Le 28 juillet, Oracle annonçait le rachat du spécialiste de l'ERP dans le cloud, pour 9,3 milliards de dollars (cf. Oracle se paie Netsuite). Cette opération, certes importante, est-elle de nature à modifier la donne sur le marché des ERP ?
Pour Oracle certainement. Les quelque 10 000 organisations utilisatrices des solutions de l'éditeur de San Mateo (pour environ 30 000 filiales dans plus de 100 pays), crée dès 1998 par Evan Goldberg avec des solutions nativement dans le cloud, vont venir grossir son portefeuille de clients et jeter une pierre dans le jardin de SAP, qui clame à la cantonade qu'il est désormais le champion du cloud. Rappelons que Netsuite est tout simplement le leader mondial des ERP dans le cloud.
D'après le dernier rapport en date "Clash of the titans 2016" du cabinet indépendant spécialisé dans les ERP Panorama Consulting Solutions (PCS), étude ayant analysé 519 réponses à un questionnaire en ligne portant sur des organisations ayant choisi ou mis en œuvre les solutions ERP de SAP, Oracle, Microsoft ou Infor entre juin 2014 et octobre 2015, SAP domine toujours le marché de la tête et des épaules, avec 23 % (cf. schéma 1 – fréquence à laquelle les répondants ont retenu la solution). Oracle arrive en seconde position, avec 16 %. À noter que dans ce "choc des titans", Infor dame désormais le pion à Microsoft, qui n'est qu'à 9 % tandis qu'Infor s'arroge également 16 %, rivalisant ainsi avec Oracle. Mais une fois que le portefeuille de clients de Netsuite aura été intégré à celui d'Oracle, la firme de Larry Ellison viendra jouer à touche-touche avec le leader du marché, SAP. En termes de chiffre d'affaires, Netsuite génère un petit milliard de dollars annuellement, même si l'entreprise affiche des pertes trimestre après trimestre.
Importance du cloud
D'après l'enquête de satisfaction annuelle du CXP 2016, menée en partenariat avec erp-infos.com (cf. Étude ERP du CXP 2016), et qui porte sur le marché français, l'hébergement des ERP dans le cloud reste très largement minoritaire, même s'il gagne très légèrement du terrain chaque année (un petit 2 % en 2015). D'après l'enquête, le on-premise représente 78 % des installations (contre 84 % en 2014). Seules 14 % des installations résident sur des serveurs distants, en mode cloud, SaaS ou en hébergement dédié et 2 % des répondants ont adopté une solution hybride.
Le rapport de Panorama Consulting Solutions, qui porte lui sur des installations dans le monde entier, corrobore peu ou prou ces chiffres : concernant les quatre éditeurs analysés, ils sont à 29 % d'installations off-premise, soit légèrement plus que les chiffres de la France, sauf Infor, qui est à 24 %. Ce dernier pourcentage est d'autant plus intéressant à relever que la stratégie de l'entreprise est depuis quelques temps au "tout cloud" (cf. Le cloud en vedette à l'Inforum). Mais l'éditeur new-yorkais n'est pas le seul à afficher ce type de stratégie : SAP est le premier à le faire. En 2013, la firme de Walldorf avait le plus bas pourcentage de répondants indiquant utiliser ses solutions dans le cloud (18 %), Avec 29 % cette année, la progression est significative : même si le mouvement n'est pas aussi rapide que d'aucuns le souhaiteraient, des clients de plus en plus nombreux passent sur le cloud. Pour PCS "cela est sans doute dû au fait que la perception du cloud par les organisations évolue et qu'elles ne le voient plus comme un mode de fonctionnement plus risqué que les déploiements on-premise". Pourtant, ce sont bien toujours en premier lieu les préoccupations concernant la sécurité des données qui freinent les installations dans le cloud.
L'intégration de Netsuite dans le giron d'Oracle va bien entendu modifier la donne et gonfler sa part de marché cloud. Il lui faudra toutefois faire coexister l'offre Netsuite avec ses offres cloud actuelles, une opération qui n'effraie pourtant pas Mark Hurd, CEO d'Oracle : "les applications cloud d'Oracle et de Netsuite sont complémentaires", affirme-t-il. "Elles vont coexister sur le marché pour toujours. Nous avons l'intention d'investir massivement dans les deux produits que ce soit en ingénierie ou en distribution". De son côté, Zach Nelson, CEO de Netsuite, se réjouit : "Netsuite va bénéficier de l'envergure et de l'implantation mondiales d'Oracle pour accélérer la disponibilité de nos solutions cloud dans des secteurs et dans des pays plus nombreux encore".
Et la France
Jusqu'à il y a un an à peine, l'éditeur leader des solutions ERP dans le cloud n'était pas représenté et curieusement très peu présent dans l'hexagone : on y dénombrait alors quelque 170 organisations utilisatrices, clients directs de Netsuite. C'est alors que Cap Gemini a décidé de monter une filiale dédiée aux activités de distribution de Netsuite en France. Partenaire exclusif, elle a été baptisée Cloud ERP Solutions (CES) (cf. Netsuite arrive en France et Jusqu'où ira Netsuite en France ?) et est dirigée par Nicolas de Taeye, également vice-président de Capgemini France.
La société affichait dès le départ de grandes ambitions : "nous voulons devenir le n°1 des ERP dans le cloud dans un délai raisonnable", affirmait alors Nicolas de Taeye. "Nous visons 10 % de ce marché d'ici fin 2017" Si elle a beaucoup prospecté et conclu ses premiers contrats, CES n'occupe pas encore la place convoitée par son dirigeant. L'opération de rachat par Oracle ne devrait toutefois pas avoir de conséquences majeures sur l'organisation en France, pour l'instant tout du moins.
Au final, le rachat de Netsuite aura sans nul doute des conséquences pour les éditeurs, mais devrait en avoir assez peu pour les utilisateurs.
Benoît Herr