémiques ayant alimenté la chronique il y a un peu plus d'un an (cf. Business ByDesign : SAP jetterait l'éponge et Arrêt des développements Business ByDesign : SAP dément) selon lesquelles la solution ERP SaaS du géant de Walldorf serait plus ou moins reléguée aux oubliettes. Le démenti immédiat des rumeurs par Rainer Zinow, VP Senior de la division cloud de SAP, s'est ensuivi... d'un grand silence de plus d'un an, alors même que Business ByDesign a longtemps été le fer de lance de l'innovation de SAP, à grands renforts d'investissements massifs. Ce positionnement a démarré bien avant son lancement en 2007 et a duré jusqu'à l'arrivée de HANA et des nombreux rachats successifs, qui l'ont alors éclipsé.
Et pourtant, on ne peut pas dire que la communication de SAP soit déficitaire, tant s'en faut : HANA tous azimuts, cloud, SuccessFactors, Ariba, etc. tout y passait, ces derniers temps, jusqu'à l'implication de l'entreprise dans l'Internet des objets. Mais de Business ByDesign (BBD) point. Voilà qui est réparé.
Nouveau positionnement
Dr. Michael Schmitt - senior vice president et directeur général de Business ByDesign - SAP (cliquez pour agrandir)
BBD est toujours bien là et fonctionne désormais, depuis février dernier comme annoncé précédemment, sur la base de données in-memory HANA. La solution ERP dans le cloud est également multi-tenant et proposée dans le cloud. D'un point de vue commercial, SAP le destine désormais non plus aux toutes petites entreprises mais à ce qu'il appelle le "mid-market", c'est-à-dire les entreprises comptant entre 500 et 1 000 collaborateurs. BBD est la solution cloud proposée à ces entreprises, son pendant on-premise étant All-in-one, "qui n'existe qu'en mode 'on-premise' ou en mode hébergé par un partenaire pour les entreprises qui le désirent, mais pas dans le cloud", précise Michael Schmitt.
S'agissant des entreprises de moins de 500 collaborateurs, baptisées SMB chez SAP, c'est Business One cloud et Business One qui sont préconisés. Et c'est bien sûr la Business Suite, en mode cloud ou on-premise, qui est recommandée aux grandes entreprises.
Les datacenters hébergeant BBD sont tous propriété de SAP et se situent près de Walldorf en Allemagne, à Sydney, en Australie, et à Philadelphie, aux États-Unis. "Mais si un client souhaite être servi exclusivement à partir de l'Allemagne, c'est tout à fait possible", précise Michael Schmitt.
La solution a aujourd'hui été localisée par les soins de SAP pour 19 pays, mais ses partenaires ont porté ce chiffre à 50. À noter que la localisation ne se résume pas à une simple traduction, mais bien à l'adaptation aux règles de gestion et à la réglementation locale de chaque pays.
L'éditeur propose quatre versions de BBD par an, des montées de versions totalement transparentes pour l'utilisateur, puisque cela se passe dans le cloud. La version courante est la 14.11. Le client reçoit néanmoins une feuille de route lui indiquant, deux versions en amont, les fonctionnalités qui vont voir le jour.
Exemple d'écran de Cockpit (cliquez pour agrandir)
L'interface s'est modernisée, au moins sur la partie applications mobiles connectées à BBD : Michael Schmitt évoque le Projet "Cockpit", une app mobile pour iPhone et iPad complémentaire à la gestion de projets co-développée avec la société Roland Berger Strategy Consultants, qui permet d'interagir avec les données du projet BBD de manière innovante, avec une vision à 360°. L'app est complètement intégrée avec les autres modules de BBD (cf. ci-dessus).
Pour quels clients ?
De ce point de vue-là aussi, on repart sur de nouvelles bases : oubliés, les 780 et 1 000 clients en production annoncés à l'époque par Rainer Zinow. Michael Schmitt en revendique aujourd'hui, soit plus d'un an plus tard, 1 000, pour 60 000 utilisateurs.
