L'éditeur est en effet présent sur de nombreux marchés, mais l'ERP demeure un grand pan de son activité. Depuis la tenue de sa grand messe annuelle à New York en juillet 2017 (voir L'écosystème d'Infor réuni dans la grosse pomme et Infor et la croissance externe), "nous avons fait des tas de choses", déclare le Charles Philipps.
En intelligence artificielle
À propos de la plate-forme d'Intelligence Artificielle (IA) Coleman, le CEO affirme qu'elle a mûri depuis juillet et "nous allons en faire la démonstration dans très peu de temps. Nous avons en particulier construit un assistant numérique, qui permet à l'utilisateur d'interagir avec un chatbot pour, par exemple planifier sa semaine à venir. Il est aussi possible de lui parler pour, par exemple, écrire des e-mails. Donc, le système a évolué et nous disposons d'un dispositif appelé skills, qui sont des process particuliers basés sur des API permettant d'accéder à des fonctions externes sans utiliser l'interface utilisateur". Les API contenues dans les produits Infor, créées au fil des années, se comptent par milliers, si l'on en croit Charles Philipps. "Donc, nous mettons à profit l'IA pour appeler ces API. Les utilisateurs peuvent d'ailleurs les appeler eux-mêmes, car nous proposons une plate-forme de développement pour ces API, et réaliser un chatbot personnalisé. C'est probablement la prochaine tendance en la matière".
"Voila plusieurs années que nous sommes dans le cloud et je pense que nous sommes les seuls à avoir des applications multi-tenant dans de nombreux domaines comme les ressources humaines, la supply chain, la finance et les ERP", déclare Charles Philipps. "De ce fait, nous avons de grandes quantités de données et nous construisons des relations clés en utilisant Birst et nos outils d'IA pour offrir une vision de ces données. C'est ce que nous allons évoquer lors de notre réunion avec les analystes le mois prochain. Il importe pour nous d'organiser et d'exploiter toutes ces données que nous collectons depuis des années". Ce qui différencie Infor, d'après le CEO, c'est la présence du réseau commercial dont il dispose, sur lequel se trouvent des banques, des fournisseurs, des transporteurs maritimes etc. ce qui lui permet d'explorer les données émanant d'organisations multiples. "Nous avons commencé à benchmarker des clients qui veulent anonymiser leurs données avant de permettre de les exploiter, pour ensuite optimiser les processus en termes de délais de paiement, de livraison etc.". Il n'y a pas encore de sociétés utilisatrices en production, mais certaines font des projets pilotes et des tests sur des cas utilisateurs particuliers. "Mais nous avons déjà des utilisateurs en production sur de l'IA depuis des années sur des applications de back-end comme de l'optimisation de stocks ou de l'analytique. Ce sont les applications de front-end, celles auxquelles on peut parler, qui sont en pilote aujourd'hui". Dans un premier temps, les applications HCM (Human Capital Management) seront de bons candidats pour cette application.
Dans l'Internet des objets
Infor est engagée depuis un certain temps dans l'IoT (Internet of Things) et "lors de ma réunion précédente j'ai rencontré les gens du CERN, qui est l'un de nos plus gros clients EAM (Enterprise Asset Management)", raconte le dirigeant. "Ils collectent quelque 500 To de données toutes les semaines, via des capteurs. Ces données sont confiées à une équipe spécialisée qui fait de la maintenance prédictive afin d'optimiser l'entretien des équipements. Donc oui, nous savons traiter les données de l'IoT, les données de maintenance et tous les composants, qui nous placent dans une excellente position. C'est pour cela que certaines entreprises du monde de l'IoT viennent vers nous. Car ce n'est pas le tout de disposer des données, encore faut-il savoir les exploiter. C'est ce que fait l'EAM. Nous collectons les données dans le cloud, qui vont dans un data lake avec d'autres, comme les données de l'ERP, des RH et des autres applications. Toutes les données se retrouvent en un seul endroit, ce qui permet de faire du machine learning et c'est ainsi que l'on commence à construire des relations clés".
Le cas du CERN n'est pas isolé : la MTA (Metropolitan Transportation Authority – entreprise publique en charge des transports publics de New York) fait plus ou moins la même chose. "Nous sommes en pilote sur des inspections d'équipements réalisées par des drones, dont les données vont également dans l'application EAM", précise Charles Philipps. Si l'IoT trouve son utilité avec l'EAM, il peut aussi servir dans l'ERP, comme pour gérer des entrepôts automatisés. "La logistique est un autre domaine d'application, que nous mettons en œuvre dans le réseau GTNexus pour le suivi de commandes, grâce à des capteurs dans les conteneurs, par exemple. L'IoT est aussi très utile pour optimiser les tournées ou prévoir les retards de livraison. Certains de nos clients ont besoin de localiser avec précision tel ou tel équipement pour, par exemple, déclencher un paiement ou appliquer une clause de contrat", ajoute le CEO. Signalons que le réseau GTNexus est accessible depuis tous les produits Infor et qu'il devrait être de plus en plus exploité, pour l'analytique et l'établissement de tendances commerciales, par exemple. "Nous n'avons pas monétisé ces possibilités jusqu'ici, mais nous allons commencer à le faire", prévoit le dirigeant.
Dans le cloud avec Cloudsuite
La stratégie de l'éditeur repose essentiellement sur le cloud (voir Le cloud en vedette à l'Inforum), qui représentait en juillet dernier 55 % de ses revenus de licences. "C'est toujours très important", réaffirme Charles Philipps. "La plupart de nos nouvelles ventes se font dans le cloud. Les gens se sentent de plus en plus à l'aise avec le cloud. Ils étaient circonspects, notamment par rapport aux questions de sécurité, mais ce n'est plus le cas. Modulo la région du globe dont on parle, toutefois. Et le multi-tenant devient la règle, ce qui n'était pas non plus le cas auparavant. Ça a été beaucoup de travail pour arriver à cela, mais nous y sommes et nous sommes les seuls dans ce cas sur le marché. Le cloud représente aujourd'hui quasiment 10 points de revenus de licences de plus pour nous qu'en juillet, soit un peu plus de 60 %".
Charles Phillips, CEO d'Infor (C) John McGall
Quant à l'Europe, qui était largement à la traîne, "elle s'améliore également. En fait, ça change très vite et le dernier trimestre est très différent du même de l'année passée". Si Charles Philipps n'a pas le même objectif qu'Oracle, de faire passer tous ses clients à terme dans le cloud (voir Oracle et ses ERP), il estime être mieux placé que ses concurrents car "nous avons commencé plus tôt et nous n'avons pas de problème de base de données à faire migrer dans le cloud pour en conserver les revenus ; les gens ne vont pas payer pour cela. D'ailleurs, peu leur chaut quelle base de données est utilisée. Chez nous, la base de données fait partie de l'application. C'est donc un avantage que nous avons par rapport à la fois à Oracle et à SAP, qui continuent toujours à essayer de vendre de l'infrastructure. En outre, quand vous souscrivez à l'un de nos ERP, vous êtes automatiquement intégré au réseau GTNexus et pouvez commencer à collaborer avec vos fournisseurs et partenaires. Pas besoin ni d'EDI ni de mener un autre projet ou de modifier vos processus. Nous construisons nos applications en intégrant le réseau".
Avec la stratégie de verticaux métier
"Les applications verticales sont le fondement même de l'entreprise et notre facteur différenciateur majeur. Et nous ajoutons des micro-verticaux à nos applications tous les jours : nous travaillons pour cela avec nos clients et les consultants, qui nous remontent leurs besoins. Nous ne souhaitons pas que nos clients modifient notre code source. Cette collaboration est une grande idée, d'autant que leurs idées ne nous coutent rien et nous permettent d'enrichir nos produits au travers de releases mensuelles, parfois même hebdomadaires, en fonction du produit. Ils connaissent désormais notre mode de fonctionnement, ce qui ne fait que les encourager à nous donner encore plus d'idées".
Enfin, concernant l'Europe et la France, Charles Philipps "se sent mieux par rapport au problème du Brexit, qui n'aura pas autant d'impact que ce que nous le pensions au départ. Notre business ici s'accélère et nous sommes optimistes. Nous allons très bien en Allemagne, ce qui a toujours été le cas notamment parce que les clients allemands sont fatigués de n'avoir qu'un seul choix dans leur pays. Nous avons un nouveau manager en Europe, ex-SAP et ex-DSI, et réorganisons la région autour de lui et de la palanquée de gens de valeur qu'il a amenés avec lui".
Quant à la France, le CEO estime que son manager local est également excellent, mais "ce que nous devons faire ici, c'est introduire plus de lignes de produits. Et faire parler nos clients de leurs succès".
Benoît Herr