Pourtant, il affiche aussi 20 % de croissance annuelle du nombre de ses utilisateurs (qui seraient donc passés de 50 000 à 60 000 en un an). Il utilise également et étonnamment, au vu de ce qui suit, une autre métrique pour prendre la température du marché : le nombre des partenaires, qui a également crû de 20 % au cours de la dernière année.
Il reste néanmoins très discret sur l'identité de ses clients. Michael Schmitt cite la société d'outillage professionnel Hilti, qui en a équipé ses filiales. En France, un grand groupe de l'agroalimentaire du CAC40 est dans le même cas. "Cette architecture devient de plus en plus fréquente du fait de l'intégration de la solution BBD avec la Business Suite", remarque-t-il. En effet, BBD et la Business Suite sont conçus pour échanger les informations dans les deux sens et à tous les niveaux. Cette architecture n'est cependant pas la seule et de nombreuses start-up, par exemple, sont également intéressées par la solution, qui se déploie rapidement.
SAP s'appuie massivement sur ses partenaires
On se souvient aussi que c'est le mode de commercialisation de BBD qui avait fait la relativité de son succès il y a quelques années, les commerciaux préférant de loin vendre une solution on-premise sur laquelle ils seront grassement et immédiatement rémunérés plutôt qu'une solution sur abonnements pour laquelle ils toucheront une commission beaucoup plus faible et étalée sur des années.
Depuis quelque temps, la solution s'esquissait : confier la commercialisation aux partenaires qui, du même coup, pourraient également l'enrichir en proposant des add-on métiers réalisés grâce au SDK (Software Development Kit) intégré à BBD. Mais sa politique avait alors poussé SAP à multiplier le nombre de ses partenaires, qui considéraient cela comme une corde supplémentaire à leur arc mais ne généraient pas forcément de nombreux projets BBD. La politique a radicalement changé en la matière : "je préfère des partenaires qui génèrent du volume à un gros volume de partenaires. Nous misons tout notre business sur nos partenaires", commente Michael Schmitt. Notons que sur les grands comptes, SAP reste en toujours contact direct avec ses clients. Les fonctionnalités ajoutées auront le même "look and feel" que les fonctionnalités de base. "Lorsqu'un partenaire a développé un module additionnel, il peut demander un complément d'abonnement à ses clients", ajoute Michael Schmitt, qui convient que le développement de ces verticaux par des tiers est un axe stratégique pour lui.
Côté France
"La France compte aujourd'hui 70 entreprises utilisatrices", indique Marc Genevois, directeur des opérations pour la France. "C'est un bon début. La plupart d'entre elles sont gérées par nos 10 partenaires". Notons qu'ils étaient déjà 13 en 2011 (cf. SAP Business ByDesign : des témoignages, enfin). Il y a donc eu une sérieuse requalification de ces partenaires et ceux qui ne généraient pas suffisamment de projets ont disparu. Dans la droite ligne de la stratégie de Michael Schmitt, Marc Genevois confirme : "nous recherchons des partenaires qui font du volume".
Quelles perspectives ?
"Aux États-Unis, le cloud est l'option par défaut, et les entreprises confient l'essentiel de leur informatique aux partenaires", constate Michael Schmitt. "Le métier des DSI évolue : ils se soucient moins de technique et plus de processus afin de fournir aux métiers des solutions optimisées. Cette nouvelle manière de penser l'informatique arrive déjà au Royaume-Uni".
Dès 2008, Léo Apotheker, alors co-CEO de SAP AG, s'il réaffirmait sa foi dans le modèle SaaS, constatait déjà qu'il faudrait plus de temps qu'initialement prévu à BBD pour se développer. Depuis, les atermoiements de BBD ont permis à des concurrents directs comme Netsuite de se développer. Pour Gartner, si 50 % des déploiements de CRM dans le monde se feront en SaaS dès 2016, il faudra attendre 2025 pour que l'ERP en SaaS atteigne ce même taux. Sans doute Business ByDesign était-il en avance sur son temps et, s'il est arrivé un peu trop tôt sur le marché, SAP vient de relancer la machine.
Benoît Herr